Page images
PDF
EPUB

ouvrages, lorsqu'on en a rassemblé les différens fragmens. Lycurgue (vers 876 av. J.-C.), est le premier qui, dans son voyage d'Ionie, les recueillit et les apporta à Lacédémone, d'où ils se répandirent dans la Grèce (1). Pisistrate (vers 540 av. J.-C.), ordonna à son fils Hipparque d'en faire une nouvelle copie, et ce fut celle qui eut cours depuis ce temps jusqu'au règne d'Alexandre. Ce prince (vers l'an 336 áv. J.-C.), chargea Callisthène et Anaxarque de revoir soigneusement les poëmes d'Homère quidevoient ávoir été altérés en passant par tant de bouches et courant de pays en pays. Aristote, dans le même temps fut aussi consulté sur ce nouveau travail. C'est cette copie que l'on nomme l'édition de l'écrin ou de la cassette, parce que c'est celle qu'Alexandre enferma dans la cassette de Darius. Zénodote d'Ephè sé, premier conservateur de la bibliothèque d'Alexan

dé ville en ville pour gagner de l'argent. Par la suite on donna ce nom aux morceaux détachés des poëmes d'Homère, que les Rhapsódes chantoient en public, et que les Grecs prenoient le plus grand plaisir à entendre.

(1) Voici comment Plutarque raconté la chose (Vie de Lycur gue); « C'est vraisemblablement en Iomie que Lycurgue vit pour la première fois les poésies d'Homère, qui étoient entre les mains des descendans de Cleophilus (ancien hôte du poëte); et ayant trouvé que les instructions mórales et politiques qu'elles renferment ne sont pas moins utiles que ses fictions sont agréables, il prit lui-même la peine de les copier et de les réunir en un seul corps pour les pórter en Grèce. Il est vrai que ces poésies y avoient déjà fait quelque bruit, et qu'un petit nombre de personnes en avoient quelques morceaux détachés; mais Lycurgue fut celui qui les fit entièrement connoîtré aux Grecs. »

drie, sous Ptolémée Lagus qui la fonda (vers 290 av: J.-C.), revit encore cette édition. Mais on blâma la hardiesse avec laquelle il rejeta les vers qui lui paroissoient douteux ; et à en juger d'après les variantes citées par Eustathe, un défaut de sens poétique l'a fait tomber dans beaucoup d'erreurs. Aristophane de Byzance, quelque temps aprês (200 ans av. J.-C.), s'occupa aussi d'une nouvelle édition d'HOMÈRE. Mais la plus célèbre de toutes, celle qui est la base de l'ordre dans lequel nous sont parvenus les ouvrages de ce poëte, est l'édition qu'a donnée Aristarque de Samothrace (vers 175 ans av. J.-C.). On lui attribue la division des deux poëmes d'Homère, chacun en vingt-quatre chants.

L'Iliade, dont le sujet est fondé sur le rapt d'Hélène et sur l'enlèvement de Bryseïs, embrasse un simple épisode de la guerre de Troie. C'est le récit poétique des événemens qui se sont passés dans un intervalle peu étendu, depuis la dispute d'Agamemnon et d'Achille au sujet de Bryseïs, jusqu'aux obsèques d'Hector qu’Achille a immolé aux mânes de son ami Patrocle. Le sujet du poëme est donc la colère d'Achille, ou plutôt la satisfaction que Jupiter donne à son petit-fils Achille offensé par le chef des Grecs.

M. de Bonald, dans son beau morceau sur le style et sur la littérature, parlant du poëme épique, exprime bien tout ce que l'Ilíade à de grand et de májestueux. Il commence par exposer « qu'on ne peut prendre le sujet d'une épopée que dans l'histoire d'une grande société. Il ne falloit pas moins aux yeux

des anciens, continue-t-il, que les destins de la Grèce et de Rome, et aux nôtres, que les destins de la chrétienté et ceux du genre humain même, pour fonder l'intérêt et soutenir la majesté des quatre grandes épopées et peut-être des seules qu'ait produites la littérature ancienne et moderne (1). » Puis arrivant à l'Iliade, il s'exprime ainsi : «Dans ce poëme, l'importance de l'entreprise, au moins pour les Grecs; la grandeur des moyens ; ces rois, tous héros, tous enfans des dieux; cet Agamemnon, roi de tous ces rois, issu lui-même du maître des dieux; l'Europe luttant contre l'Asie, les dieux contre les dieux ; l'olympe qui délibère ; la terre qui attend; le destin des hommes; la volonté même des dieux suspendue par l'inaction d'un seul homme: tous ces grands objets élevèrent l'imagination du poëte, et donnèrent à son ouvrage cette majesté qui s'est accrue d'âge en âge, même par l'éloignement du temps, et qui a fait de l'Iliade le premier et le plus beau titre du génie de l'homme.... »

Dans l'Odyssée, qui a également vingt-quatre chants, HOMÈRE raconte les aventures d'Ulysse, depuis la prise de Troie jusqu'à son retour en Itaque. L'action ne dure que quarante jours; mais, à la faveur du plan adopté, HOMÈRE rappelle plusieurs 'détails de cette guerre fameuse, et déploie les connoissances que lui-même avoit acquises dans ses voyages, L'Odyssée n'a ni le feu ni la majesté de l'Iliade;

(1)L'Iliade, l'Enéide, la Jérusalem délivrée, et le Paradis perdu.

on voit que le poëte étoit sur son déclin ; mais, comme le dit Longin (chap. vii), c'est le soleil couchant qui n'a point la force de son midi, mais qui a toujours la même grandeur.

Il existe un grand nombre de parallèles entre Homère et Virgile. Les auteurs anciens, à commencer par Velleius-Paterculus qui vivoit sous Tibère et qui a pu voir Virgile, jusqu'à ceux du cinquième siècle, sont tous pour Homère, et quand ils font aller de pair Virgile avec le poëte grec, ils semblent vouloir le flatter extrêmement. Il y avoit à-peu-près mille ans qu'on avoit cessé de les comparer, quand Floridus-Sabinus publia son apologie des auteurs latins, (Basil., 1540, in-fol.). Peu content de justifier Virgile des reproches de Macrobe et de Lascaris, il blâme Homère sans mesure. Jules Scaliger qui vint ensuite, garda encore moins de ménagement pour Homère. S'il le compare avec Virgile, toutes ses louanges sont pour le poëte latin, tout le blâme est pour le poëte grec: Virgilius, dit-il, artem ab eo rudem acceptam lectioris naturæ studiis atque judicio ad summum extulit fastigium perfectionis, quodque perpaucis datum est, multa detrahendo fecit auctiorem. Fudit Homerus, hic collegit; ille sparsit, hic composuit. Quantum à plebeid muliercula matrona distat, tantum summus ille vir à divino nostro superatur. Quae sunt magnifica in Homero, non æquant magnitudinem Virgilii. Virgilius magister est, Homerus discipulus. Facit divina ex humilibus Homeri; Homerus humilia et humiliter, Virgilius

grandiora et magnificè; opprimit et obruit Homerum; relinquit eum post se. Narratio alterius aurea, alterius plumbea. Hic verus poeta, ille foraneus narrator. Homerus moles quidem est, sed rudis et indigesta; Virgilius autem deus est et melior natura. Il n'est pas besoin de dire combien ce parallèle est marqué au coin de la partialité et de la passion. Je préfère beaucoup les réflexions suivantes de M. Boivin cadet : « L'Iliade et l'Odyssée, dit-il, sont deux grands tableaux dont l'Énéide est le raccourci. Celui-ci veut être régardé de près. Tout y doit être achevé. Les grands tableaux se voient de loin: il n'est pas nécessaire que tous les traits y soient si finis et si réguliers. C'est même un défaut dans un grand tableau qu'un soin trop scrupuleux.............. Virgile a ajouté quelques traits à ceux que son original lui fournissoit. Ces traits ajoutés ne font pas que la copie doive être préférée à l'original qui n'en avoit pas besoin, et dans lequel peut-être ils n'ont pas eu besoin d'être employés. La vraie beauté ne consiste pas à tout dire, mais à bien dire ce que l'on dit. Elle consiste moins à dire de grandes choses, qu'à en dire de petites, sans s'avilir. Il y a plus d'art, ce me semble, et plus de pompe dans Virgile que dans Homère en beaucoup d'endroits. Mais tout cet art et toute cette pompe ne doivent pas l'emporter sur une vraie noblesse alliée avec un air de simplicité qui plaît, même dans ses négligences. >>

L'abbé Trublet a fait aussi un parallèle d'HOMÈRE et de Virgile; tout n'y est pas parfait, mais il y a

« PreviousContinue »