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losophe, SÉNÈQUE, réduit à un petit volume, auroit été le premier après CICERON et PLUTARQUE...... MoLIÈRE, DESTOUCHES, BOISSY, BOILEAU, REGNARD, s'entendoient parfaitement dans l'art de la médisance. On reconnoissoit les originaux de leurs portraits; mais ce talent est perdu. Les mœurs ont changé, et il n'y a point d'auteurs qui puissent remplacer ceux que je viens de nommer. REGNARD marche tout près de MOLIÈRE, mais il amuse sans corriger; MOLIÈRE est moraliste, REGNARD n'est que moqueur. >> On voit qu'il y a une espèce d'originalité et quelque chose de piquant dans la manière dont le Prince de Ligne expose son jugement rapide sur les anciens et les modernes ; mais on remarque encore plus cette originalité dans d'autres pensées du même auteur, dont plusieurs nous ont paru excellentes, quelques-unes hasardées, et d'autres un peu triviales.

JEAN-SIFFREN MAURY, cardinal (né à Vauréas le 26 juin 1746, mort à Rome, le 10 mai 1817), a présenté, en 1785, dans la péroraison de son discours de réception à l'Académie française, un tableau simple, mais piquant, des grands personnages qui ont illustré le règne de Louis XIV. Ce n'est qu'une nomenclature, et cependant elle frappe par l'éclat particulier de chaque nom qui la compose. Semblable au verre ardent qui réunit les rayons du soleil dans un même foyer, ce morceau éloquent

rassemble sur un même point tous les traits épars de la gloire de l'un des plus grands rois et du plus beau siècle de notre monarchie.

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<< Louis XIV, dit M. Maury, eut à la tête de ses armées Turenne, Condé, Luxembourg, Catinat, Créqui, Boufflers, Montesquiou, Vendôme et Villars.- Duquesne, Tourville, Duguay-Trouin commandoient ses escadres.-Colbert, Louvois, Torcy étoient appelés à ses conseils.— BOSSUET, BOURDALOUE, MASSILLON lui annonçoient ses devoirs. Son premier sénat avoit Molé et Lamoignon pour chefs, Talon et d'Aguesseau pour organes. — Vauban fortifioit ses citadelles. Riquet creusoit ses canaux. -Perrault et Mansard construisoient ses palais. Puget, Girardon, le Poussin, le Sueur et Le Brun les embellissoient. Lenôtre dessinoit ses jardins. -Corneille, RaciNE, MOLIÈRE, Quinault, La FONTAINE, LA BRUYÈRE, BOILEAU, éclairoient sa raison et amusoient ses loisirs. MONTAUSIER, BOSBosSUET, BEAUVILLIERS, FÉNÉLON, HUET, FLÉCHIER l'abbé FLEURY élevoient ses enfans.. C'est avec cet auguste cortège de génies immortels, que le premier Roi protecteur de l'Académie française, toujours fier de sa nation qui sous lui s'illustra par tous les genres de gloire, appuyé sur tant de grands hommes qu'il sut mettre et conserver à leur place, se présente aux regards de la postérité. »

Fléchier

Nous croyons devoir ajouter à ce morceau frappant, un beau portrait de Louis XIV, tracé par M. Auger dans son Éloge de Boileau, couronné par

l'on a

l'Institut. L'auteur répond au reproche que fait au satirique d'avoir été le flatteur de Louis XIV: << Mais il le fut, dit M. Auger, avec toute la France qui idolâtroit son roi, avec toute l'Europe qui retentissoit de la gloire de ce prince. Un monarque d'une figure imposante, d'une taille majestueuse, d'un esprit sans culture mais plein de justesse et d'élévation, grand dans ses projets, constant dans ses résolutions, noble dans ses plaisirs, décent dans ses foiblesses, employant les arts, protégeant les lettres et les sciences, sachant apprécier les hommes et s'en servir, possédant l'art de donner du prix aux faveurs, et l'art, plus grand encore, de dispenser la louange et l'encouragement à l'aide de ces propos heureux dont l'expression réunissoit toujours la grâce et la dignité : voilà quel fut long-temps Louis XIV. »

que

La Bruyère a fait aussi un portrait de ce prince, mais sans le nommer. Il est beaucoup plus détaillé celui de M. Auger; le style m'en a paru un peu haché. Des pensées rendues en sept à huit mots, toujours avec le même tour de phrases, pendant trois grandes pages, ne doivent-elles pas à la fin fatiguer le lecteur? (Voyez les CARACTÈRES, chap. x, du Souverain ou de la république, vers la fin du chapitre.)

M. SUARD (n. 1732-m. le 20 juillet 1817), étoit passionné pour LA BRUYÈRE ; il l'avoit conti nuellement lu et relu; mais peu sûr de sa mémoire

il portoit toujours sur lui un petit exemplaire de cet excellent auteur. On peut juger de l'étude par ticulière qu'avoit faite du livre des Caractères M. Suard, par l'intéressante Notice sur la personne et les écrits de La Bruyère, qu'il a publiée à Paris, 1781, in-12, et qui n'a été tirée, dit-on, qu'à vingt-cinq exemplaires ; mais elle a été réimprimée en tête de la jolie édition stéréotype des Caractères, Paris, Nicolle et Renouard, 1809, 3 vol. in-18 ou in-12.

LOUIS-JOSEPH DE BOURBON, prince de CONDÉ (n. le 9 août 1736-m. le 13 mai 1818), avoit une affection particulière pour CORNEILLE et pour BOSSUET. Le goût littéraire étoit héréditaire dans cette illustre famille. On se rappelle l'estime singulière et même l'admiration dont le grand Condé honoroit les ouvrages de CORNEILLE. Son arrière-petitfils, le prince de Condé dont la France a récemment déploré la perte, éprouvoit les mêmes sentimens euvers le père de la tragédie en France. Un jour il dit au précepteur de l'infortuné duc d'Enghien: « Mon cher abbé, j'ai surpris mon petit-fils lisant ce volume de Chaulieu; faites-lui sentir que cette lecture ne lui convient point. Il ne manquera jamais d'agrément qu'il lise CORNEILLE, c'est le bréviaire des princes.>> Ce mot seul suffit pour montrer quelle étoit la pureté du goût de ce prince et la grandeur de son ame; car il n'y a guère qu'une grande ame qui puisse vivement sentir tout ce qu'il y a de

mâle, de grand, de noble, de sublime dans certains passages des tragédies de CORNEille,

M. VALCKENAER, savant critique moderne, dit que les quatre morceaux de poésie latine où brille toute la majesté romaine, et sous ce rapport préférables à tous autres, sont, le Prologue de LABERIUS; l'Epithalame de Thétis et Pélée, de CATULLE; la Consolation (anonyme) adressée à Livie sur la mort de son fils ; et l'Héroïde de Cornélie à Paulus, par PROPERCE. Nous allons indiquer sommairement l'étendue de ces quatre beaux morceaux (formant ensemble 1012 vers), et les éditions où ils se trouvent tant pour le texte que pour la traduction. 1.o Le Prologue de LABERIUS est en 27 vers; on le trouvera pour le texte dans les Saturnales de Macrobe, liv. 11, ch. ch.71 editio Bipontina, 1788, 2 vol. in-8.o, tom. 1, pag. 350; et pour la traduction, dans le Traité des Études de Rollin, Paris, 1805, 4 vol. in-8.o, tom. 1, pag. 246.

2.° L'Epithalame de Thétis et Pélée, en 409 vers, est pour le texte et la traduction, dans l'ouvrage de M. Noël, intitulé: Traduction complète des poésies de Catulle, etc. Paris, 1806, 2 vol. in-8.o, tom. 1, pag. 132-170.

3.o La Consolation à Livie sur la mort de son fils Drusus Néron, frère de Tibère, est en 474 vers. On ignore qui en est l'auteur : on la croit d'Albinovanus Pedo, poëte, ami d'Ovide; mais on la trouve pour le texte dans Ovidii Opera, Argentorati, ex.

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