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Sénèque a connu saint Paul (1). Puis il finit par dire : «Ne soyons donc nullement surpris si cette doctrine divine, plus ou moins connue de Sénèque, a produit dans ses écrits une foule de traits qu'on ne sau→ roit trop remarquer, Quant à La Harpe que j'avois tout-à-fait perdu de vue, que voulez-vous que je vous dise? En faveur de ses talens, de sa noble résolution, de son repentir sincère, de son invariable persévérance, faisons grâce à tout ce qu'il a dit sur des choses qu'il n'entendoit pas, ou qui réveilloient en lui quelque passion mal assoupie. Qu'il repose en paix ! »

(1) Nous citerons à cet égard M. Schoell, qui, dans son Histoire abrégée de la littérature romaine, tom. 11, pag. 450, après avoir prouvé par plusieurs citations la singulière ressemblance que l'on a remarquée entre beaucoup de passages de Sénèque et des saintes Écritures, surtout des épîtres de saint Paul, s'exprime ainsi : « Rien au reste de ce que nous savous de la vie de saint Paul, ne jette la moindre invraisemblance sur la tradition qui le met en rapport avec le philosophe romain. Ce fut, d'après le calcul des plus savans critiques, au printemps de l'an 61 de J. C., que l'Apôtre arriva à Rome. Le préfet du Prétoire auquel il fut remis, lui permit de demeurer dans une maison particulière avec un soldat qui le gardoit à vue, et lui laissa toute liberté de voir ses amis. Ce préfet du Prétoire étoit Burrhus, l'ami de Sénèque. N'est-il pas naturel de penser que leur conversation sera tombée sur ce docteur juif, éloquent et hardi, qui, pour de nouvelles opinions religieuses, avoit été persécuté en Palestine, et en avoit appelé au tribunal de l'empereur? Sénèque n'aura-t-il pas été curieux de voir et d'entendre cet homme extraordinaire? Il est même probable que le nom de saint Paul étoit connu de Sénèque avant son arrivée à Rome. Lors de son séjour à Corinthe, l'Apôtre avoit été amené devant le tribunal de Gallion. Celui-ci refusa

PLINE l'Ancien, né à Côme ou à Vérone l'an 23 de J.-C., mort en 79 près du Vésuve, ainsi que nous le raconte son neveu (Eptt. 16, liv. vi), doit être mis au rang des écrivains de Rome les plus laborieux et les plus savans. Il n'y a pas de lecture plus curieuse, ni plus instructive que celle de son immense ouvrage que l'on appelle improprement Histoire naturelle, car l'histoire naturelle n'en forme qu'une partie, et c'est plutôt une encyclopédie des sciences -naturelles, de la cosmographie, de la médecine et de l'histoire des arts. Toutes les connoissances de l'antiquité s'y trouvent réunies avec exactitude, et accompagnées de pensées et de vues qui annoncent

de prononcer dans une affaire qui concernoit les opinions religieuses d'un peuple étranger, peu considéré à Rome et connu par ́son intolérance. Mais ce gouverneur de l'Achaïe n'étoit autre que M. Annæus Novatus, ce frère de Sénèque qui, ayant passé par adoption dans une autre famille, avoit pris les noms de Junius Annæus Gallio. Probablement le propréteur avoit, dans sa correspondance avec son frère, parlé de ce docteur qui avoit enseigné pendant dix-huit mois l'Évangile dans la capitale de sa province... » M. Schoell, après avoir réfuté quelques objections contre les présomptions des entrevues de saint Paul avec Sénèque, quoiqu'il rejette comme apocryphes les quatorze lettres de Sénèque à saint Paul, malgré qu'elles soient citées par saint Jérôme et saint Augustin, M. Schoell, disons-nous, finit par dire que les ressemblances avec les expressions de saint Paul et des autres écrivains sacrés, ne "se trouvent fréquemment que dans les derniers ouvrages de Sénèque, dans son traité de la Vie heureuse, dans celui des Bienfaits, qui tous les deux ont été rédigés après l'an 61, et surtout dans ses lettres écrites pendant la dernière époque de sa vie. (Voyez Tractatiuncula de familiaritate quo Paulo apostolo cum Seneca philosopho intercessisse traditur, verisimillima; à Fr. Chr Gelpke. Lips. 1813, in-4.o)

un esprit éminemment philosophique. Cette vaste compilation, tirée de plus de deux mille ouvrages, d'une érudition infinie et très variée, est divisée en xxxvii livres : le premier est une espèce de table des matières, et le catalogue des auteurs dont Pline s'est servi; le second renferme la géographie mathématique et physique ; les trois suivans, la géographie historique et politique; les livres six à dix, la zoologie; les neuf suivans, la botanique. Les livres vingt à trente-deux sont consacrés aux médicamens que fournissent le règne animal et le règne végétal ; et dans les cinq derniers, l'auteur s'occupe des métaux, de la sculpture et de la peinture, ainsi que des principaux artistes et de leurs ouvrages. On trouve dans ce grand travail tous les phénomènes de physique, tous les faits d'histoire naturelle, et tous les chefsd'œuvre de l'art observés, recueillis et décrits avec soin. « L'auteur, plein de feu, de vigueur et de verve, rapide, énergique, toujours précis, souvent sublime, animé de ce génie qui aperçoit avec étendue les objets dans tout leur ensemble et qui les peint avec force jusque dans leurs derniers détails, a mérité de servir de modèle à cet illustre écrivain dont la gloire est un des titres de la France, et qui, recueillant parmi nous le double héritage et les traditions combinées du précepteur d'Alexandre et du naturaliste romain, joignit à l'avantage d'être venu tant de siècles après eux celui de les surpasser par la beauté du style et par l'éclat de l'éloquence. Pline apprit à Buffon qu'il ne suffit pas d'analyser et de disséquer

la nature, mais qu'il faut encore la peindre, parce que la nature n'est pas un cadavre, mais un ouvrage vivant....... Cependant il faut convenir que doué du plus heureux génie, Pline écrivit malheureusement dans un siècle où la pureté du bon goût commençoit à se corrompre : sa diction, quelquefois dure et forcée, tourmentée et pesante, entortillée, pénible et obscure, porte l'empreinte d'un temps de décadence; ses morceaux les plus éloquens ne sont pas exempts d'exagération, d'enflure, de subtilité, d'emphase, de tout ce qui constitue les vices de la déclamation; mais il n'est aucune des tirades d'ornement et d'apparat dont il a semé son ouvrage, où l'on ne voie briller les éclairs d'un talent sublime. >>

PLINE le Jeune, né à Côme vers l'an 63 de J.-C., et mort à-peu-près en 110, est connu par un recueil de dix livres de lettres et par un panégyrique en l'honneur de Trajan. «Le style de Pline dans ses lettres, dit un moderne, M. Schoell, est en même temps celui d'un grand écrivain et d'un homme du monde. Il est élégant, gracieux et correct; mais, sous le rapport de la simplicité et de l'ingénuité, ces lettres sont inférieures à celles de Cicéron ;'on y voit l'envie de plaire qui faisoit la passion dominante de l'auteur. On peut reprocher à la diction de Pline d'être trop finie. » Un autre écrivain parle ainsi des lettres de notre auteur: «Leur principal agrément consiste dans l'idée que Pline y donne de son caractère; il est impossible de les lire et de ne pas aimer l'auteur, tant il s'y montre orné de toutes les vertus, de toutes

les qualités qui constituent l'homme de bien, l'homme sociable, rempli de tous les sentimens qui méritent et s'attirent la bienveillance, Quelle noble passion pour la gloire! Quelle délicatesse dans les affaires ! Quelle douceur dans le commerce de la vie! Quelle aménité d'humeur! Quelle amabilité! Quelle indul, gence! Quelle absence de toutes les passions haineuses et répulsives! Quel concours de toutes les affections expansives et attirantes! Si parmi tant de perfections, il étoit permis d'épier quelques foiblesses, il fau、 droit peut-être lui reprocher un amour un peu trop vif pour les lettres; il a le goût des petits vers, il en fait, il en parle trop souvent à ses amis, il les convoque trop souvent pour leur lire des pièces de poésie ou des morceaux de prose, des indécasyllabes ou des harangues; il court trop volontiers les Lycées et les Athénées de Rome, il y porte une indulgence trop facile, qui applaudit à tout, qui excuse tout, qui conçoit trop aisément des espérances, et caresse avec trop de foiblesse la présomption des petits auteurs. La Capitale étoit alors remplie de bureaux d'esprit (1), à-peu-prês comme Paris l'est maintenant; le culte des lettres n'y fut jamais plus ardent,

(1) Dans l'article d'où nous tirons ce passage, l'auteur parlant de la décadence du goût, nous peint Sénèque qu'il appelle <<< ce bel esprit, ce faiseur de calembours philosophiques, comme un intrigant très répandu daus le beau monde, très aimé des belles dames de Rome, et comme étant à la tête de la principale coterie littéraire où les Philamintes latines prononçoient avec l'air du dégoût, que Cicéron étoit un écrivain sans génie et trop périodique. Le sage Quintilien lutta prudemment contre cette épidémie

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