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les plaisanteries sur les lourds et ridicules commentateurs qui n'appartiennent plus à notre siècle, du moins en France, nous serions de l'avis des critiques; mais M. Leschevin n'a rempli ses deux volumes que de recherches littéraires très curieuses et qui seront de tous les temps; il y a fait preuve d'une grande érudition; son livre est donc utile, et il sera toujours recherché par ceux qui aiment les détails littéraires, parfois un peu minutieux, mais toujours instructifs. M. Leschevin est mort en 1814.

HENRI-FRANÇOIS D'AGUESSEAU, chancelier de France (n. 1668—m. 1751 ), ne passoit jamais un seul jour sans ouvrir l'Écriture Sainte. Il étoit intimement persuadé que l'on ne peut se pénétrer de ce livre divin sans devenir plus vertueux. Partageant complètement cette opinion, nous donnons à la suite de l'article de cet illustre magistrat, uné notice un peu détaillée sur la Bible. M. d'Aguesseau, convaincu des vérités dé la religion, et fidelle à tous les devoirs qu'elle impose, répandoit autour de lui et parmi tous ceux qui l'approchoient, cet esprit vraiment religieux dont il étoit animé. Très connu par son désintéressement, il n'a laissé d'autres fruits dé ses épargues que sa bibliothèque; encore n'y mettoit-il qu'une certaine sonime par an. Son esprit solide dans tous les genres n'aimoit que les livres utiles; il méprisoit ceux qui n'étoient que rares. Lui-même dirigea son fils dans ses études. On voit quels sont les ouvrages dont il lui conseilloit la lecture dans les

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instructions que, n'étant encore que procureur-général, il lui adressa le 27 septembre 1716; ces instructions se trouvent dans les Œuvres complètes de d'Aguesseau (Paris, 1759-89, 13 vol. in-4.o); ou dans un extrait de cette collection, intitulé : Discours et OEuvres mélées de M. le chancelier d'Aguesseau, nouv. édit. Paris, 1771, 2 vol. in-12, tom. 11, pag. 1-169. Les jeunes gens ne peuvent trop lire et trop méditer cet excellent morceau. Il y est bien question de quelques livres qui ne jouissent plus d'une aussi grande réputation qu'alors, mais ils n'en renferment pas moins d'excellentes choses; on n'en sauroit douter, puisqu'ils ont eu le suffrage d'un vertueux magistrat, aussi illustre par la délicatesse de son goût que par l'étendue de ses connoissances. La seule nomenclature de ces livres seroit trop longue pour être détaillée ici ; M. d'Aguesseau cite en général les meilleurs ouvrages de religion, de jurisprudence, de littérature ancienne et moderne, et d'histoire; il en discute le mérite avec beaucoup de sagacité, et souvent même il désigne les parties les plus saillantes ou les plus utiles de chaque ouvrage, et par conséquent celles dont il recommande le plus particulièrement la lecture à son fils. Par exemple, parlant du traité de la Vérité de la Religion chrétienne, par ABBADIE (dernière édit. La Haye, 1743, 4 vol. in-12), il rend justice à ce bon ouvrage ; mais il trouve le style de l'auteur trop diffus: ABBADIE n'a pas appuyé avec assez de force sur l'argument des prophéties, argument que Saint

Pierre regardoit comme la plus grande preuve de la véritable religion. Le troisième volume où ABBADIE parle de la divinité de Jésus-Christ, est le moins bien traité. Passant à d'autres objets, M. d'Aguesseau conseille à son fils de lire, dans BossUET, la seconde partie du Discours sur l'Histoire universelle; dans GROTIUS, seulement la préface ou les prolégomènes de son livre De jure pacis et belli; dans PufFENDORF, l'abrégé de son traité De jure gentium et civili, traduit par Barbeyrac; dans DOMAT (dont nous avons déjà parlé, pag. 96), le livre préliminaire qui est au commencement du premier volume de ses Lois civiles, et qui renferme un abrégé fort utile des maximes générales qui regardent la nature, l'usage et l'interprétation des lois; dans le Digeste, les deux derniers titres : De regulis juris et de verborum significatione; dans ARNAULD, l'Art de penser, le dernier livre (1); dans MALLEBRANCHE,

(1) L'illustre d'Aguesseau ne pouvoit trop recommander l'étude de la logique à son fils, parce qu'on doit la considérer comme la base de toutes les sciences, de toutes les connoissances littéraires avec lesquelles elle a un rapport direct. C'est surtout avec la rhétorique qu'elle doit s'identifier, ainsi que le prouve un ancien professeur de philosophie, M. Hauchecorne, lorsqu'il dit : « Il y a une liaison intime entre la logique et la rhétorique, ou plutôt c'est le même art sous deux rapports différens. La logique trace le dessin de nos connoissances; la rhétorique y met ses couleurs : la logique pose les fondemens et construit, pour ainsi dire, la charpente de nos pensées, de nos raisonuemens, de tous les travaux de notre esprit; la rhétorique en fait un édifice brillant par la grâce et la disposition qu'elle sait leur donner : la logique prescrit les mesures, indique les proportions, détermine les convenances;

xième livre De la recherche de la vérité; dáns N1COLE, les quatre premiers volumes des Essais; dans QUINTILIEN, les trois premiers et les trois derniers livres de son Institution oratoire; le reste est trop sec et pour ainsi dire trop scolastique; dans etc., etc., etc. Nous renvoyons le lecteur à l'excellent livre de M. d'Aguesseau, en regrettant que les limites

la rhétorique distribue les ornemens, répand le bon goût, le sentiment et la vie. L'une sans l'autre ne fait ou qu'un corps nerveux dont les formes sont rudes et durement prononcées, sans aucune draperie qui les sauve et les adoucissé, ou qu'un assemblage confus de riches draperies qui ne couvriroient qu'une ébauche informe. Réunies par une main habile, elles composent un tout harmonieux, dans lequel se marient agréablement la force et la délicatesse, la précision ét l'abondance, la symétrie et la variété. » Ces réflexions, aussi bien écrites que bien pensées, se trouvent dans la logique qu'a publiée M. Hauchecorne en 1806. Un autre auteur nous fournit un très beau passage qui coïncide avec celui que nous venons de rapporter. « Pour bien écrire, dit-il, il faut penser avec justesse; le style le plus brillant ne sauroit plaire aux esprits bien faits, si les idées qu'il exprimé né sont vraies et solides. Les figures les plus vives ét lés plus agréables, les termes les mieux choisis et les plus élégans, les phrases les mieux cadencées et les plus harmonieuses, n'ont qu'un éclat trompeür et ne sont qu'un vain bruit, s'ils ne servent à faire valoir des idées intéressantes. Un déclamateur qui ne cherche qu'à montrer les ressources de son esprit, et qui s'occupe uniquement des grâces de l'élocution, peut bien amuser un instant notre oreille et captiver notre imagination; mais il ne sauroit obtenir un suffrage durable. Cé suffrage est là récompense de l'écrivain ou de l'orateur qui nous instruit en nous charmant, qui réunit l'utile avec l'agréable, et qui, sans négliger les autres règles de l'art, regarde comme la première de toutes, celle qui prescrit la justesse des pensées et l'exactitudė du raison

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que nous nous sommes imposées ne nous permet, tent pas de prolonger les citations.

Nous allons donner, ainsi que nous l'avons annoncé plus haut, quelques détails sur l'Écriture Sainte. Ces détails auront une certaine étendue ? parce qu'il est naturel que dans un ouvrage qui a pour objet le choix des livres, nous nous appesantissions davantage sur celui qui les précède tous, qui équivaut à tous, et qui l'emporte sur tous par son origine, par ses détails, et par son influence sur l'ordre social et sur le bonheur des hommes.

DE LA BIBLE

Considérée sous le rapport religieux, moral, historique et littéraire (1).

Le premier, le meilleur, le plus sublime de tous. les livres est, sans contredit, l'ÉCRITURE SAINTE composée de l'Ancien et du Nouveau Testament. C'est le livre divin, le livre par excellence, dans le

(1) Ces considérations sur la Bible sont, en grande partie, composées des morceaux les plus saillans, les plus beaux, les plus éloquens, ou du moins de ceux qui nous ont le plus frappé dans divers écrivains qui ont parlé de l'Écriture Sainte. C'est le résultat des notes que nous avons prises à ce sujet, comme nous avons l'habitude d'en prendre sur tout ce qui nous paroît digne de remarque dans les ouvrages que nous lisons. Une longué expérience nous a prouvé que cette habitude est d'autant plus utile, qu'elle familiarise davantage avec un grand nombre de livres, qu'elle fixe mieux l'attention sur ce qu'ils renferment de meilleur, et que, par la suite des années, un recueil de notes bien fait rafraîchit la mémoire

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