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Le Conseil de l'Université ayant bien voulu fournir les premières ressources nécessaires pour la publication d'un recueil périodique commun aux deux Facultés de Droit et des Lettres, nous croyons devoir donner quelques indications sur le caractère de ce recueil.

Bien des fois déjà, depuis plusieurs années, ce projet avait été discuté, et des raisons de divers ordres l'avaient fait ajourner. Nous n'ignorons pas, notamment, que l'on se plaint, non sans raison, du nombre toujours croissant des périodiques, et particulièrement des revues d'un caractère trop général, où des articles de chimie ou d'histoire naturelle coudoient des études sur la poésie grecque ou l'épigraphie romaine,

Mais nous sommes obligés aussi de constater que les revues spéciales, d'un maniement bien plus commode assurément, ont pour la plupart à leur disposition beaucoup plus de matières que de ressources, et qu'un article qu'on leur adresse en janvier a bien des chances de ne voir le jour qu'en décembre. D'autre part, ces revues paraissant presque toutes à Paris, il y a quelque intérêt pour la province, et surtout pour les Universités provinciales, à manifester par des recueils spéciaux, bien à elles, leur activité scientifique.

A vrai dire, nos Annales offriront moins de diversité que beaucoup de publications analogues, la Faculté des Sciences et l'École de Médecine ayant, depuis plusieurs années déjà, chacune leur organe particulier. De plus, pour éviter la confusion des matières, nous avons séparé nettement les deux ordres de disciplines

que comporte le nôtre. Chaque fascicule sera consacré exclusivement, et à tour de rôle, soit à des articles juridiques, soit à des articles littéraires; et la pagination en sera différente, de manière à permettre de réunir tous les fascicules d'une année en deux demivolumes.

Les Annales ne seront pas une Revue, au sens ordinaire du mot : elles ne comporteront ni comptes-rendus bibliographiques, ni chroniques, mais seulement des articles de fond, et, de préférence, des articles d'une certaine étendue ; il pourra arriver, par exemple, que tel fascicule n'en comprenne qu'un seul. Ces articles se rapporteront naturellement à toutes les matières enseignées dans les deux Facultés; mais les études de langue et de littérature, d'histoire et d'institutions locales y auront une large place; nous espérons donner ainsi à nos Annales un caractère original, et comme leur marque propre.

Le Comité de Rédaction :

MM. G. BRY, L. DUCROS, A. BOUVIER-BANGILLON,
J. BRENOUS, E. VERMOND, M. CLERC.

Secrétaires de la Rédaction :

Droit M. CÉSAR-BRU.

Lettres M. M. CLERC.

L'ÉDIT DE 1679

ET

L'ENSEIGNEMENT DU DROIT DANS NOS ANCIENNES UNIVERSITÉS (')

Par F. BELIN

Recteur de l'Académie d'Aix

Dans l'histoire de l'Enseignement supérieur en France, l'Édit de 1679, on ne l'a peut-être pas assez remarqué, est d'une importance capitale. Pour la première fois, le Roi fait de l'Enseignement du droit, donné jusqu'alors avec une certaine indépendance par les diverses Universités du royaume, un véritable service public; le Chancelier de France est chargé (2) de ce département nouveau ; et, dans les provinces, il a pour représentants et exécuteurs de ses ordres MM. les Intendants. Afin de ne point inquiéter les Universités provinciales, si jalouses de leurs vieux privilèges, le Roi laisse à peu près intact l'appareil extérieur de leurs libertés ; elles continuent à élire, suivant leurs anciens statuts, les officiers qu'elles placent à leur tête; elles administrent, comme elles l'entendent, les deniers de la bourse commune ; et elles conservent toujours, bien que plus strictement limitée (3),

(1) Cet article est extrait d'un ouvrage, actuellement sous presse, qui a pour titre : « Histoire d'une Université provinciale sous l'ancien régime ».

(2) « C'était le Chancelier qui dirigeait encore toutes les Universités de France, nommait, encourageait, surveillait les professeurs et leur donnait de l'avancement, cherchant à multiplier les établissements soit laïques, soit ecclésiastiques, pour relever les études, « qui ne languissent que trop dans le temps présent », disait-il. » (Le Chancelier d'Aguesseau, sa conduite et ses idées politiques, etc., par M. Francis Monnier, Paris, 1863).

(3) Voir l'Arrest du Conseil d'État du 19 mai 1687, qui règle la juridiction de l'Université de Besançon : « L'Université jugera en dernier ressort des actions civiles purement personnelles, qui seront intentées par devant elle, d'écolier à

leur juridiction particulière; mais l'important, l'essentiel pour le Souverain, je veux dire l'action sociale que les Universités, par leur enseignement, exercent en particulier sur la jeunesse qui fréquente les Facultés de Jurisprudence, c'est le Roi qui désormais va la diriger, la régler et la faire concourir à l'achèvement de l'unité qu'il se propose d'établir dans les esprits, en attendant que, pour les choses de la foi, il essaie bientôt de l'imposer aux consciences.

C'est lui qui arrête les programmes d'un enseignement qui sera partout (1) à peu près uniforme ; c'est lui qui fixe la durée de la scolarité (2), que les Facultés n'auront plus le droit d'abréger; c'est lui enfin qui édicte les obligations (3) de nature diverse, imposées désormais aussi bien aux professeurs dans leurs chaires qu'aux écoliers qui veulent, après examen, obtenir tel ou tel degré. Le choix des professeurs, d'autre part, lui appartiendra en réalité et sans conteste; car, s'il détermine les conditions du concours, obligatoire (4) lorsqu'une chaire se trouve vacante dans une Faculté, il se réserve toujours le droit, dont il sait user du reste, de nomination directe, quitte à affirmer que, pour cette fois seulement, il déroge à la règle qu'il a lui-même établie. C'est lui que les Universités consultent, quand il y a désac

écolier, de professeur à professeur et de suppost à suppost, comme aussi des actions qui ne comporteront pas de peine afflictive et infamante, même de la prison pour quelques jours à l'égard des écoliers; et, dans les dits cas, les jugements seront exécutés, sauf lorsqu'il s'agira de prison hors de la ville et d'exécutions réelles sur les biens, au sujet desquels on sera obligé de prendre Parcatis au Parlement ».

(1) Voir les Règlements approuvés par le Roi pour les Universités de Paris, d'Orléans, de Bourges, d'Angers, de Reims et de Poitiers. (Recueil des Édits, Déclarations, Arrest, etc., imprimé par l'ordre de Monseigneur le Chancelier, Paris 1712, p. 33-57).

Sa Majesté aurait jugé qu'il était important de terminer ces différents et d'établir en même temps les précautions nécessaires, telles qu'elles ont été apportées dans les autres facultés du droit civil et canonique pour faire fleurir dans celle d'Aix l'étude de la jurisprudence ». (Lettres patentes sur Arrêt concernant les docteurs en droit agrégés de l'Université d'Aix, données à Versailles le 30 Janvier 1704 et enregistrées au Parlement le 20 juin suivant).

(2) Édit de 1679, article vi.

(3) Déclaration du Roy du 6 aoust 1682.

(4) Même Déclaration, article XIX.

cord (1) sur l'interprétation ou l'exécution de ses Déclarations; et, s'il apprend qu'on trangresse quelque part l'une de ses prescriptions, c'est lui qui se charge de rappeler (2) à l'obéissance les professeurs qui s'en sont écartés. Il devient de la sorte, mais sans le proclamer, le maître absolu des hommes et des choses dans

(1) Le Comte de Pontchartrain à Causse, professeur de droit et recteur de l'Université de Montpellier, à Versailles le 13 janvier 1701 « Vous me demandés ma décision sur trois difficultés que vous me proposés. Sur la première qui regarde l'augmentation d'émoluments accordée aux aggrégés ;... sur la seconde question qui regarde les inscriptions........... La troisième question dépend de scavoir (etc.) » (Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, recueillie et mise en ordre par G. R. Depping, Paris, 1851-1855, t. iv, p. 621, 622 et 623).

Voir également la lettre du Chancelier Le Tellier à de Harlay, du 12 janvier 1683, sur les difficultez que proposent les docteurs régents de la Faculté de droit d'Angers, venues en exécution de la Déclaration [d'avril 1679], vériffiée au Parlement ». (Correspondance administrative, t iv, p. 605).

Au sujet de « l'ouverture et de la clôture des études de droit » voici ce qu'écrivait, à la date du 16 juin 1701, au Premier Président du Parlement d'Aix, le Chancelier de France : « Monsieur, ce que vous me proposez par votre lettre du 4me du mois sur le temps de l'ouverture et de la closture des études de droit dans l'Université d'Aix me paraît si juste et si raisonnable que la seule chose qui me fait peine sur cela est que vous ne m'ayez pas proposé dès l'année dernière de remédier à un inconvénient qui me paraît aussi sensible qu'à vous. Cependant, comme vous ne m'envoyez point les arrêts dont vous me parlez et qui me sont nécessaires pour dresser une déclaration qui déroge à celle du 20 janvier 1700, il ne m'est pas possible qu'elle puisse être donnée avant la vacation de cette année. Tout ce que vous pouvez faire est de dire aux professeurs de ma part qu'ils peuvent, dès le premier juillet, faire cesser les études de droil ». Je suis, etc. Enregistré par nous, secrétaire de l'Université, le 1er juillet 1701. (Délibération de l'Université du 1er jour de juillet, Registre xxiv).

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(2) « J'apprends que les professeurs de l'Université de Caen continuent à répéter les estudes de droit, quoy que cela leur ait esté deffendu expressément par un arrest du Conseil d'Estat du 28 février 1704.. .. Je suis surpris qu'au préjudice d'un arrest aussi solennel..... ils ayent la témérité de continuer à répéter. » (Le Comte de Pontchartrain à Foucaut de Maguy, intendant de Caen, le 8 juillet 1707. Correspondance administrative, t. iv, p. 641).

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J'apprends que vous abuser de votre qualité d'agrégé . pour faire conférer les degrez de bachelier et de licentiez en droit à des personnes qui en sont absolument incapables, et que vous faites mesmes antidater des inscriptions........... ; si ces faits sont véritables, je ne manqueray pas de donner les ordres convenables pour vous faire punir comme vous le méritez. » (Le Comte de Pontchartrain à un docteur en droit agrégé de l'Université de Bordeaux, 10 mars 1709. Correspondance administrative, t. iv, p. 643).

Voir également une lettre que le Comte de Pontchartrain écrit aux professeurs de la Faculté de Droit de Bordeaux à la date du 1er février 1700. (Correspondance administrative, t. iv, p. 618).

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