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VI. La nécessité de la révélation s'est fait sentir, même à des hommes qui faisoient profession du paganisme. Un sage de cette religion, voyant les écarts de la raison dans les mœurs et le culte religieux, reconnoît que les hommes ne peuvent sortir de ces égaremens, si un être bienfaisant ne descend du ciel, et ne vient faire luire sur eux un flambeau divin capable de les éclairer. « Au milieu de nos incertitudes, dit Platon, le parti que nous avons à prendre, est d'attendre patiemment que quelqu'un vienne nous instruire de la manière dont nous devons nous comporter envers les Dieux et les hommes. Celui qui vous apprendra ces choses, s'intéresse véritablement à ce qui vous regarde...... Qu'il vienne donc incessamment, répond Alcibiade:je suis disposé à faire tout ce qu'il me prescrira; et j'espère qu'il me rendra meilleur (a) ». C'est donc la raison elle-même, qui nous fait sentir, par ses incertitudes et ses variations, la nécessité d'une révélation.

que

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(a) Necessarium esse igitur expectare donec quis discat animo et erga Deos et erga homines esse oporteat. Al· Quandò verò tempus illud erit, Socrates? et quis illud docturus est? lubentissimè enim viderem hunc hominem, quisnam ipse sit. Socr. Hic ille est nimirùm qui de te curam gerit...Al. Auferat sive caliginem, sive quid aliud voluerit; ità enim me comparavi, ut nihil eorum quæ ille imperaverit subterfugiam quicumque tandem fuerit vir ille; dummodò melior sim evasurus. Plat. Alcib. a..

VII. Bayle, le fameux Bayle, dont les incré

dules nous vantent sans cesse les lumières, reconnoît lui-même la foiblesse et l'insuffisance de la raison pour éclairer l'homme sur ses devoirs, et en conclut la nécessité d'un autre flambeau. « La raison, dit-il, est un principe de destruction, et non pas d'édification : elle n'est propre qu'à former des doutes, et à se tourner à droite et à gauche, pour éterniser une dispute .............. à faire connoître à l'homme ses ténèbres et son impuissance, et la nécessité d'une autre révélation : c'est celle de l'écriture . . . . . . Il n'y a rien de plus insensé que de raisonner contre des faits ; et le tribunal de la philosophie pour juger de la religion chrétienne est incompétent (1).

......

VIII. Peut-être que nos philosophes modernés auront fait, depuis la mort de Bayle leur docteur, quelques découvertes, qui montrent qu'on peut se passer de la révélation: car, grâces à la fécondité de notre siècle, on ne parle que des progrès de l'esprit humain. A entendre parler la secte philosophique, il semble que le monde commence à sortir de l'enfance, et à seconer les préjugés inspirés par les contes des grand'mères el des nourrices.Ouvrons donc les livres du temps; mais qu'y vois-je ? une troupe d'ennemis, qui comme des forcenés, ne sont occupés qu'à se battre sur les questions les plus importantes pour l'homme.

19.J'observe qu'ils sont divisés sur la Divinité.

(1) Dans les notes du dictionnaire de Bayle, tom. IV

Les uns sous les enseignes de Démocrite, d'Epicure, de Lucrèce et de Spinosa, soutiennent que tout est matière ; et, par une conséquence naturelle, que Dieu n'est autre chose que l'univers. Les autres, dans la persuasion que la matière est incapable de penser, reconnoissent un Dieu esprit; mais ils se partagent encore sur ses attributs. Quelques-uns, comme les théistes, ne veulent point de Providence, prétendant qu'il "est au-dessous de la divinité de se mêler des choses d'ici bas. D'autres l'admettent, et ce sont les déistes, qui ne s'accordent pas dans la manière de l'expliquer.

2. Je remarque qu'ils ne conviennent pas même sur leur propre nature. J'en vois qui prétendent qu'il n'y a entre les hommes et les bêtes d'autre différence que la figure et plus ou moins d'intelligence; parce qu'elles ont les mêmes organes que l'homme. Ils ne reconnoissent point l'immortalité de l'ame. Tout l'homme, disent-ils, finit à la mort comme la bête. D'autres soutiennent qu'il faut être de la classe des bêtes, pour avancer de pareilles absurdités. Les uns veulent être nécessités dans toutes leurs actions, parce que, selon eux, le sentiment intérieur de notre liberté n'est qu'une illusion. D'autres rejettent, avec raison, ce sentiment.

3o. Je ne vois pas plus d'unanimité entre eux sur la morale. Chacun se fait son code suivant son caprice; la loi naturelle n'est pour les matérialistes qu'un vieux préjugé ; l'intérêt particulier est] opreux le germe de toutes les lois. Les déis

tes, au contraire, reconnoissent un code de lois imprimées par l'auteur de la nature, non sur le bronze, non sur le parchemin, mais dans le cœur de tous les hommes. Est-il question de développer ce code? ils ne sont plus d'accord. Les uns condamnent le suicide en toutes circonstances; les autres le justifient dans certains cas. Le vol paroît à ceux-ci un simple tour d'adresse; à ceux-là un crime tous assez communément, soutiennent qu'il est permis de suivre le doux penchant de la nature, et regardent la simple fornication comme un plaisir innocent.

La théologie de nos philosophes, n'est qu'un chaos d'opinions qui se combattent réciproquement. Je leur dis à tous : Ou réunissez-vous dans la même manière de penser; ou concluez avec nous, que la raison, dont vous êtes idolâtres, n'est capable que de vous égarer, sans une révélation qui en éclaire la marche.

IX. Il n'y a point à délibérer : il faut nécessairement prendre un de ces deux partis ; ou reconnoître la nécessité d'une révélation pour régler le culte religieux, et fixer les règles des mœurs, ou soutenir la suffisance de la raison à l'égard de ces deux objets. Or, ce second parti ne peut se concilier avec l'homme tel qu'il est. Consultons sur cet article l'ange de l'école.

« Si la vérité, dit-il, étoit abandonnée aux recherches de la raison, il en résulteroit trois inConvéniens. Le premier serait que la connois

sance de Dieu ne seroit le partage que d'un petit nombre d'hommes; car trois choses, savoir, la pauvreté, la paresse, et une complexion foible, mettent la plupart hors d'état de s'appliquer utilement à des recherches relatives aux sciences., « Le second inconvénient seroit que ceux d'entre les hommes qui pourroient parvenir à la connoissance de la vérité, n'y parviendroient que fort tard, et après une longue suite d'années employées à l'étude.

« Le troisième enfin consiste en ce que telle est la foiblesse de l'entendement humain, qu'il y a pour l'ordinaire beaucoup d'erreurs mêlées parmi les découvertes que fait la raison ».

Or, ces trois inconvéniens ne peuvent se concilier avec la sagesse de Dieu, qui, appelant tous les hommes sans distinction et à tout âge à la connoissance de la vérité, doit leur fournir des moyens proportionnés à leur foiblesse. Concluons donc à la nécessité d'une révélation, pour suppléer à l'insuffisance de la raison à cet égard.

Sequerentur tria inconvenientia, si hujus veritas solummodò rationi inquirenda relinqueretur. Unum est quod paucis hominibus Dei cognitio inesset: à fructu enim studiosæ inquisitionis plurimi impediuntur tribus de causis; quidam si quid.m propter complexionis indispositionem...... quidam verò impediuntur necessitate rei familiaris.. quidam autem impediuntur pigritiâ.... Secundum inconveniens est, illi qui ad prædictæ veritatis cognitionem vel inventionem pervenirent, vix post longum tempus pertingerent.... Tertium inconveniens est, quod investigationi rationis humanæ plerumque falsitas admiscetur propter debilitatem intellectûs

quod

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