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sonnerez mieux. Faut-il une étude et un travail si pénible, pour apercevoir une vérité reconnue par les nations les plus barbares?

Nulla gens tam immansueta, neque tam fera, quæ non, etiamsi ignoret qualem habere Deum deceat, tamen habendum sciat. Tullius, de legib. lib. I, n. 24.

XIII. Cléon, ajoutez-vous, assure fort sérieusement qu'il n'y a point de Dieu. Je ne saurois le croire sincère, à moins qu'il n'ait donné des preuves de folie. « Non, ce n'est pas le sage, mais « l'insensé, qui dit dans son cœur, que Dieu « n'est pas ».

Dixit insipiens in corde suo : Non est Deus. Ps. 13,

yers. 1.

XIV. Quand on dit que l'existence de Dieu est une vérité si claire, qu'on ne sauroit la combattre sérieusement, on parle de ceux qui font quelque usage de leur raison. Les preuves les plus décisives ne sont preuves que pour ceux qui font attention: en vain le soleil luit qui s'opiniâtre à fermer les yeux.

y

pour celui

XV. Il y a une grande différence entre l'oubli de Dieu et l'athéisme. On peut trouver des hommes qui vivent sans penser à Dieu, puisqu'on en trouve même dans le sein du christianisme; mais on n'en trouvera jamais qui nient son existence de bonne foi. Le plus grand aveuglement sur ce point ne sauroit aller plus loin que le doute ; et l'impossibilité de se prouver à soi-même que Dieu n'est pas, est une preuve de son existence,

XVI. Il n'y a donc point d'athées réels on de persuasion. Ceux qui veulent paroître tels, sont des menteurs qui affectent une force d'esprit an milieu de la plus grande foiblesse. Epicure, un de leurs chefs, craignoit la mort et les dieux, pendant qu'il exhortoit ses disciples à ne craindre ni l'un ni l'autre.

Cotta apud Ciceronem de Epicuro sic fatur: Nec quemquam vidi, qui magis ea quæ timenda esse negaret, timeret ; moř tem dico et deos.

XVII. Dieu a fait des miracles pour convertir les païens ; mais il n'en a jamais fait pour la conversion des athées, parce que les merveilles de

nature déposent d'une manière trop éclatante en faveur de son existence. Personne ne rejette la Divinité, que celui qui est intéressé à ce qu'il n'y en ait point (a). « Tenez votre ame en état de dé« sirer toujours qu'il y ait un Dieu, et vous n'en << douterez jamais ». C'est la pensée chrétienne d'un auteur anti-chrétien (1).

(a) Naturale est odisse quem times, et quem metuis infestare, si possis. Minucius Felix, in Octav.

XVIII. Les chicanes des athées ne surprendront point ceux qui en examineront les sources. Dieu est inaccessible aux sens de là les objections des sens contre son existence. Dieu est un être incompréhensible: de là les objections de l'esprit. Dieu, s'il existe, punit le crime: de là les objections des passions et du cœur. Les diffi

(1) Esprit, maximes et principes de J. J. R. chap. 1.

cultés des athées ne montrent donc

que

leur gros

sièreté, qui a de la peine à s'élever au-dessus des sens; ou leur orgueil, qui ne veut rien reconnoitre au-dessus de la raison; ou enfin leur libertinage, qui ne veut point d'un Dieu vengeur du crime.

XIX. Qui sont ceux qui reconnoissent la Divinité? tous les peuples de la terre (a). Quelle preuve ! qu'elle est pressante! Qui sont ceux, au contraire, qui osent réclamer contre son existen-` ce! le plus petit nombre des hommes. Qui sontils encore? ceux qui ont pour maxime: : Touissons du temps présent, livrons-nous au plaisir, nous mourrons demain (b). Quel témoignage! qu'il est méprisable!

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<< Il vaut mieux, dit un ancien, croire l'uni« versalité que le particulier : cclui-ci peut tromper et être trompé ; mais personne ne trompe l'universalité, et l'universalité n'a jamais trom« pé personne (c)». Les intérêts, les passions varient tellement parmi les hommes, que l'évidence seule est capable de les réunir tous dans le même sentiment.

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(a) Quæ est enim gens aut quod genus hominum, quod non habeat sine doctrina anticipationem quamdam Deorum, Cic. lib. I, de natura Deorum, n. 16.

(b) Comedamus, bibamus, cras enim moriemur. Isai. cap. 22, v. 13.

(c) Melius omnibus quàm singulis creditur; singuli enim decipere et decipi possunt: nemo omnes, neminem omnes fefellerunt. Plin. jun. panegyr. Trajani, n. 62.

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XX. Je voudrois, dit La Bruyère, voir un homme sobre, modeste,chaste,équitable, prononcer qu'il n'y a point de Dieu; il parleroit au moins sans intérêt mais cet homme ne se trouve point.

:

Nolunt suprà se esse Deum quem nihil fallat; nolunt ei aare occultorum scientiam, qui metuunt occulta sua prodi. S. Ambr. lib. de officiis, cap. 24.

XXI. Le téméraire, qui ose attaquer avec tant d'insolence l'existence de Dieu , ne pense pas qu'il n'y en ait point; mais il le souhaiteroit, pour être plus tranquille dans ses excès. Un criminel n'aime pas le juge qui doit le condamner: il le voudroit anéantir. Il n'y a point de Dieu : cet horrible blasphème n'est pas une erreur de son esprit, mais un désir de son cœur.

O miseros homines, qui, cum volunt esse mali, nolunt esse veritatem quâ damnabuntur mali ! S. Aug. tract. 90, in Joann. n. 3.

XXII. Lorsque j'entends un impie, après avoir bravé le ciel et la terre étant en santé, réclamer la Divinité dans une maladie aiguë, ou dans un grand danger, je ne puis m'empêcher de m'écrier avec Tertullien: O témoignage d'une ame naturellement chrétienne!

O testimonium animæ naturaliter christianæ !

XXIII. Quand l'homme, dit Pline le jeune (1); voit de près la mort, c'est alors qu'il se souvient qu'il y a des Dieux et qu'il est homme : tunc

,

(1) Plinius jur. lib. VII, epist. 26, ad Maximum.

Deos, tunc hominem esse se meminit. O Dieux, dit-il, suspendez votre vengeance! ô Dieux, éloignez de moi ce malheur !

Dii, prohibite minas! Dü, talem avertite casum.
Virgil. Æneid. lib. III, v. 265.

XXIV. Plus d'un esprit fort, aux approches de la mort, a changé de langage, et a fait dire de lai: ... Oculis errantibus alto

Quæsivit cælo lucem, ingemuitque repertâ.

Les passions se taisent dans ce moment: on envisage les objets comme ils sont; la raison est libre.

XXV. On peut dire de la plupart des incrédules: Au moindre péril de mort, le masque tombe, le chrétien reste, et l'incrédule s'évanouit, comme le poëte Rousseau a dit de certains héros prétendus: Au moindre revers, le masque tombe, l'homme reste, et le héros s'évanouit(a). Il est rare en effet que l'incrédule soutienne son personnage jusqu'à la fin. L'incrédulité dépend beaucoup de la santé ; elle tombe avec elle : les approches de la mort mettent enfin les passions aux fers, et rendent à la raison sa liberté.

(a).... Cadit persona, manet res. Lucret.

XXVI. C'est par vanité qu'on joue l'esprit fort, et c'est par vanité qu'on ne devroit pas jouer un semblable personnage, dans la crainte d'être obligé de se démentir un jour, et de jouer l'esprit foible. Plusieurs incrédules se sont trouvés dans le cas. M. de V...... leur chef, s'est démentie

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