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IX. « Presque tous ceux, dit le fameux « Bayle (1), qui vivent dans l'irréligion, ne « font que douter; ils ne parviennent pas à la «< certitude. Se voyant donc dans le lit d'infir« mité, où l'irréligion ne leur est plus d'aucun « usage, ils prennent le parti le plus sûr, celui qui promet une félicité éternelle, en cas qu'il « soit vrai, et qui ne fait courir alors aucun « risque, en cas qu'il soit faux. » Fort bien : mais pourquoi ne pas adopter dans la santé les sentimens dans lesquels on veut mourir? Chaque instant de notre vie peut en être le dernier. Quel risque d'ailleurs fait courir la religion dans la santé ? Elle nous empêche de tomber dans le crime, et de goûter des plaisirs criminels : sontce donc là des inconvéniens à éviter?

X. « L'homme pieux et l'athée parlent toujours « de religion: l'un parle de ce qu'il aime, l'au«tre de ce qu'il craint ». Cette pensée est de M. de Montesquieu. On pourroit ajouter que le but de l'un est d'en inspirer l'amour ; et l'objet de l'autre est de la détruire dans l'esprit des hommes.

XI. Sans religion point d'états. Le prince ne commande qu'aux corps (a); personne n'est puni dans les tribunaux pour les péchés de pensée cogitationis nemo pœnam patitur : Dieu commande aux esprits. L'obéissance du corps est bien fragile, si elle n'est accompagnée de celle de l'esprit. Tout citoyen qui n'obéit pas à son roi

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(1) A l'article BION, remarque E.

par devoir, est un mauvais sujet prét á secouer le joug à la première espérance d'impunité. Un des plus grands rois de notre monarchie a senti cette vérité, lorsqu'il disoit dans un de ses capitulaires : « Nous ne pouvons comprendre com<< ment des personnes qui désobéissent à Dieu et « à ses pontifes, peuvent nous être fidelles ( b ). Un peuple impie est ennemi du trône.

(a) Nemo rex perindè animis imperare potest. Curtius.

(b) Nullo pacto agnoscere possumus qualiter nobis fideles existere possunt, qui Deo infideles et suis sacerdotibus inobedientes apparuerint. Carol. Magn. in elect. capitul. tom. 11: conc. gall. tit. I, cap. 2.

XII. << Tel est le rapport admirable établi par « << la Providence entre la religion et la société (1), « que le bonheur des états dépend nécessaire<< ment de l'observation des lois divines. L'esprit « de subordination et d'obéissance, qui fait les « enfans de Dieu, fait aussi les sujets fidelles; et « la même liberté de penser, qui enfante les sys« tèmes irréligieux, ébranle les fondemens du « trône et de l'autorité. » Ouï, le même esprit qui ose interroger le ciel, et lui demander compte de ses voies, de ses jugemens et de ses oracles, est tout disposé à interroger les maîtres de la terre, à soumettre à l'examen les titres de leur pouvoir, à discuter leurs droits et les principes de l'obéissance qui leur est due.

XIII. Supposons, dans une chaire de Paris,

() Voyez les actes de l'assemblée du clergé de 1765.

in orateur élevé à l'école du patriarche des impies du temps, qui débite devant un peuple nombreux cette singulière doctrine: écoutez, messieurs, et soyez attentifs : « Les souverains sont incapables d'aimer, de connoître et de récom« penser le mérite et la vertu. Leur science est « d'être injuste à la faveur des lois; leur art con« siste à opprimer la terre ; ce sont des barbares sédentaires; des animaux pour lesquels ceux qui défendent la patrie ont la folie de se faire égorger; c'est eux qu'il faut punir personnel«<lement, et non pas les troupes qui dévastent les campagnes ; enfin tel homme qu'il plaira au

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peuple de mettre sur le trône, en jouira à plus juste titre que celui qui l'occupoit par le droit « de sa naissance (1). » Si cet orateur trouvoit des auditeurs dociles, je dirois à votre majesté : Ogrand roi ! tremblez pour votre trône; craignez qu'une main téméraire, enhardie par ces discours séditieux, ne vous enlève la couronne de dessus la tête; craignez encore ..... Mais que dis- je! rassurez vous la religion que Vous protégez lient un autre langage à vos sujets Mes enfans, leur dit-elle, la puissance de votre prince vient de Dieu, de qui émane tout pouvoir. Qui résiste aux puissances, résiste à l'ordre de Dieu méme. Vous devez leur obéir, non seulement par crainte, mais encore par devoir ( 2 ).

(1) Toutes ces horreurs sont répandues dans les ouvrages de M. de Voltaire.

(2) Rom. cap. 13; v. 1,2, 5.

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Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu (1). Soyez donc soumis au roi, comme dominant sur tous, et à ses ministres, comme étant envoyés par lui pour protéger le bien et punir le mal, parce que tel est l'ordre de la Providence (2). C'est par de telles leçons, ô roi! que la religion établit votre trône dans la conscience même de vos sujets.

XIV. En vain on bâtit des systèmes de politique, si on ne pose la religion pour base. Elle est l'ame des empires : sans elle, ce ne sont que des édifices construits en l'air, que les vents des passions agitent sans cesse, et détruisent enfin.

Omnia religione moventur. Cic. 5. in Verrem.

XV. Un état ne peut subsister sans l'obéissancè aux lois : or il n'appartient qu'à la religion de la persuader aux citoyens. Les philosophes peuvent proposer de belles lois aux peuples ; « mais, « dit un ancien père, ces préceptes n'ont point de force, parce qu'ils sont humains, et qu'ils « manquent d'une autorité supérieure, qui est «< celle de Dieu. Personne ne croit, parce que « celui qui écoute s'estime autant que celui qui «< commande ». C'est le propre de la Divinité de donner le nerf aux lois humaines, en commandant aux citoyens d'obéir aux puissances.

(1) Matth. cap. 22, V. 12.
(2) Petr. cap. a; v. 13, 14.

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Nihil ponderis habent illa præcepta, quia sunt-humana, et autoritate majori, id est diviná, illa carent. Nemo igitur credit, quia tam se hominem putat esse qui audit, quàm est ille qui præcipit. Lactant, de falsâ sapient. lib. III. n. 37.

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XVI. La superstition même est moins préjudiciable à l'état que l'irréligion. Citons en preuve M. de Voltaire : la vérité échappe de temps en temps à nos esprits forts. « Quand les hommes, dit-il (1), n'ont pas des notions « saines de la Divinité, des idées fausses y suppléent; comme dans les temps malheureux on trafique avec de la fausse monnoie, quand on «< n'en a pas de bonne. Le païen craignoit de « commettre un crime, de peur d'être puni par «< ses faux dieux : le Malabare craint d'être puni a par sa pagode. Par-tout où il y aura une société « établie, une religion est nécessaire. Les lois « veillent sur les crimes publics, et la religion << sur les crimes secrets. >>

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XVII. La religion est le frein le plus puissant pour fixer la légéreté du peuple, et le maintenir dans une juste subordination à l'égard du souve rain. L'irréligion, au contraire, conduit à la révolte, en faisant passer tous les princes pour des tyrans. Vérité reconnue par les plus grands politiques de l'antiquité. « L'ignorance du vrai « Dieu, dit un d'entr'eux (a), est la peste la plus dangereuse de toutes les républiques. Qui « rejette la religion, arrache les fondemens de

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(1) Traité de la tolérance, chap. 20.

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