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civile le jour commençant à midi, suivant l'usage des astronomes. D'ailleurs, cet instant se reporte au seul méridien de Paris. En voyant chaque peuple compter de son principal Observatoire les longitudes géographiques, peut-on croire qu'ils s'accorderont tous à rapporter au nôtre le commencement de leur année ? Il a fallu deux siècles, et toute l'influence de la religion, pour faire adopter généralement le calendrier grégorien. C'est dans cette universalité si désirable, si difficile à obtenir, et qu'il importe de conserver lorsqu'elle est acquise, que consiste son plus grand avantage. Ce calendrier est maintenant celui de presque tous les peuples d'Europe et d'Amérique; il fut longtemps celui de la France; présentement il règle nos fêtes religieuses, et c'est d'après lui que nous comptons les siècles. Sans doute il a plusieurs défauts considérables; la longueur de ses mois est inégale et bizarre ; l'origine de l'année n'y correspond à celle d'aucune des saisons; mais il remplit bien le principal objet d'un calendrier, en se décomposant facilement en jours et en conservant à très peu près le commencement de l'année moyenne, à la même distance de l'équinoxe: son mode d'intercalation est commode et simple. Il se réduit, comme on sait, à intercaler une bissextile tous les quatre ans ; à la supprimer à la fin de chaque siècle, pendant trois siècles consécutifs pour la rétablir au quatrième; et si en suivant cette analogie on supprime encore une bissextile tous les quatre mille ans, il sera fondé sur la vraie longueur de l'année. Mais dans son état actuel il faudrait quarante siècles pour éloigner seulement d'un jour l'origine de l'année moyenne de sa véritable origine. Aussi les savants Français n'ont jamais cessé d'y assujettir leurs tables astronomiques, devenues par leur extrême précision la base des éphémérides de toutes les nations éclairées.

On pourrait craindre que le retour à l'ancien calendrier ne fût bientôt suivi du rétablissement des anciennes mesures. Mais l'orateur du gouvernement a pris soin lui-même de dissiper cette crainte. Comme lui, nous sommes persuadés, que, loin de rétablir le nombre prodigieux de mesures différentes qui couvraient le sol de la France et entravaient son commerce intérieur, le gouvernement, bien convaincu de l'utilité d'un système unique de mesures et de la perfection du système métrique, prendra les moyens les plus efficaces pour en accélérer l'usage et pour vaincre la résistance que lui opposent encore les anciennes habitudes, qui déjà s'effacent de jour en jour.

D'après toutes ces considérations, votre commission vous propose, à l'unanimité, l'adoption du projet de sénatus-consulte présenté par le gouvernement.

Tel fut en quelque sorte l'acte de décès du calendrier républicain dont nous venons de retracer l'histoire plus par des

documents que nous mettons sous les yeux du lecteur que par une opinion personnelle que nous voudrions faire prévaloir.

Quoi qu'on puisse penser de cette réforme, de ses auteurs, des raisons qui en ont empêché le développement comme des causes qui en ont amené la chute, on doit se rappeler qu'il a donné plusieurs de ses dénominations à des faits marquants de notre histoire de la Révolution.

Le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) eut lieu la chute de Robespierre; c'est le 23 vendémiaire an III (5 octobre 1795), que l'insurrection royaliste fut réprimée à Paris, c'est le 18 fructidor an V (3 septembre 1797), que le Directoire fit son coup d'État contre la réaction menaçante, enfin c'est le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), que Napoléon Bonaparte envahit le conseil des Cinq-Cents et renversa le Directoire.

Les belles journées de la Révolution française eurent lieu dans l'été de 1789, la première année de l'ère de la Liberté : c'est dans une lugubre journée de brumaire, l'an VIII de la République, que les principes libéraux, pour lesquels nos ancêtres avaient tant fait, disparaissaient momentanément sous le coup de force de Bonaparte!

Le calendrier, impassible, enregistre simplement les dates des événements. Mais son langage impartial et concis en fait le compagnon obligé de l'histoire dont il résume en quelque sorte le jugement.

GEORGES VILLAIN.

UNE BROCHURE DE MIRABEAU

RESTITUÉE A BABEUF.

Il s'agit de la brochure ci-après :

La nouvelle distinction des Ordres, par M. de Mirabeau, Chez Volland, libraire, quai des Augustins. 8 pages in-8, y compris le titre.

A première vue cette brochure paraît être de Mirabeau.

A la lecture, on reconnaît de suite que c'est, au contraire, une satire des opinions de ce député « changeant, jadis si ferme et si inébranlable. >>

Mirabeau avait dit à la tribune:

« Les dîmes ecclésiastiques ne sont dans les mains du clergé que des possessions révocables ad nutum; les dîmes sont nationales, nous le reconnaissons, et c'est pour cela que nous pouvons les reprendre, en y substituant un équivalent analogue à la dignité de la nation et au mérite de ceux qu'il faut salarier. >>

Ce mot salarier ayant été accueilli par des cris, mêlés d'applaudissements, Mirabeau ajouta :

« Oui, salarier; je ne connais dans la société que trois Ordres. Et quels sont ces trois Ordres ? Des mendiants, des voleurs et des salariés. »

L'auteur de la brochure trouve que par cette déclaration Mirabeau se déconcertait et perdait la nation dans un moment de délire. Aussi, cette plainte :

« Adieu, charmante Égalité; adieu, fille du Ciel, que je n'ai vue qu'en songe; commune amie, dont la présence constante aurait fait le bonheur de tous; adieu, tu nous as visités un instant; tous les cœurs s'étaient ouverts à ton approche, et l'égarement de l'un de nous te force à fuir nos asiles, t'oblige à vivre encore réléguée dans le pays des chimères. Tel le premier homme, par un moment d'oubli, causa le malheur de toute sa descendance... >>

Il revient néanmoins à résipiscence et, se moquant agréablement du fougueux orateur, termine ainsi :

« Quel nouveau rayon d'espoir tout à coup m'éclaire! Le comte de Mirabeau ne serait-il plus coupable? Les ridicules distinctions, l'inégalité révoltante ont toujours causé véritablement le malheur des races humaines; mais quelle est la manière modifiée dont Mirabeau reconnaît les distinctions à faire des différents Ordres? 1° Mendiants; 2° Voleurs; 3° Salariés. Oh! j'entrevois des moyens de ramener l'égalité. En obligeant les mendiants au travail, nous en ferons des salariés, et si les voleurs ne s'empressent de prendre le même parti, nous punirons leurs brigandages. Ah! j'avais porté un jugement trop précipité; Mirabeau est innocent, j'abjure mon erreur, et je tâcherai de faire ma paix avec lui. »

La brochure dont il vient d'être question, et qui figure au nom de Mirabeau, dans les catalogues (cela soit dit sans critique) très bien faits de la Bibliothèque nationale, est de Babeuf.

Cela résulte d'une lettre de Babeuf à sa femme, datée de Paris, le 12 août 1789, dans laquelle il lui dit :

« La brochure qui est de moi est intitulée: La nouvelle distinction des Ordres, par M. de Mirabeau. Tu feras lire les autres, qui sont très intéressantes. »

Babeuf est l'auteur de plusieurs écrits qui ont paru sous des noms supposés ou sous le voile de l'anonyme.

On en trouvera la liste dans notre Histoire de Gracchus Babeuf et du Babouvisme qui paraîtra prochainement.

VICTOR ADVIELLE.

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