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qu'à reproduire les noms du premier trimestre de l'année1. Ajoutons que, par une gracieuse attention, qui fait honneur à la délicatesse des auteurs, le mois des Fleurs (avril) est consacré aux «< femmes illustres,» parmi lesquelles on rencontre, à côté d'Artémise, reine de Carie, Tutole et Cimonie, Romaines," Bérénice, reine d'Égypte, Théoxène, Thessalienne, Julie, Ania, Porcia, Octavie, Romaines, les noms de Héloïse, Laure, Avignonnaise, d'Arc, Hachette, Olympe Ségur, Deshoulières, Sévigné, Lambert, Dacier, Lecouvreur, Françaises.

Il va sans dire que tous ces calendriers (même celui de Sylvain Maréchal, malgré le vœu émis par la commune de Paris), n'ont jamais été adoptés par le public. D'ailleurs, ils ne pouvaient l'être, étant donné leur caractère purement spéculatif et théorique. La plupart de leurs auteurs, il faut bien le dire, n'ont vu dans le calendrier qu'une variété de l'almanach: ce fut pour eux un prétexte à railleries, à critiques spirituelles, souvent violentes, et, dans cet ordre d'idée, ils nous ont donné l'almanach des aristocrates, de 1790; l'almanach de tous les saints de l'Assemblée nationale, l'almanach des aristocrates, de 1791; le Guide national, de 1792, etc. Quelques-uns, au contraire, comme Sylvain Maréchal, avec son almanach des honnêtes gens (1787), avec son almanach des Républicains (1793), comme les membres de la Société des philantrophes, avec leur calendrier du peuple franc (1793), ont été séduits par le côté doctrinal de

(1) Au sujet des noms de famille, les réformateurs vont plus loin. Ils signalent le caractère significatif des noms latins et voudrait qu'un père donnât de préférence à son fils un nom tiré de la profession qu'il exerce et qu'il veut perpétuer dans la famille : qu'un homme livré aux travaux des champs appelât son fils du nom patronymique de laboureur, Agricola, par exemple, etc., etc.; puis, qu'à l'âge de vingt et un ans le jeune homme ajoute de lui-même à son nom patronymique le nom de l'homme célèbre pour lequel il aurait le plus de vénération et de sympathie. Brutus, par exemple. Il n'entre pas dans notre cadre de discuter cette idée, mais nous avons cru devoir en dire quelques mots à cause de son originalité et parce qu'elle indique le soin plus ou moins bien inspiré avec lequel cette société de philanthropes a écrit son calendrier. Nous sommes déjà loin de l'essai précipité de Sylvain Maréchal et de facéties de 1791.

CALENDRIER DES PHILANTHROPES

Mois des FRIMATS ou nébuleux (Janvier).
D. Q. le 5 à 1 h. 8 du s. N. L. le 12 à 9 h, 8 du m.
P. Q.le 19 à 2 h. 38 dum. P. L. le 27 à 3 h. 43 du m.
J. S. J. M

LÉGISLATEURS, HOMMES D'ÉTAT,
POLITIQUES, ORATEURS.

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M

1

Lycurgue, législateur, lacédémonien,

V

Cléobis et Biton, grecs.

V

1

M

2

Solon, législateur, athénien.

2

Aristide, athénien.

f

3

Zaleucus, législateur, locrien.

D

Cincinnatus, romain.

D

V

4

Charondas, législateur, sybarite.

L

SERMENT CIVIQUE, 1790.

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D

23

D

5

Publicola, homme d'État, romain.

M

Curtius, romain.

D

6

FÊTE DES NATIONS.

M

Léonidas, lacédémonien.

L

4

L

7

Thémistocle, homme d'État,

J

Phocion, athénien.

M

5

M

Périclès, homme d'État,

V

8

Agis, lacédémonien.

M

6

M

9

Platon, politique,

9

athéniens.

Décius,

J

7

Dion, syracusain.

J

0

Eschine, orateur,

D

10

Curtius,

V

8

V

11

Hyperide, orateur,

L

11

Fabricius,

romains.

D

9

Mois de la LIBERTÉ (Mars).
D. Q. le 5 à 2 b. 47 du s.
P. Q.le 19 à 11 h.46 dum.
J. S. J. M.

N. L. le 12 à 6 h, 6 dum.
P. L. le 27 à 3 h. 43 du s.
TYRANNICIDES ET AMIS
DE LA LIBERTÉ.

MORT DE LEOPOLD, ennemi de la liberté
française.

Harmodius et Aristogiton, athéniens.
SIMONEAU, MAIRE D'ETAMPES, MEURT POUR

LA LOI.

Clistène, athénien.

Brutus Lucius, romain.

Thrasybule, athénien.

Timoléon, corinthien.

Pélopidas, thébain.

D

12

Démostène, orat., h. d'État,

M

12

Régulus,

D

10

Aratus, sycinien.

D

13

Cléomène, législateur, lacédémonien.

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L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE Supprime les

L

11

Scævola,

L

14

L'ASSEMBLÉE LEGISLATIVE déclare au nom

ordres religieux, 1790.

M

12

Gracchus,

du Peuple Franc qu'il ni consentira

J

14

Caton,

M

13

Caton d'Utique,

jamais, à voir modifier sa Constitution

V

15

Thraséa,

J

14

romaius.

Brutus,

par

les puissances étrangères. 1792.

D 16

Burrhus,

romains.

V

15

Cassius,

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Hortensius, orateur,

D

17

16

Ciceron, or. et hom. d'État,

romains.

Agricola,

D

16

Agrippa,

L

18

Helvidius,

D

17

Tell,

17

Suger, homme d'État,

M

19

Las Casas, espagnol.

suisses.

L

18

Furst,

18

L'Hopital, homme d'État,

français.

M

20

Ilennuyer,

M

19

Strozzi, florentin.

19

Sully, bomme d'État,

J

21

Cussay,

M

20

Languet, français.

20

Penn, législateur, anglais.

V

22

Jeannin,

J

21

Barnewelt, hollandais.

21

LA NATION Vengée par la mort de Louis Cap.

23

Mornai,

V

22

Doria, génois.

22

Bossuet, orateur,

D

24

Montausier,

français.

D

23

ÉTAT CIVIL ET

POLITIQUE ACCORDÉ AUX

23

Massillon, orateur,

français.

L

25

Vauban,

HOMMES DE COULEUR, 1792.

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Saint-Pierre, politique,

M

26

Dassas,

L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE abolit le préjugé

M

attaché aux familles des criminels, 1790.

J

28

88

222

27

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D

26

D'A guesseau,

homme d'État,

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Montesquieu, politique,

français.

Rousseau, politique, genevois.

Turgot, homme d'État, français.

Filangieri, politique, napolitain.

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J

31

Mably, politique, français.

l'ouvrage. C'était pour eux un double moyen de battre en brèche les idées de l'ancien régime et de propager les idées nouvelles En mettant sous les yeux du public un ensemble de faits héroïques, de noms célèbres dans l'histoire et capables de stimuler l'amour de la patrie, le culte du devoir ou le respect des grandes choses. Ils se flattaient de développer dans les masses les principes égalitaires et libéraux que la Révolution venait de proclamer. Leur idée était bonne, et on aurait tort de les blâmer de ce que le résultat n'ait pas répondu à leur attente.

Mais on conviendra que leur idée de changer le système des noms patronymiques et des prénoms des citoyens français, trahit une grande inexpérience des choses.

Croit-on pouvoir modifier les usages d'un peuple au point de lui faire abandonner en peu de temps des noms aussi populaires que Marie, Jeanne, Françoise, Pierre, Paul ou Jacques, et lui faire adopter des noms d'illustres inconnus comme Charondos, Hyperide ou Curtius?

D'ailleurs, ce n'est pas non plus en élaborant hàtivement, même au milieu d'un petit cénacle d'intimes, un projet de calendrier, que l'on peut se flatter de procéder à une réforme du

rable.

Aussi ne faut-il pas s'étonner de ce que les tentatives des utopistes, qui ont écrit les calendriers de doctrines, que nous avons analysés plus haut, n'aient eu aucun succès et n'aient eu d'autre résultat que de servir de type au calendrier de la Convention. C'est à ce seul titre qu'il y avait intérêt de les faire sortir de l'oubli profond dans lequel ils sont tombés.

LA RÉFORME DU CALENDRIER GRÉGORIEN.

Dès la réunion de l'Assemblée nationale, en mai 1789, la France sentit que la monarchie autoritaire allait s'écrouler sous le poids de ses fautes, et qu'un régime nouveau, tout de

liberté, allait faire place au régime du despotisme et du bon plaisir. Aussi salua-t-on, avec transport, la journée sanglante du 14 juillet 1789 comme la victoire de la Liberté sur la Servitude et l'Oppression, en la considérant comme le premier jour de la Liberté. Il se fit dans les idées un travail progressif, les débuts de la Révolution Française s'annoncèrent comme devant être l'avènement d'une ère de Liberté et l'usage consacra ce fait en appelant l'année 1789, l'an Ier de la Liberté.

Sans qu'une décision du pouvoir législatif, croyons-nous, vint légaliser cet usage, on prit l'habitude de désigner les années postérieures à 1789 sous le nom d'année II, III, IV de la Liberté (1). Mais une confusion ne tarda pas à s'établir. Les uns, considérant le 14 juillet 1789 comme le premier jour de l'an Ier de la Liberté, ne faisaient commencer l'an II que le 14 juillet 1790; d'autres, au contraire, commençaient l'an II au 1er janvier 1790, faisant l'an Ier de la Liberté de 5 mois et demi seulement.

La question légale fut portée devant l'Assemblée législative qui, dans sa séance du 2 janvier 1792, la résolut d'une manière définitive.

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M. Dorisy posa le problème en ces termes :

« Le ministre des contributions publiques était présent à la séance du comité des assignats et monnaies. Il s'agissait de savoir si, pour << mettre sur les monnaies l'inscription de l'an I, II, ou III de la Liberté, « nous changerions le calendrier adopté dans toute l'Europe. Le << résultat de nos observations a été que, pour éviter les inconvénients >> d'un tel changement, nous compterions l'année 1789 pour une année

(1) Sylvain Maréchal avait daté son premier almanach, celui de 1788, l'an premier du règne de la Raison. Quand on commença, en 1789, à dater de l'an II de la Liberté, les auteurs satiriques s'amusèrent à tourner ce fait en ridicule. C'est ainsi que nous avons signalé l'an III de la Barnavocratie, l'an dernier de la Despotico-Jacobinocratie. Notons encore cette formule: Les actes des apôtres, étrennes monarchiques éditées au pays de la Liberté. L'an des Jurés et des Jureurs (?).

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« entière, quoique nous ayons commencé à dater du 14 Juillet. En conséquence, je propose à l'Assemblée de décréter que, soit pour les <«< monnaies, soit pour les procès-verbaux, la computation de l'ère << reçue en Europe sera conservée, et de déclarer que l'an IV de la «< Liberté a commencé le 1er janvier 1792: »

Appuyée par MM. Ramond et Reboul, combattue par M.Rouyer, la proposition de M. Dorisy fut adoptée par l'Assemblée qui approuva le décret suivant :

« Tous les actes publics, civils, judiciaires et diplomatiques porteront l'inscription de l'ère de la Liberté (1). »

Ce décret mit fin à l'incertitude dans laquelle se trouvait le public. C'est ainsi que l'on voit dans la collection du Moniteur, (qui était le journal officieux de l'époque), le numéro du 4 janvier 1792 porter la mention III année de la Liberté, comme si les années de la Liberté commençaient et se terminaient le 14 juillet (2). Le numéro du lendemain 5 janvier, porta la mention IVe année de la Liberté, comme conséquence du décret de l'Assemblée législative.

Cependant la Révolution marchait à grand pas. La journée du 10 août 1792 fit pressentir de nouveaux changements. Le Moniteur, suivant en cela l'opinion publique, considéra qu'une évolution était imminente et le numéro du 21 août 1792 porta la mention caractéristique L'an IV de la Liberté et le 1er de l'Egalité.

Un mois après, la Convention nationale dès sa première réunion abolissait la Monarchie et proclamait implicitement la République. Dans cette même séance du 21 septembre 1792, elle décrétait, sur la proposition de Billaud Varenne, que ce jour-là ouvrait l'ère de la République et que tous les actes ·

(1) Réimpression de l'Ancien Moniteur, tome XI, page 25.

(2) Ajoutons que dans son numéro du 14 juillet 1790, ce journal avait marqué pour la première fois : premier jour de la deuxième année de la Liberté.

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