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« Cet insultant orgueil, loin de l'intimider, ne peut qu'exciter son courage. Il faut du temps pour discipliner les esclaves du despotisme. Tout homme est soldat, quand il combat la tyrannie. Et la France, dans sa vaste étendue, n'offrira plus à nos ennemis qu'une volonté unique, celle de vaincre ou de périr tout entière avec la liberté et ses lois. »

L'Assemblée ordonna l'impression de cette superbe expression de la fierté et de la magnanimité nationale; et c'est parce qu'elle est toujours jeune, toujours actuelle, toujours fortifiante que nous aussi nous avons pensé qu'il était bon de la réimprimer, quand nous nous préoccupons de revenir, comme au seul salut, à la tradition si oubliée, si délaissée, de nos sages et incomparables aïeux.

Quel était l'état du pays, à cette époque du 20 avril, choisie par Louis XVI comme le moment opportun pour l'accomplissement du plan concerté par le Comité autrichien des Tuileries? C'est ce que nous allons examiner.

(à suivre.)

J.-C. COLFAVRU.

ERRATUM

Dans le numéro du 11 décembre, page 192, 22e ligne, au lieu de qui se payent, il faut lire qui se parent.

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40 ANNÉE. - I.

LES PIONNIERS

DE L'HISTOIRE

DE LA RÉVOLUTION

EUGÈNE DESPOIS, M. MARCELLIN PELLET
ET M. JEAN-BERNARD.

Les publications sur la Révolution française deviennent plus nombreuses. Outre le volume de M. H. Taine, qui mérite un examen spécial et dont notre directeur a parlé dans la chronique de son dernier numéro, et le beau livre du colonel Jung sur Dubois-Crancé, analysé par notre ami Maurice Spronck, nous devons signaler trois ouvrages, qui seront accueillis avec faveur par tous ceux qui aiment la Révolution française.

C'est d'abord une nouvelle édition d'un des meilleurs travaux qui aient été faits sur la Révolution, le Vandalisme révolutionnaire, par Eugène Despois (1). Ce livre eut, dès son apparition, en 1868, un vif succès. L'auteur était un républicain de vieille date, qui avait quitté sa situation de professeur de l'Université plutôt que de prêter serment à l'Empire issu de l'attentat du 2 décembre. Il était populaire parmi les jeunes gens des écoles, et il me souvient de l'enthousiasme avec lequel le Vandalisme

(1) 1 vol. in-18 à 3 fr. 50. En tête est une notice de M. Charles Bigot sur Eugène Despois, né à Paris le 25 décembre 1818, mort dans la même ville le 23 septembre 1876.

révolutionnaire fut accueilli par nous tous, dont les aspirations libérales étaient une menace perpétuelle pour le régime despotique.

Le Vandalisme révolutionnaire, en effet, constituait une protestation énergique et irrécusable contre les historiens ou prétendus tels qui, pour flagorner le pouvoir, attaquaient calomnieusement les hommes et les choses de la Révolution et tressaient à l'envi des couronnes à Louis XVI, à Marie-Antoinette et à l'infortuné Louis XVII, auxquels l'impératrice Eugénie avait voué une sorte de culte et dont le gouvernement impérial célébrait la mémoire, comme celui de Louis-Philippe avait honoré celle de Napoléon Ier. Le livre de Despois consolait les esprits libéraux de la larmoyante Histoire de Louis XVII de Beauchesne, de la perfide Histoire de la Terreur, de MortimerTernaux. C'était un travail des plus sérieux, étayé sur des documents irréfutables, dans lequel on rappelait les grandes fondations littéraires et scientifiques que nous a léguées la Convention nationale. D'où datent les Écoles centrales, l'École polytechnique, le Musée d'artillerie, l'Ecole normale, l'École des langues orientales, le Muséum d'histoire naturelle, le Conservatoire des arts et métiers, les expositions de l'industrie, les institutions des sourds-muets et des jeunes aveugles, le Musée des monuments français, les Archives nationales, l'unité des poids et mesures, etc.? Qui a créé ces institutions, qui ont été la gloire et la force de notre pays et qui ont survécu aux conquêtes et aux gouvernements? La Convention nationale, répondait Eugène Despois, indigné qu'on ne rendit pas justice à une Assemblée qui avait tant fait pour la grandeur de la France. Et à l'envi la jeunesse française de 1868 partageait l'admiration de l'auteur pour la Révolution et son indignation contre les ingrats. C'était une sorte de révélation pour une génération à laquelle on avait essayé d'inspirer l'horreur de la Révolution.

Mais il n'est pas nécessaire d'insister davantage sur ce livre justement célèbre, et on doit savoir gré à M. Alcan d'avoir mis l'ouvrage de Despois à la disposition de tous par une édition d'un format commode et d'un prix modique.

C'est aussi à la librairie Alcan que viennent de paraître les Variétés révolutionnaires de M. Marcellin Pellet. Sous ce titre, l'érudit député du Gard a réuni des études qu'il avait publiées dans des journaux et des revues. Le livre est d'une lecture utile et agréable et digne de la Bibliothèque d'histoire contemporaine, dont il fait actuellement partie. Voici lá liste des vingtquatre chapitres qui le composent. Les titres seront auprès de nos lecteurs le plus sûr garant de l'intérêt de cet ouvrage, qui a sa place marquée dans la bibliothèque de tous les amis de la Révolution.

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Les almanachs sous la Révolution. Les revues de fin d'année sous le Directoire et le Consulat.-Théveneau de Morande. -Paris en 1787. — Rivarol. —La vraie Du Barry. Les orateurs de la Constituante. Un historien allemand de la Révolution française. Insignes des députés pendant la Révolution. Instructions du Comité du salut public. Une lettre inédite de madame Tallien. Le camp de Jalès. — Récriminations de M. de Paris. La Saint-Huberty et le comte d'Antraigues. Concours artistiques de l'an II. Concours de l'an II pour les livres classiques.-Madame de Tourzel et ses Mémoires. -Le livre du soldat français de Championnet. - Quelques strophes peu connues de la Marseillaise. La jeunesse du conventionnel Romme. - Le général Bonaparte. Lucien Bonaparte. Le capitaine Vallé. La propagande philosophique sous la Restauration.

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On le voit, le livre justifie bien son titre de Variétés révolutionnaires. M. Marcellin Pellet a du goût pour les curiosités de l'histoire de la Révolution; il est l'émule et le successeur des

regrettés Louis Combes et Georges Avenel, dont les Episodes et curiosités révolutionnaires et les Lundis révolutionnaires sont justement estimés des érudits.

Les Lundis révolutionnaires, c'est un titre qu'un écrivain de talent, M. Jean-Bernard Passerieu, a repris, non sans succès. Chaque lundi, dans la République radicale de M. Laisant, il a publié une Histoire anecdotique de la Révolution française, dont la première partie, consacrée à l'année 1789, vient de paraître en volume. Le plan de cet intéressant travail est exposé dans les lignes suivantes de M. Jean-Bernard. « Les anecdotes étant en quelque sorte les coulisses de l'histoire, nous avons essayé de pénétrer dans les coulisses de ce théâtre où se joue ce merveilleux et grandiose drame révolutionnaire, et nous avons noté au passage les curiosités des acteurs en déshabillé, les soumettant aux conditions étroites d'une vérité irréfutable. >> M. Jean-Bernard est de l'école des Combes, des Avenel et de M. Marcellin Pellet. C'est, d'ailleurs, le caractère distinctif de l'école historique moderne de s'occuper des particularités, du côté intime des hommes, des anecdotes, de tout ce qu'on négligeait autrefois comme indigne de l'histoire. Le grand avantage de cette nouvelle méthode est de découvrir les ressorts cachés des événements, ressorts que Bossuet rapportait à Dieu et que l'érudition moderne retrouve plus naturellement par l'étude des milieux et des caractères. La légion de travailleurs qui fouille les archives et les bibliothèques, qui s'empare d'un sujet restreint, homme ou chose, et ne l'abandonne qu'après l'avoir élucidé de la façon la plus complète, élabore patiemment et sûrement l'histoire véritable de la Révolution française. L'œuvre est immense et demandera de longues années. Mais aussi quand viendra un esprit généralisateur et l'humanité n'en produit que peu combien sa tâche sera plus aisée, si tous les points particuliers de ce grand drame de la Révolution française sont élucidés.

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