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légresse. A gauche des citoyens causent avec animation et enjouement, tandis que, devant eux, un homme coiffé d'un foulard, au costume débraillé, au teint basané, à la figure décharnée et féroce forme un contraste saisissant.

Boilly, avec tout l'esprit et le talent qui le caractérisent, a-t-il retracé ce curieux épisode de la Révolution pour en avoir été le témoin, nous l'ignorons. Tout porte à croire cependant qu'il fut présent dans la salle des Pas-Perdus, lors de l'ovation faite à l'ami du peuple.

Ce n'est pas seulement par les peintres contemporains tels que David et Boilly que Marat devait être immortalisé. Des mains plus obscures gravèrent son nom sur la pierre, et nous nous souvenons des singulières inscriptions lues dans le musée de Bourg en Bresse. Elles portaient ces textes profondément creusés.

A Marat, l'Ami
du peuple.

Ici les sans-culottes

ont rendu

Justice

aux vertus de Marat.

Marat
L'Ami du peuple

assassiné

par les ennemis

du peuple.

La troisième pierre n'est point relative à Marat. Nous en transcrivons néanmoins la suscription.

Les vertus

chéries des républicains

sont la probité
la justice et l'humanité.

L'hommage lapidaire rendu à Marat nous a éloigné un moment du musée de Lille et de Boilly. Ce n'est pas seulement du cynique montagnard que l'artiste s'occupa, et nous trouvons dans une série de 27 portraits, quart de nature, faite en vue du tableau qui devait représenter l'intérieur de l'atelier d'Isabey, des physionomies vivantes qui éveillent une vive curiosité.

Voici Granet qui dépensa tout son talent en faveur des moines; Taunay, toujours attardé à la porte des auberges à épier les mœurs des voyageurs; Redouté, dont les aquarelles de fleurs sont assez injustement déconsidérées; Duplessi-Bertaux, ce chroniqueur de la Révolution, dont la pointe fine et spirituelle égale, à bien des égards, celle de Callot, avec son large front dénudé et une bonne et aimable douceur répandue sur son visage; Houdon, auquel nous devons les beaux bustes de Franklin et de Washington, enfin les portraits des notabilités dramatiques ou littéraires contemporaines qui comptèrent dans l'intimité du célèbre miniaturiste que le dessin de la composition de Boilly nous montre devant son chevalet entouré de tous ses amis.

Les portraits des hommes qui ont pris une part active aux glorieux travaux de la Révolution sont assez rares; dernièrement M. Sauthonnax consacrait dans ses remarquables lundis révolutionnaires de la Justice, une colonne à l'iconographie de Danton dont le docteur Robinet s'est particulièrement occupé. << Il y a, dit le patient historiographe du tribun, au musée de Lille, un croquis de David, où on voit Danton de profil. C'est le Danton un peu fatigué et alourdi de 1794.

«L'artiste, tout en restant vrai, a cédé à quelques préoccupations caricaturales ou, si l'on aime mieux, interprétatives. La commissure des lèvres est fortement relevée, le nez grossi, le sourcil touffu et proéminent : dans les autres portraits l'œil est petit, ici il n'y a plus d'œil du tout. Ce croquis est frappant, génial, comme tout ce que la réalité a inspiré à David : il est certain qu'il a saisi à la Convention une attitude caractéristique

de Danton bougonnant à part lui. - Détail curieux, Danton, en 1794, portait encore un catogan. >>

En lisant ces lignes nous éprouvions un véritable chagrin de n'avoir pas vu le croquis de David. Peut-être était-il caché derrière les volets de bois qui protégent à merveille les dessins de la collection Wicar, ce qui n'en rend pas l'accès facile aux amateurs; toujours est-il, que nous trouvons dans les recherches du docteur Robinet la confirmation de nos souhaits. Si nous rencontrons en France quelques chercheurs comme lui, la tâche sera aisée et nous aurons une exposition en 1889 qui aura le double mérite de l'intérêt historique et d'une manifestation artistique qui ne manquera pas de puissance.

CAMILLE DE SORGUES.

LE CONVENTIONNEL BOUCHEREAU

Augustin-François Bouchereau est né à Troizelet-Châtillon (Cher), le 28 août 1756. Il était fils de Jacques-Auguste Bouchereau et de Marie-Anne Geoffroy. Il est mort juge de paix à Chauny, le 23 janvier 1841.

En 1790 il était employé, dans les bureaux du district de Chauny comme commis archiviste pour la tenue et le dépouillement des titres des biens nationaux et des baux qui en constatent le produit, aux appointements de 900 livres. Le 29 décembre 1790 il prêtait le serment « de bien et fidèlement remplir les nouvelles fonctions dont il vient d'être d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi (1). »

pourvu, et

Le 1er mai 1792, Augustin-François Bouchereau était nommé au grade de capitaine de la première compagnie de la milice nationale de Chauny, qui avait pour chef de bataillon M. Constant Hébert, père de l'ex-questeur au Corps législatif de l'empire (2). Bouchereau était en même temps secrétaire du district.

Aux élections pour la Convention nationale, le 3 septembre 1792, il était nommé deuxième suppléant. Il entra à la Convention nationale, comme le porte son passeport, en novembre 1792, par suite de l'option de Thomas Paine pour le département du Pas-de-Calais, et non pas de la démission de ce dernier, que nous voyons voter dans le procès du roi. Bouchereau était appelé, quoique deuxième suppléant, par suite du refus de Pottofeux, qui préféra rester procureur général syndic du département.

(1) Registres des arrêtés du directoire du district de Chauny.

(2) Cf. actes de la milice nationale de Chauny.

Une lettre adressée au représentant du peuple Bouchereau, le 7 prairial an III, au nom de la commission des secours publics de la Convention nationale, nous apprend qu'un incendie a éclaté à Genlis (Villequier-Aumont) le 26 mai 1793, et qu'il a été alloué à 70 habitants, pour les indemnités du tiers de leurs pertes, d'abord 41,995 livres, et ensuite 8,690 livres. Pour les deux autres tiers, la décision a été ajournée.

Le 25 messidor an IV, suivant contrat passé devant Mennesson, notaire à Neufchâtel, M. Bouchereau a acquis de M. Denis Canquois-Delaplace, secrétaire du commissaire du directoire exécutif près l'administration centrale du département de l'Aisne, l'immeuble où il est mort et qui servait naguère de presbytère pour le curé de Notre-Dame.

Bouchereau avait été marié deux fois : 1° à Marie-Rose Ségard, épouse en premières noces de Maurice Tétard; 2° à Marie-Isabelle Pinelli, épouse en premières noces de André Bernier; mais il est mort sans enfants, et il a laissé pour seule héritière une nièce, Marie-Perrinne Bouchereau, épouse de M. Jean-Alcide Forest, propriétaire à Paris.

Voici le texte du passeport délivré, le 6 novembre 1792, au conventionnel Bouchereau.

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<< Laissez passer le citoyen A.-F. Bouchereau, français, député à la Convention nationale, domicilié à Chauny, Municipalité de Chauny, District de Chauny, département de l'Aisne,

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