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POUR SERVIR A L'HISTOIRE

DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

LIVRE XI.

Ouverture de l'Assemblée législative, 1er octobre 1791. Elle se constitue Assemblée nationale. Émigration; troubles intérieurs. Décret contre les prêtres inassermentés et contre les émigrés. Formation de la HauteCour nationale. - Décret d'accusation contre Délessart. Dumouriez et Roland, ministres.- Déclaration de guerre contre l'Autriche. Décret qui casse la garde du roi. Nouveau décret contre les prêtres inassermentés. - Décret qui ordonne qu'il sera formé un camp de vingt mille hommes auprès de Paris. Refus du roi de sanctionner ces deux décrets. Renvoi de Roland, Servan et ClaDumouriez donne sa démission.

vières.

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Il était bien profond, l'homme qui conçut le mier le projet d'une révolution progressive, et qui en calcula la marche savante; il laissa à tous les citoyens l'espoir de s'y placer d'une manière avantageuse ou du moins supportable. Ceux qui n'a

vaient rien, crurent qu'ils allaient tout envahir ou tout partager; les grands propriétaires crurent qu'en se soumettant aux nouvelles lois, et consentant à de légers sacrifices, ils conserveraient leurs propriétés et leurs droits légitimes. Cet homme habile lia, par cette politique adroite, et les uns et les autres à un gouvernement dont les bases, posées avec beaucoup d'art, les amenaient chaque jour à de nouvelles espérances et à de nouveaux sacrifices, mais si bien gradués, que ces espérances paraissaient naître les unes des autres, et que chaque nouveau sacrifice semblait devoir être le dernier; il les tint ainsi isolés de leurs intérêts communs en créant à chacun d'eux un intérêt qui lui devint propre, les empêchant de se rallier, ceux-ci pour défendre une vie et des biens qu'ils n'imaginaient pas que l'on cherchât à leur ravir, ceux-là pour s'assurer de la réalité des magnifiques promesses dont on les repaissait.

Ce qui caractérise surtout la révolution française, c'est qu'elle a toujours marché sous une forme légale, lors même qu'elle s'éloignait le plus des principes de la justice. Conduite par des hommes de loi habitués dès leur enfance à manier les armes du barreau, à s'en servir et pour attaquer et pour défendre, ils préférèrent, avec raison, les moyens du parlage et de la loi, au sceptre tranchant du guerrier que leurs mains débiles n'eussent su porter. Ils eurent même l'habileté de ramener leurs adversaires à cet unique genre de combat qui

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leur était si défavorable: toutes les résistances se réduisirent à une discussion de parlage et à une lutte d'opinion.

C'était à ce tribunal mobile qu'étaient portés depuis quelque temps les intérêts de la nation. II avait fait justice des parlemens, de Maupeou, de la cour plénière, des grands bailliages; il avait prononcé le rappel de Necker et la convocation des états-généraux : mais alors l'opinion publique, guidée par des hommes instruits, aimant l'État, n'amenait que des changemens utiles, et repoussait les nouveautés dangereuses et les entreprises contraires aux droits de la nation.

La convocation des états-généraux ayant appelé aux affaires une foule d'hommes sans propriétés, étrangers aux connaissances politiques, à la science du gouvernement, ce ne furent plus les gens instruits qui dirigèrent l'opinion, ce furent ces hommes. Leur système ne tendait qu'à tout désorganiser, parce qu'ils n'apercevaient le but de rien; que, considérant chaque rouage séparément, ils ne pouvaient découvrir leurs liaisons ni leurs rapports à une unité d'action et de force. Sentant bien que les gens instruits s'opposeraient à leurs vues destructives, ces hommes eurent recours au peuple; il leur fut aisé de lui faire adopter un système qui s'accordait avec ses intérêts. La France se trouva toutà-coup partagée en deux classes ennemies, celle des propriétaires et celle, beaucoup plus nombreuse, des non-propriétaires. L'opinion n'eut plus

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pour base l'estime ni la confiance qu'inspirent la connaissance des talens, la certitude des lumières, de la probité. Le peuple s'en empara et y soumit ceux mêmes qui lui avaient remis cette arme entre les mains, les forçant de marcher lorsqu'ils voulurent s'arrêter, les poussant d'extrêmes en extrêmes, les contraignant de prendre sa volonté pour règle et pour droit, sous peine de se voir enveloppés dans la proscription générale. Il éloigna des places les hommes instruits, les hommes probes; il y nomma les fripons, les intrigans qui, depuis ce nouveau chemin des honneurs et des richesses s'étaient déclarés hautement pour lui et avaient feint d'adopter tous ses sentimens.

Les constitutionnels venaient d'éprouver les effets de cette marche de l'opinion; ils avaient été contraints de céder leurs places à une nouvelle assemblée, ne laissant autour d'eux que des décombres une constitution sans code de lois, livrée à l'interprétation arbitraire des différentes autorités qu'ils avaient créées. Les précautions conservatrices qu'ils prirent pour la garantir des attaques des différens partis, furent la principale cause de sa chute. Guidés par cet esprit méfiant qui leur montrait partout des ennemis, ils armèrent les pouvoirs les uns contre les autres; croyant ne les mettre que dans un état réciproque de défense, ils les mirent dans un état réel de guerre, et leur donnèrent le signal du combat.

Les départemens, agens en apparence

du pou

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