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que, dans ce procès-verbal, ils protesteraient formellement contre les actes que les nouveaux prêtres voudraient exercer en qualité de curés de la paroisse; que cette protestation serait signée par le vicaire de la paroisse, s'il y en avait un, par un prêtre voisin, ou par deux ou trois laïques pieux et discrets, en prenant toutefois les précautions capables d'assurer le secret; que ceux de messieurs les curés dont les paroisses seraient supprimées sans l'intervention de l'évêque diocésain, useraient des mêmes moyens, et se regarderaient toujours comme légitimes pasteurs de leurs paroisses; que, s'il leur était impossible d'y demeurer, ils tâcheraient de se procurer un logement dans le voisinage, afin d'être à portée de pourvoir aux besoins spirituels de leurs paroissiens; qu'ils auraient grand soin de les instruire et de les prévenir de leurs devoirs à cet égard; que si la puissance civile s'opposait à ce que les catholiques eussent un lieu de sépulture commun, ou si les parens montraient une trop grande répugnance à ce qu'ils fussent enterrés dans un lieu particulier, ou bien exclusivement consacré à cet objet, le pasteur légitime ferait à la maison les prières que prescrit le rituel, dresserait l'acte mortuaire qui serait signé par les parens on porterait ensuite le corps du défunt dans un lieu désigné, les parens pourraient l'accompagner jusque-là; mais on les avertirait de se retirer au moment où les curés et les vicaires intrus feraient la levée du corps. On

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finissait en invitant chaque curé d'instruire l'évêque diocésain des remplacemens qui s'opéreraient dans sa paroisse, de l'installation de son successeur, des circonstances qui l'accompagneraient, des dispositions de ses paroissiens, et des moyens qu'il croirait devoir prendre pour le bien de sa pa

roisse.

,

Indépendamment de ces lettres circulaires écrites aux curés, on répandit dans les campagnes des instructions destinées au peuple. On y disait que l'on ne pouvait s'adresser, pour les sacremens, aux prêtres constitutionnels, qualifiés d'intrus; que tous ceux qui y participaient, devenaient, par leur seule présence, coupables de péché mortel; qu'il n'y avait que l'ignorance et le défaut de lumières qui pussent les excuser, que ceux qui se feraient marier par les intrus ne seraient pas mariés; qu'ils attireraient la malédiction sur eux et sur leurs enfans; qu'il fallait recourir aux anciens curés; que les choses s'arrangeraient de manière que la validité des mariages faits par ces derniers ne serait point contestée mais qu'en attendant il valait mieux se résoudre à tout; que si les enfans ne paraissaient pas légitimes, ils le seraient cependant; qu'au contraire les enfans de ceux qu'auraient mariés les intrus seraient réellement bâtards, qu'il ne fallait pas non plus s'adresser aux intrus pour les enterremens; que si l'ancien curé ne pouvait pas les faire sans s'expoles parens et amis du défunt devaient les faire eux-mêmes; qu'il ne fallait avoir aucune commu

ser,

:

a

nication avec les intrus ni avec ceux qui s'étaient séparés de l'Eglise ; que les officiers municipaux, qui les installaient, devenaient apostats comme eux; qu'à l'instant même de l'installation, les chantres, les sonneurs de cloches et les sacristains devaient abdiquer leur emploi (1).

Ces écrits fanatiques produisirent l'effet qu'en at

(1) Rapport de Gallois et Gensonné sur les troubles de la Vendée. (Moniteur des 10 et 12 novembre 1791.)

« Ces manœuvres, disaient Gallois et Gensonné dans leur rapport, ont été puissamment secondées par des missionnaires établis dans le bourg de Saint-Laurent, district de Montaigu. C'est même à l'activité de leur zèle, à leurs sourdes menées, à leurs infatigables et secrètes prédications, que nous croyons devoir principalement attribuer la disposition d'une très-grande partie du peuple, dans la presque totalité du département de la Vendée, et dans le district de Châtillon, département des Deux-Sèvres........

» Cet établissement fut fondé, il y a environ soixante ans, par une société de prêtres séculiers, vivant d'aumônes, et destinés, en qualité de missionnaires, à la prédication. Ces missionnaires qui ont acquis la confiance du peuple, en lui distribuant avec art des chapelets, des médailles et des indulgences, et en plaçant sur les chemins de toute cette partie de la France des calvaires de toutes les formes, ces missionnaires sont devenus depuis assez nombreux pour former de nouveaux établissemens dans d'autres parties du royaume. On les trouve dans les ci-devant provinces de Poitou, d'Anjou, de Bretagne et d'Aunis, voués avec la même activité au succès, et en quelque sorte à l'éternelle durée de cette espèce de pratique religieuse devenue, par leurs soins assidus, l'unique religion du peuple. › (Note des édit.)

tendaient les évêques. Des troubles religieux éclatèrent de toutes parts: la division se mit jusque dans les familles. On vit des femmes se séparer de leurs maris, des enfans abandonner leurs pères; l'indigent n'obtint plus de secours, l'artisan ne put espérer de travail, qu'autant qu'ils s'engageraient à ne pas aller à la messe d'un prêtre assermenté; des villages entiers désertaient leurs foyers les jours de dimanches et de fêtes, et ne craignaient point de faire trois ou quatre lieues pour entendre la messe d'un prêtre inassermenté. L'Assemblée fut bientôt fatiguée des plaintes continuelles qui lui arrivaient des départemens. Les girondins, profitant de cette disposition des esprits, feignirent de vives alarmes sur les mouvemens qu'excitaient les prêtres rebelles. Ils parlèrent des manœuvres perfides qu'employaient les ennemis de la constitution, firent sentir la nécessité de prendre des mesures sévères, capables de déjouer leurs coupables projets, qui tendaient à allumer une guerre civile et religieuse. Les girondins savaient que ces mesures, contraires à l'esprit de la constitution, diviseraient les deux pouvoirs. Aussi, voulant paraître ne céder qu'à la volonté du peuple, ils différèrent jusqu'à ce qu'ils l'eussent amené à se prononcer ouvertement en leur faveur. En attendant, ce furent chaque jour nouvelles dénonciations contre les prêtres et contre les émigrés, nouvelles plaintes de l'inertie des ministres que l'on accusait de les favoriser, et de l'insuffisance des lois rendues jusqu'à ce jour

contre des hommes qui conspiraient ouvertement. L'opinion publique étant suffisamment préparée, une députation de la société fraternelle (1) vint représenter que la patrie était menacée; qu'elle l'était par ses propres enfans ; que la jouissance des droits imposait nécessairement des devoirs; que le premier devoir d'un citoyen est de ne pas abandonner sa patrie quand elle est en danger, de ne pas la troubler en agitant les torches du fanatisme; qu'ils suppliaient l'Assemblée de déclarer que la patrie était en danger; que cette déclaration n'étonnerait personne; que tout le monde en connaissait la vérité......... A ces mots, quelques murmures s'élevèrent; on demanda que les pétitionnaires fussent rappelés à l'ordre ; le président observa que le droit de pétition était sacré; que l'Assemblée devait écouter avec calme tous les citoyens qui se présentaient. Les pétitionnaires continuèrent. venons, Messieurs, vous prier de décréter que tout citoyen qui abandonne sa patrie, dans l'état actuel où sont les choses, sera déclaré traître et déserteur de la chose publique, déchu du titre de citoyen français ; que ses biens seront séquestrés, ses revenus confisqués au profit du trésor national; que tout Français convaincu d'avoir pris les armes ou d'avoir sollicité et provoqué les puissances

Nous

(1) L'auteur parle ici de la Société fraternelle des halles qui présenta une pétition dans la séance du 22 octobre. (Note des édit.)

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