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La Rochefoucauld (1), président du département, témoigna, ainsi que le maire Bailly, les lui avaient données les premiers décrets de l'Assemblée. Il dit que le peuple français,

craintes

que

(1) Le nom de La Rochefoucauld se trouve plusieurs fois dans l'histoire de notre révolution. Celui dont il est ici question était aussi recommandable par ses vertus publiques que par ses vertus privées. C'est M. le duc de La Rochefoucauld et de la Roche-Guyon, membre de l'Assemblée des notables en 1787, député de la noblesse aux états-généraux de 1789, et l'un des huit premiers membres de la noblesse qui se réunirent au tiers-état. Après la clôture de la session de l'Assemblée constituante, il devint membre et président du département de Paris. Il signa en novembre 1791 une pétition de ce département dans laquelle Louis XVI était invité à refuser son veto au décret relatif aux prêtres non assermentés. (Voyez ci-après. ) Cette adhésion à un acte réprouvé par le parti populaire lui suscita des ennemis qui, d'abord, le forcèrent de donner sa démission, et ensuite le firent massacrer à coups de pierres par des forcenés, le 14 septembre 1792, à son passage à Gisors, d'où il voulait se rendre à Forges-les-Eaux. Le duc de La Rochefoucauld avait alors 83 ans. On raconte que madame de La Rochefoucauld avait été prévenue quelques jours auparavant du danger qui menaçait son mari. On lui avait assuré qu'elle pourrait le sauver en donnant une somme de 25,000 francs. Elle donna la somme; mais son mari ne périt pas moins. La France perdit en lui l'un de ses plus vertueux citoyens.

Dans cette maison, où les grandes qualités semblent être un don de famille, on distingue aujourd'hui, autant par la noblesse de son caractère politique, que par sa généreuse philanthropie, M. le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, pair de France. (Note des édit.)

en choisissant de nouveaux représentans, venait de mettre le sceau de son assentiment à la constitution; que le serment solennel que ces nouveaux représentans avaient prêté de la maintenir, allait dissiper le seul espoir dont les ennemis de la chose publique aimaient à se flatter, et les inquiétudes que les amis de la patrie conservaient encore; qu'en s'occupant des travaux dont l'Assemblée constituante les avait chargés, la sagesse de leur conduite pouvait seule justifier cette même Assemblée de la résolution hardie qu'elle avait fait prendre à la nation de confier à un corps unique le soin de faire ses lois.

ajouta que,

Le roi montra dans son discours qu'il partageait les craintes du département et de la municipalité; mais qu'il connaissait les droits que lui conférait la constitution, et qu'il était résolu de les soutenir. Il réunis en vertu de cette même constitution pour exercer les pouvoirs qu'elle leur avait délégués, les députés mettraient sans doute au rang de leurs premiers devoirs de faciliter la marche du gouvernement, d'affermir le crédit public, d'ajouter, s'il était possible, à la sûreté de l'engagement de la nation, d'assurer à la fois la liberté et la paix, enfin d'attacher le peuple à ses nouvelles lois par le sentiment de son bonheur; que les députés, témoins dans leurs départemens du nouvel ordre de choses qui venait de s'établir, avaient été à portée de juger ce qui pouvait être nécessaire pour le perfectionner, et qu'il leur serait facile de connaître les

moyens les plus propres à donner à l'administration la force et l'activité dont elle avait besoin. Quant à lui, appelé par la constitution à examiner comme représentant héréditaire du peuple, et pour son intérêt, les lois présentées à sa sanction, chargé de les faire exécuter, il devait encore leur proposer les objets qu'il croirait utile de prendre en considération pendant le cours de leur mission;. que les finances, la répartition et le recouvrement de l'impôt, la réforme des lois civiles, leur accord avec les principes de la constitution, l'établissement d'une éducation nationale, les moyens d'assurer du secours et du travail à la partie indigente du peuple, devaient être les principaux objets de leurs méditations et de leurs travaux; que, tandis que l'Assemblée s'occuperait de ces objets importans, il travaillerait de son côté à rétablir l'ordre et la discipline dans les armées; qu'il donnerait ses soins à la marine; qu'il protégerait le commerce et les colonies; qu'il espérait que nous ne serions troublés par aucune agression étrangère; qu'il avait pris depuis son acceptation de la constitution, et qu'il continuerait de prendre les mesures qui lui paraîtraient les plus propres à fixer l'opinion des puissances étrangères à notre égard, et à entretenir avec elles l'intelligence et la bonne harmonie qui pouvaient assurer la paix (1): mais que pour que

(1) Le roi ajouta cette phrase remarquable, omise par Ferrières « Cette espérance ne me dispensera pas de suivre

les travaux de l'Assemblée et le zèle des députés produisissent les effets qu'on avait droit d'en attendre, il était nécessaire qu'entre le corps législatif et le roi il régnât une constante harmonie et une confiance inaltérable; que les ennemis du repos de la France ne chercheraient que trop à les désunir; qu'il fallait que l'amour de la patrie les ralliàt, et que l'intérêt public les rendît inséparables. Alors la puissance publique se déploîrait sans obstacles, l'administration ne serait plus tourmentée par de vaines terreurs, la propriété et la croyance de chacun seraient également protégées; il ne resterait plus à personne de prétexte pour vivre éloigné d'un pays où les lois seraient en vigueur, et où les droits de chacun seraient respectés.

Le président répondit que la présence du roi des Français, au milieu de l'Assemblée nationale, était un engagement nouveau qu'il prenait envers la patrie; que les droits du peuple étaient oubliés, les pouvoirs confondus; qu'une constitution était née avec la liberté; que Louis XVI, comme citoyen, devait la chérir; comme roi, la maintenir et la défendre; que loin d'ébranler sa puissance, cette constitution l'affermirait; qu'elle lui avait donné des amis dans tous ceux que l'on n'appelait autrefois que des sujets.

avec activité les mesures de précaution que la prudence a dû prescrire. »

Les ministres parurent aussi eux à la barre de l'Assemblée ils parlèrent de leurs départemens respectifs, protestèrent de leur zèle, de leur amour pour la constitution. L'on n'avait point avec les ministres les mêmes motifs de dissimuler que l'on avait eus avec la municipalité et avec le département; on les écouta d'un air d'impatience marqué. En effet ces dehors n'étaient point sincères; la cour et les jacobins travaillaient également à détruire cette constitution pour laquelle ils affectaient tant de respect: mais, en s'occupant des moyens propres à les conduire à ce but, ils s'efforçaient de persuader au peuple que c'étaient eux qui la défendaient, et que c'étaient leurs adversaires qui voulaient la détruire.

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Il existait trois partis bien prononcés : les constitutionnels, les républicains et les contre-révolutionnaires. Les constitutionnels étaient composés d'anciens membres de l'Assemblée constituante, à la tête desquels on comptait La Fayette, Bailly, les Lameth, La Rochefoucauld, Thouret, Chapelier, Adrien Duport, Dandré, Duport-Dutertre, ministre de la justice, un grand nombre de députés de l'Assemblée législative, presque tous les membres des districts et des directoires de département, la plupart des juges de paix et des juges des tribunaux, les états-majors des troupes de ligne et des gardes nationales. Les constitutionnels convenaient que la constitution était vicieuse en plusieurs points; mais ils prétendaient que, dans les circonstances actuelles,

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