Page images
PDF
EPUB

et Chevalon, tous les deux imprimeurs, qui lui apprirent l'art typographique. Etant restée veuve assez jeune, elle continua à diriger l'imprimerie avec beaucoup. d'intelligence. Les éditions qu'elle publia sont recherchées, sur-tout sa Bible latine, avec les notes de Jean Benedicti, et un St. Grégoire, en deux volumes, si correct, que l'errata n'est que de trois fautes.

I. GUILLAUME Ier, le Conquérant, fils naturel de Robert I, duc de Normandie, et d'Arlette, fille d'un pelletier de Falaise, naquit dans cette ville en 1024. Il régnoit paisiblement en Normandie, après avoir disputé son héritage avec ses parens, lorsque Edouard le Confesseur, roi d'Angleterre, l'appela au trône par son testament. Il passa dans cette isle en 1066, avec une flotte nombreuse, pour prendre possession de son royaume. Lorsque toutes les troupes furent débaṛquées, il fit brûler ses vaisseaux et dit à son armée, en lui montrant l'Angleterre : Voilà votre patrie. Les Anglois avoient déféré la couronne à Harold, le plus grand seigneur du pays, qui tint tête à Guillaume. La bataille de Hastings décida du sort des deux concurrens. Harold y fut tué avec ses deux frères, et cinquante mille Anglois. Le vainqueur fut couronné solennellement à Londres, après quelques autres avantages qui lui méritérent le surnom de Conquérant. Guillaume sut gouverner comme il avoit su combattre. Plusieurs révoltes étouffées, les irruptions. des Danois rendues inutiles, des lois rigoureuses durement exécutées, tels furent les événemens principaux de son règne. Anciens

Bretons, Danois, Anglo-Saxons, tous furent confondus dans le même esclavage. Les révoltes continuelles de ses sujets lui firent penser qu'il valoit mieux les gouverner avec l'épée qu'avec le sceptre. Il anéantit leurs priviléges; il s'appropria leurs biens, pour lui, ou pour ceux qui avoient vaincu avec lui: il leur donna non seulement d'autres lois, mais une autre langue. Il ordonna qu'on plaidàt en Normand; et depuis lui tous les actes furent expédiés en cette langue, jusqu'à Edouard III. C'étoit un idiome barbare, mêlé de François et de Danois, qui n'avoit aucun avantage sur celui qu'on parloit en Angleterre. On prétend qu'il traita non-seulement la nation vaincue avec dureté , mais qu'il affectoit encore des ca→ prices tyranniques. On en donne pour exemple la loi du Couvrefeu, par laquelle il falloit, son de la cloche, éteindre le feu dans chaque maison, à huit heures du soir. Mais cette loi, bien loin d'être tyrannique, n'est qu'un ancien réglement de police, établi dans toutes les villes du Nord; il a été long-temps en usage dans les cloitres. Les maisons étoient bâties de bois et couvertes de chaume; et la crainte du feu étoit un objet des plus importans de la police générale. Il fit faire le dénombrement des biens de tous ses sujets. Toute l'Angleterre fut décrite sur deux livres nommés le petit et le grand livre du jour du jugement. Ces registres furent placés dans la chambre du trésor royal, pour y être consultés dans les occasions où l'on pourroit en avoir besoin, c'est-à-dire, suivant l'expression de Polydore Virgile, lorsqu'on voudroit savoir com

au

bien de laine on pourroit encore ôter aux brebis Angloises. Il est constant que Guillaume fit la gloire et la sureté de l'Angleterre par ses armes et par ses lois. Des citadelles furent bâties dans différens endroits; la tour de Londres, commencée par son ordre, fut achevée en 1078. Inconnus ou méprisés jusqu'alors dans l'Europe, les Anglois commencèrent à y jouer un grand rôle par leurs lumières, par leur puissance, par leur commerce et par leurs conquêtes. Guillaume, devenu valétudinaire, quitta l'Angleterre pour aller faire diète en Normandie. Il étoit à Rouen, tachant de diminuer par les remèdes et l'exercice, l'embonpoint qui l'incommodoit, lorsqu'il apprit que Philippe I, roi de France, avoit demandé quand il releveroit de ses couches. Le Normand lui fit répondre: «que cela ne tarderoit pas, et qu'au jour de sa sortie, il iroit lui rendre visite avec dix mille lances en forme de chandelles. » En effet dès qu'il put se tenir à cheval, il désola le Vexin François, et brûla Mantes; vengeant ainsi, par des exécutions barbares, une mauvaise plaisanterie. Il vint jusqu'à Paris, ravageant tout sur son passage; mais étant tombé de cheval en sautant un fossé auprès de Mantes, il mourut à Rouen de cette chûte, le 10 septembre 1087, à 63 ans, après avoir possédé la Normandie près de cinquante-deux ans, et l'Angleterre vingt-un, regardé comme un grand capitaine, un bon politique, un roi vigilant, mais trop sévère. Il ne travailla pas à se faire aimer, et c'est à quoi un conquérant ne réussit guères. « Guillaume, dit le P. Longueval, étoit d'une fort

grande taille et fort gros. Il avoit le visage plein et rouge, le regard farouche et terrible, surtout lorsqu'il étoit en colère. Maitre absolu de tout, excepté de ses passions, il ne pouvoit se contrefaire, et lorsqu'il étoit irrité contre quelqu'un, son visage étoit le fidelle interprète de son coeur. Quant à la religion, quoiqu'il n'en suivit pas toujours les maximes, il l'honora et la prơtégea toujours. Il étoit grand amateur de la justice. et il en faisoit exactement observer les règles. Il punissoit avec tant de sévérité les brigands, qu'il les extermina de ses états; mais il aimoit l'argent plus qu'il ne convenoit à un prince. » Il laissa de Mathilde, fille du comte de Flandre, trois fils Robert, qui étoit l'aîné, eut le duché de Normandie avec le Maine; Guillaume eut le royaume d'Angleterre; et Henri, le plus jeune, hérita de ses trẻsors, avec une pension considérable; et il lui dit, pour le consoler de ce que son lot n'étoit qu'en argent, qu'il auroit un jour les Etats de ses deux frères. Guillaume n'eut pas plutôt les yeux fermés, que tous les seigneurs de sa cour disparurent. Ses officiers ne pensèrent qu'à piller son palais. Guillaume, archevêque de Rouen, et Helluin de Conteville, furent les seuls qui s'occupèrent des soins de sa sépulture. Son corps fut transporté à Caen, et inhumé dans l'église du monastère de Saint--Etienne qu'il avoit fondé : Voyez ce qui arriva lors de son inhumation, au mot ASS FLIN no II. Avant sa conquête d'Angleterre, on le surnommoit Guillaume le Bâtard, à cause du défaut de sa naissance. L'abbé le Prévot et Baudot de Juilly

و

ont

II. GUILLAUME II, le Roux, fils de Guillaume le Conquérant, dur et fier comme lui, fut destiné par son père à régner en Angleterre, pour raffermir un trone chancelant, que la modération et la clémence auroient renversé. Il fut couronné, le 27 septembre 1087; il s'épuisa en belles promesses en recevant le sceptre, et il n'en tint aucune. La religion, qui adoucit si heureusement les mœurs les plus féroces, n'étoit pour lui qu'un fantòme. Il persécuta le clergé séculier et régulier; il exila le célèbre Lanfranc, archevêque de Cantorbery, pour avoir osé lui faire des remontrances; il ne traita pas mieux Anselme, son successeur. Les avantages qu'il eut à la guerre, le mirent en état d'appesantir le joug des Anglois. Il vainquit Malcolme, roi d'Ecosse, et le tua avec son fils Edouard; il passa en France an secours du chateau du Mans, assiégé par le comte de la Flèche, et il le fit prisonnier en 1099. L'année d'après, Guillaume chassant dans une forêt de Normandie , y fut blessé d'un coup de flèche, tiré sans dessein par Gautier Tirel, l'un de ses courtisans. Il mourut de cette blessure, le 2 août 1100, à 44 ans avec la réputation d'un tyran avare. Il n'avoit point été marié.

❤nt donné chacun une Histoire range, et de Henriette-Marie, de ses exploits. fille de Charles premier, roi d'Angleterre. Il étoit arrièredateur de la république des Propetit-fils de ce Guillaume, fonvinces-Unies, assassiné par le perfide Gerard. Voyez ce mot. Elu Stathouder en Hollande l'an 1672, il fut nommé général des troupes de la république alors en guerre avec Louis XIV'. Ce prince, dit un historien célebre, nourrissoit, sous le flegme Hollandois, une ardeur d'ambijours depuis dans sa conduite, tion et de gloire, qui éclata toudiscours. Son humeur étoit froide sans s'échapper jamais dans ses cant. Son courage, qui ne se et sévère; son génie actif et perrebutoit jamais, fit supporter à son corps foible et languissant, des fatigues au-dessus de ces forces. Il étoit valeureux sans ostentation, ambitieux, mais ennemi du faste; né avec une opicombattre l'adversité; aimant les niàtreté flegmatique, faite pour affaires et la guerre ; ne connoissant ni les plaisirs attachés à la grandeur, ni ceux de l'humanité. landois opposèrent à Louis XIV. Tel étoit le prince que les HolLa république craignoit alors armées Françoises étoient en beaucoup pour sa liberté. Les Hollande. Guillaume offrit le revenu de ses charges et tout son bien pour secourir l'état : il fit percer les digues et couvrir d'eau les chemins par où les François pouvoient pénétrer dans le pays; résolu de ne pas survi→ vre à la perte de sa patrie, et de mourir, disoit-il, dans le dernier retranchement. Quand le danger fut passé, il ligua une partie des puissances de l'Europe contre eux. Ses négociations promptes et secrètes réveillèrent de leur B

GUILLAUME DE NASSAU fondateur des Provinces-Unies. Voyez NASSAU (Maurice de ).

9

[ocr errors]

III. GUILLAUME III, DE NASSAU, prince d'Orange roi d'Angleterre, naquit à la Haye le 14 novembre 1650, de Guillaume de NASSAU, prince d'O Tome VI.

&

[ocr errors]

assoupissément l'Empire, le conseil d'Espagne, le gouverneur de Flandre, l'électeur de Brandebourg. La campagne de 1674 ne fut pas pourtant heureuse pour lui. Il fut battu à Senef par le prince de Condé, après avoir fait des prodiges de valeur et de prudence. En 1677, il fut obligé de lever le siége de Charleroi, qu'il avoit attaqué une première fois quelques années auparavant. C'est à cette occasion qu'un seigneur Anglois dit : Le Prince d'Orange peut se vanter d'une chose c'est qu'aucun général à son âge n'a levé tant de siéges et perdu tant de batailles. Les succès divers de cette guerre amenèrent la paix de Nimègue. On venoit de signer le traité le 10 août 1678. Le prince d'Orange, sans y avoir égard fond sur le maréchal de Luxembourg, tranquille dans son quartier, engage un combat sanglant, long et opiniâtre qui le couvrit de honte, sans produire aucun fruit, que la mort de deux mille Hollandois et d'autant de François. Guillaume savoit certainement que la paix étoit signée, qu'elle alloit l'être : il savoit que cette paix étoit avantageuse à son pays; cependant il exposa sa vie, et prodigua celle de plusieurs milliers d'hommes, pour prémices d'une paix générale. Lorsqu'on lui reprocha cette infraction il répondit froidement qu'il n'avoit pu se refuser cette dernière leçon de son métier. Cette paix entièrement conclue en 1678, fut suivie d'une guerre plus glorieuse, mais bien plus injuste. Le prince d'Orange avoit épousé Marie Stuart, fille de Jacques II. L'ardeur du zèle de ce monarque pour la religion Catholique, irrita ses sujets con

[ocr errors]

,

ou

[ocr errors]

tre lui. Son gendre résolut de profiter de ce soulèvement: il passa en Angleterre en 1688, chassa son beaut-père de son palais et de son trône, et s'y mit à sa place. Reconnu roi par toute l'Angleterre, sous le titre de Guillaume, il ligua une partie de l'Europe contre Louis XIV, pour qu'il ne pût pas secourir le roi détròné. L'Irlande tenoit encore pour Jacques. Guillaume passa dans cette isle pour la soumettre. Le lendemain de son dé

barquement, son aumônier prêcha un sermon où il prit pour texte ces paroles de St. Paul: Perfidem vicerunt regna. Au sortir de l'église, Guillaume dit : Mon chapelain a fort bien ouvert la campagne. Comme on l'exhortoit à prendre quelque repos: Je ne suis pas venu en Irlande, rẻpondit-il , pour laisser croître l'herbe sous mes pieds. Un royaume où le fourrage est aussi bon qu'en Flandre, mérite bien qu'on se batte pour le conquérir. Peu de temps après, il gagna la ba+ taille de la Boine, en 1690, qui obligea Jacques II à quitter l'Irlande. Cette journée montra dans le vainqueur tout ce qu'il faut à la guerre, un cœur chaud et une tête froide. Dans la chaleur du combat, Henri Hubdar des officiers de Guillaume, tendant un boulet de canon siffler à ses oreilles, plia les épaules comme un homme qui craint. Le roi sourit, et donnant un petit coup sur l'épaule de ce gentilhomme Courage, M. le Chevalier, lui dit-il, je vous crois à l'épreuve du canon. Les partisans de Jacques ayant remarqué, durant la bataille, l'endroit où étoit Guillaume, traînèrent vis-àvis de lui deux pièces de campagne, et le blessèrent à l'épaule

:

و

l'un

en

d'un boulet de six livres. Le coup effraya tous ceux qui entouroient le prince lui seul, conservant son sang froid, se fit panser à la tète de ses troupes, et de meura à cheval jusqu'à ce qu'il eût gagné la bataille. Après l'action on demanda à quelques Irlandois qui avoient été faits prisonniers sous les drapeaux de Jacques, s'ils étoient encore tentés d'en venir aux mains : Changeons de Roi, répondirentil's nous vous livrons demain bataille et nous sommes assurés de vous battre. Cela n'étoit pas si certain; car dans les années suivantes Guillaume fut battu à Steinkerque et à Nerwinde, sans que ces défaites le décourageassent. On disoit de lui qu'avec de grandes armées, il faisoit admirablement la petite guerre, comme Turenne avoit fait supérieuremens la grande, avec de petites armées. Il fit des retraites qui valoient des victoires, prit Namur cn 1695, et tint toujours la campagne. Voyez ATHLONE et I. BOUFLERS. Louis XIV l'ayant reconnu roi d'Angleterre, la paix fut rendue à l'Europe. Le traité en fut signé à Ryswick en 1697. Le testament de Charles II, roi d'Espagne, en faveur des Bourbons, ralluma la guerre. Le roi Guillaume, plus agissant que jamais dans un corps sans force et presque sans vie, remuoit toute l'Europe pour donner de nouvelles peines à Louis XIV. Il devoit au commencement de 1702, se mettre à la tête des armées. La mort le prévint dans ce dessein; une chûte de cheval, suivie d'une petite fièvre, l'emporta le 16 mars de la même année, à 52 ans. Guillaume, usurpant le trône, conserva la place de Stathouder. Il se déplai

en

[ocr errors]

soit en Angleterre, où il essuyoit continuellement des dégoûts. On le força de renvoyer sa garde Hollandoise, et de congédier les régimens formés de réfugiés François, qu'il s'étoit attachés. Il passoit très-souvent à la Haye, pour se consoler des chagrins qu'on lui donnoit à Londres. On a dit, pour justifier ses fréquens voyages, qu'il n'étoit que stathouder en Angleterre, et qu'il étoit roi en Hollande. Les Ahglois cessèrent de l'aimer, dès qu'ils l'eurent pris pour maître. Ses manières ne prévenoient pas en sa faveur : elles étoient fières, austères rebutantes. Quoiqu'il sût toutes les langues de l'Eu¬ rope, il parloit peu et sans agrément. Sa dissimulation tenoit trop de la défiance. Toujours sombre et rêveur, il avoit plus de jugement que d'imagination. Malheureux à la tête des armées, il le fut autant sur le trône. Il y montra une grande inapplica tion beaucoup d'humeur et très-peu de capacité. Sa haine contre la France lui tint lieu de tous les talens. Elle le fit l'ame d'une puissante ligue, lui attacha tous les ennemis de Louis XIV, et lui donna tous les réfugiés pour panégyristes. Ses flatteurs, qui étoient presque tous des gens de lettres ou des gens qui croyoient l'être, le louèrent d'au tant plus mal-à-propos pour eux, qu'il ne montra jamais de goût pour les beaux arts, ni d'estima pour ceux qui les cultivoient. Elevé dans le bruit des armes, son oreille ne fut sensible qu'à l'harmonie des tambours et des trompettes. N'étant encore que Stathouder il se trouva, dit Duclos, à la représentation d'un opéra, dont le prologue étoit à sa louange. Qu'on me chasse ce

[ocr errors]
« PreviousContinue »