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HARVARD UNIVERSITY LIBRARY JAN 23 1963

944 C59

V.2

JOURNAL DE LA RÉGENCE

DE FEU MONSEIGNEUR

Le duc d'orLÉANS.

LE

1720.

- Le 3 de janvier, madame la marquise du Traisnel', fille de M. Leblanc, mourut de la petite vérole, âgée de vingt-deux ans.

2

- On fut ici étonné de la fausse démarche que l'abbé d'Entraigues avait faite peu de jours auparavant, par un vertigo inconcevable, chez le sieur Hop, ambassadeur de Hollande, en embrassant les erreurs du calvinisme, après quoi il prit la route de La Haye.

- Le 2o, les prisonniers du prieuré de Saint-Martin des Champs, au nombre de trente-huit, des deux sexes, se saisirent du geôlier, de ses clefs et de ses meilleurs effets, et se mirent en liberté pour s'exempter du pèlerinage du Mississipi, auquel ils avaient été la plupart condamnés.

On lit en marge: Faux, puisqu'elle est encore vivante en 1747.

L'abbé d'Entragues s'appelait Crémaux de son nom de famille; son père avait épousé une sœur de mère de la duchesse de La Vallière. « C'était un grand homme, très-bien fait, d'une pâleur singulière qu'il entretenait par des saignées qu'il appelait sa friandise, dormait les bras attachés en haut pour avoir de plus belles mains, et, quoique vêtu en abbé, mis si singulièrement qu'il se faisait regarder avec surprise. » (Saint-Simon, t. XXXIII, p. 249.)

T. II.

1

:

-Le 3, on publia une ordonnance du prévôt des marchands qui fixait la voiture d'une voie de bois ou d'autres marchandises, savoir à raison de 30 sols pour les quartiers voisins des ports et des chantiers; 40 sols pour le milieu de Paris; 3 livres pour les lieux voisins des portes de la ville, et 4 livres pour les faubourgs, jusqu'à ce qu'autrement il en fût ordonné, à peine contre les contrevenants de 100 livres d'amende, de confiscation des charrettes, des chevaux et des harnais, et de prison, pour réprimer l'abus et l'insolence des charretiers, qui exigeaient 6, 7, 8 et 10 livres pour une voie de bois, suivant les quartiers de Paris, sous prétexte de la grande cherté de l'avoine, qui se vendait 45 livres le septier, et du foin, qui se vendait 90 livres le cent de bottes.

Pour convaincre de la proximité de la conclusion de la paix entre la France et l'Espagne, plusieurs marchands de Paris recurent alors des lettres de leurs correspondants de Madrid, par lesquelles ils leur demandaient du ruban de toutes couleurs, des écharpes, des palatines, des éventails, des colliers de perles et autres ajustements pour les dames espagnoles.

- Le 13, il y eut une conférence chez M. l'évêque de Boulogne au sujet des actions qui se prenaient à la banque royale sur la Compagnie des Indes, où se trouvèrent plusieurs prélats et plusieurs célèbres docteurs en théologie, entre autres M. Le Gros, chanoine de l'église cathédrale de Reims, et le père Pouget, de l'Oratoire; lesquels condamnèrent tous non-seulement les actions comme elles se prenaient, mais aussi le commerce étonnant qui s'en faisait depuis huit mois à la rue Quincampoix et ailleurs entre des particuliers. Le P. Pouget désapprouva même la dissertation qu'il avait publiée peu de jours avant cette conférence, par laquelle il condamnait seulement le commerce qui se faisait au sujet des actions et tolérait la manière dont on les prenait à la banque; parce que sui

vant les canons, nullus potest fieri dives ex parvo lucro et parvo labore.

- Madame la duchesse du Maine, depuis son retour de Chalon-sur-Saône à sa maison de Sceaux, ayant déclaré à M. le duc d'Orléans toutes les personnes qui avaient eu part à l'affaire qui l'avait fait reléguer elle-même en Bourgogne, la disgrace augmenta à l'égard du cardinal de Polignac.

- M. le marquis de Pompadour, depuis son élargissement de la Bastille, fut confiné dans une de ses terres.

- M. de Malézieux fut resserré plus étroitement à la Bastille, ainsi que la demoiselle de Launay et la dame d'honneur de la duchesse du Maine, qui chargea surtout le cardinal de Polignac et M. de Malézieux; elle protesta aussi que M. le duc du Maine ignorait absolument cette négociation, mais qu'elle était certaine qu'il n'aurait pas été fàché si elle eût eu le succès dont on s'était flatté. Depuis cette déclaration, très-peu de personnes risquèrent d'aller à Sceaux rendre visite à cette princesse.

Le 17, M. le comte d'Argenson, fils de M. le garde des sceaux, fut reçu au Parlement en qualité de lieutenant général de police, conjointement avec M. Hérault, procureur général au grand conseil, la ville et les faubourgs devant être partagés en deux parties entre ces deux nouveaux magistrats, qui furent examinés au parquet sur leur capacité et sur leurs vie et moeurs '.

On apprit alors que l'infant don Philippe, second fils du roi d'Espagne, du premier lit, était mort à Madrid le 29 décembre 1719, d'un abcès à la tête, à l'âge de huit ans.

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Le 16, M. Law voulant entrer avec son carrosse

Il y a ici une erreur; ce ne fut pas M. d'Argenson qui fut reçu au Parlement le 17 janvier 1720 comme lieutenant de police, ce fut Albert de Mazières; quant à Hérault, il n'obtint cette charge qu'en 1725.

dans la grande cour du palais des Tuileries, comme il avait fait auparavant pour aller chez le Roi, un officier des gardes l'en empêcha, suivant l'ordre qu'il en avait reçu, ce qui l'obligea de mettre pied à terre à côté du corps de garde, et de traverser ainsi la cour, ce qui donna lieu à diverses conjectures.

- Le 16, on fit partir d'ici cinq cents ouvriers de tous métiers pour le Mississipi; la Compagnie des Indes leur avait fait des avances considérables pour les engager à aller s'établir dans ce nouveau monde.

L'abbé d'Entraigues, dont on a parlé, en passant à Lille, en Flandre, fut arrêté et enfermé dans la citadelle '. M. Law fut alors déclaré contrôleur général des finances.

Le 15, on publia un arrêt du conseil d'État qui prorogea le cours des espèces d'or et d'argent jusqu'au 1er de mars suivant, au rapport du sieur Law, conseiller du Roi en tous ses conseils, et contrôleur général des finances. M. le cardinal de Noailles ayant conféré une cure à un ecclésiastique d'un grand mérite, sans attendre la nomination des prêtres du séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet, et ayant été informé que ces missionnaires s'étaient là-dessus assemblés, l'un d'entre eux s'était émancipé jusqu'à dire avec chaleur : « Est-il possible que M. le cardinal de Noailles nous donne toujours des hérétiques dans les cures qui sont à notre nomination? » Son Eminence avait dit à ce propos : « Ne pouvons-nous pas bien nous passer de ces Sulpiciens en mettant des gens plus pacifiques à leur place 2? »

1 Il abjura le calvinisme dans cette prison; cette affaire n'eut pas de suite. Saint-Simon dit que l'abbé d'Entragues finit fort chrétiennement une vie fort peu chrétienne. (Voyez aussi Journal de Marais, juin 1720.)

* On lit en marge: Ceci paraît équivoque, car les prêtres de ce séminaire n'ont aucune cure à leur nomination.

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