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du peuple, qui fera toujours l'objet de ma vigilance & de ma plus vive follicitude. »

« J'espère qu'une confidération auffi majeure déterminera l'Aff:mblée à ne pas différer plus longtemps de décréter les fonds extraordinaires dont j'ai chargé le miniftre de la marine de lui faire la demande. »

Signé, LOUIS. Par le Roi, DE BERTRAND. M. Tarbé a représenté que les formes étant remplies, rien ne s'oppofoit plas à ce qu'on s'occupât fur-le-champ du fort des colonies. Quelques membres n'en ont pas moins demandé l'ordre du jour. Il a cependant été enjoint aux comités de faire leur rapport fur la lettre du Roi.

M. Quatremère en a fait un fur les pétitions des artiftes non-académiciens & des membres « de cette jurande royale connue fous le nom d'académie. La difcuffion de fes conclufions a été

ajournée à mercredi.

Alors le rapporteur des comités colonial & de marine a relu le projet de déciet, qu'on avoit dernièrement renvoye fous le prétex e, fi bien refuté par le Roi, du défaut de formalité dans la demande pour laquelle toute la France confternée exerçoit inconteftablement la plus manifefte initiative. Plufieurs membres n'ont pas hélité de couv:ir encore leurs nouvelles vues dilatoires, d'une p:erendue néceffité d'impreffion & de diftribution. L'un d'eux a dit que, fous l'extérieur séduisant de la bonne-foi, le miniftre de la guerre renouvelloit toujours les actes de perfidie: « Qu'on envoie du moins autant de gardes nationales que de troupes de ligne ».

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Par amendement, M. Merlin propofoit que Ja fomme für réimpofée, dans des temps plus

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heureux, fur les colonies: «Il eft indécent;
difoit-il, que le laboureur, le peuple qui ne
profitent en rien de ces dépenses exceffives, les
paient... Perfonne que les colons L'en reffentira
les avantages... C'est une cafte privilégiée, le
commerce, des hommes riches, dont l'efprit
commercial perdroit la patrie, fi on les écoutoit...
On veut faire des colonies un royaume à part
& l'on fait pourquoi... La métropole, me dit-on !
les colonies n'y tiennent pas du tout. Elles font
leurs loix... Et nous mangeons pour elles la
fubfiftance du laboureur, du pauvre peuple qui
-ne prend ni café, ni fucre. »

Tous ces traits civiques ont été vivement applaudis des galeries, & d'une foible partie de la falle. Quelques voix crioient à l'école, d'autres il faut être bien ignorant pour tenir de pareils propos, M. Tarbé a dédaigné de difcuter une opinion auffi extravagante. L'ex-capucin, M. Chabot, rappelloit M. Tarbé à l'ordre. On a pourtant, & le préfident lui-même, tenté, mais en vain, de mettre l'amendement de M. Merlin aux voix. Enfin la rédaction de M. la Croix a été décrétée en ces termes :

« L'Aflemblée nationale, après avoir entendu le rapport de fes comités des colonics & de ma rine, & délibérant fur la propofition du Roi portée en fa lettre du 14 novembre 1791, contre-fignée

par

le miniftre de la marine, décrète ce qui fuit: « L'Affemblée nationale accorde la fomme de 10,370,912 liv. demandée par le Roi pour les Lecours à porter à Saint-Domingue, & pour y rétablir l'ordre ; fur laquelle fomme qui fera fupportée par les fonds destinés aux dépenfes extraor dinaires, il fera mis fans délai à la disposition du miniftre de la marine, celle de 3,456,970 livg

14 fous 4 den., & le furplus au commencement de chaque mois, à raifon du douzième à partir du premier décembre prochain; de l'emploi de laquelle fomme le miniftre rendra compte à l'Affemblée nationale. »

Le comité chargé de faire une loi contre les prêtres, ayant travaillé jour & nuit, & ne pouvant convenir d'aucune base, fon rapporteur s'eft dit malade, & le fuppléant eft venu lire un projet que les membres du comité ont trouvé déteftable. Ce projet confpué attachoit tout traitement ou penfion à un certificat de ferment civique, livroit la police intérieure des églifes à l'arbitraire de municipaux (fouvent d'une autre religion); les autorifoit à condamner à des amendes du double des contributions, &c. Aux yeux des meneurs, le tort de ce projet étoit d'être trop foible. Il n'y a pas eu lieu à délibérer; mais M. Ifnard n'en a que plus librement déployé fon éloquence meurtrière. Nous allons rendre fes principaux moyens.

ce Plufieurs bons efprits, a-t-il dit, penfent qu'il ne peut y avoir de loi particulière contre les prêtres, & voici leur argument. Ou les prêtres ne font qu'héréfiarques, ou ils fout perturbateurs ; s'ils font feulement héréfiarques, vous ne pouvez pas faire de loi contre eux, parce que la liberté des opinions & des cultes eft une des loix fondamentales de l'état. S'ils font perturbateurs, la loi eft faite, maintenez-la. » Il a prouvé, felon lai, le vice de ce dilemme, en établiffant qu'un prêtre perturbateur eft beaucoup plus coupable qu'un autre, & en confidérant la religion comme l'inftrument de crime le plus dangereux; enfuite il a raisonné ainsi :

Quelle lor devez-vous porter? Il n'y a

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qu'une feute peine applicable à ce délit ; c'eft l'exil hors du royaume (les galeries ont violemment applaudi cette loi-peine).... Ce font des peftiférés qu'il faut renvoyer dans les lazarets de Rome & de l'Italie... Si vous les puniffez d'une autre manière, fi vous leur laiffez la faculté de prêcher, de meffer (grands éclats de rire), de confeffer, que vous ne pouvez leur ôter, d'après la liberté des cultes, ils vous feront plus de mal qu'ils n'en firent jamais... Le prêtre méchant eft le pire de tous les hommes. Mais, dira-t-on, il ne faut pas perfécuter les prêtres; punir n'est pas perfécuter... On ne fait des martyrs qu'en puniffant des hommes faints, ou des fanatiques de bonne-foi... Les ennemis de notre conftitution font des hypocrites avides... Ne craignez pas d'augmenter la force des émigrans... Le frêtre eft, en général, auffi lâche que vindicatif... Toute pacification eft déformais inutile... Le fanatifme ne peut vivre dans l'atmosphère de la liberté... Ce monftre eft déja blessé par la philofophie...... L'univers applaudira à votre triomphe... Les prêtres ont vendu le ciel au crime... Frappez avec rigueur fur cette claffe d'hommes... J'ai démontré la justice de cette mefure; je vais en démontrer la politique.»

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Une grande révolution s'eft opérée en France; elle n'eft pas terminée. La crife créatrice est finie ; la crife confervatrice va commencer. » Il a peint en Angleterre, dans les Pays-Bas, en Amérique, la liberté achetée par des flots de fang; a dit que so années de calamité avoient conduit les Anglois au fantôme de liberté dont ils fe glorifient. « Croyez-vous, s'eft-il écrié, que la révolution françoife, la plus étonnante qu'ait éclairé le foleil, révolution qui tout-à-coup arrache

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au defpotifme fon fceptre de fer, à l'ariftocratie fes verges, à la théocratie fes mines d'or ; qui détacine le chêne féodal, foudroie le cyprès parlementaire, renverse le pied-d'eftal de la nobletfe, défarme l'intolérance, déchire le fioc, étouffe la chicane, détruit la fifcalité; qui va peut-être forcer toutes les couronnes à fléchir devant ks loix, & verfer le bonheur dans le monde entier, s'opérera paifiblement (grands applaudif femens)? non, il faut un dénouement à la révolution françoife... Prévenez-en la marche avec courage avant que l'enthoufiafme foit refroidi. Si vous laissez à la mifère le temps d'appercevoir les haillons, vous ne ferez peut être plus les maîtres... Nous ne fommes déjà plus ce que nous étions dans la première année de la liberté. Les affaires particulières détachent les citoyens de l'intérêt public. - Provoquez des arrêts de mort. Frappez du glaive de la loi. -- Livrez des batailles.-- Ecrafez tout de vos victoires. -- C'est auf commencement d'une révolte que vous devez être trachans. HEUREUSEMENT LOUIS XVI N'A PAS EMPLOYÉ CES MOYENS (quel aveu ! ); nous ne ferions point ici, & la nation ploieroit encore fous le joug.

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Mais cette atrocité qu'il-appelle rigueur, forfait dans le defpotifme, éft juftice dans le véritable fouverain, le peuple: « Elle fera couler du fang, je le fais; mais fi vous ne la déployez pas, i! en coulera davantage... Vous feriez les premières victimes; vous vous trouveriez en butte à tous les coups... MON DIEU, c'est la loi; je n'en ai pas d'autre ; je n'en veux pas d'autre. » Et il chaffoit du royaume tous les prêtres non-affer-> mentés, fur la moindre plainte, & condamnoit

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