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berté & les effets affligeants pour lui-même, dont elle eft, finon la caufe, au moins T'occafion. Ceux qui ne croyent pas à la vertu auront quelque peine à concevoir que M. Chabanon, au moment où fa ruine, déjà commencée, eft achevée par le défaftre de Saint-Domingue, écrive à l'un de fes amis, ces propres paroles. Ceux qui accufent de ce malheur la Révolution, font des fous ou des hommes ftupides. Elle a pu y contribuer, mais la caufe véritable eft le féroce entêtement des Colons à vouloir changer les hommes en bêtes pour le fervice de leurs fucreries. Ces gens-là admettraient le procédé chimique qui changerait en or le fang humain. Ce qui enrichit l'Etat '& moi, diraient-ils, eft de toute juftice, & d'une politique fupérieure. Si la terre leur refte, ils tenteront encore d'y mettre des efclaves. Je doute que cela leur réuffiffe.

Ce peu de lignes fait voir qu'il n'eft pas vrai que tous les Colons fe reffemblent.

(C......)

SPECTACLE S.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

L'OPERA de Diane & Endymion fut donné, en 1784, affez pour être apprécié par les Amateurs, trop peu pour les fatisfaire. L'Auteur du Poëme (Mr. de Liroux a reconnu lui-même les défauts qui avaient alors empêché fon fuccès. Le principal était dans le troifieme Acte, pour lequel il n'avait pas ménagé une aflez grande partie de l'intérêt, & qui était écrasé par le fecond. Il a fait à fon Ouvrage des corrections heureufes. Ifménie, au fecond Acte, n'eft maintenant en quelque forte qu'agréée parmi les Nymphes de Diane qui la conduifent dans le Temple, & la féparent des Bergers & des Bergeres fes compagnes, dont elle reçoit les adieux. C'eft au troifieme Acte que Diane veut la forcer de prononcer le vœu de renoncer à l'Amour, qu'Ilménie s'évanouit au pied de l'Autel, & que l'Amour-vient la fauver en jetant l'effroi parmi les Nymphes & dans le cœur même de la Déeffe.

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M. de Liroux a lieu de fe féliciter de fes efforts pour rendre au Public l'une des plus agréables productions de M. Piccinni, l'une de celles cù il a femé le plus de mélodie, & dont il a le plus foigné,. non feulement les parties principales, mais tous les acceffoires. Remile au Théâtre avec ces changemens, le Jeudi 17 de ce mois elle a complétement réuffi.. On a paru fentir vivement le mérite des principaux morceaux de Mufique; & lenlemble du Spectacle Félégance & la forme antique des ecftumes, le nombre & la richeffe des Ballers, la beauté des décorations & des machines, tout a concouri au fuccès de ce charmant Ouvrage..

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Le rôle de Diane eft le plus beau, celu dont le ftyle eft le plus élevé, le plus noble. C'est une Déeffe faible & paffionnée mais c'est toujours une Déffe. L'Air de mouvement, non, rien ne peut briser ma: chaine, qu'elle chante à la fin du premier Acte; celui dont le chant doux, le mou vement modéré, l'accompagnement brillant & gracieux peignent, au commencement du fecond Acte, l'efpérance à laquelle fon cœur fe livre, la cavatine expreflive & pathétique du 3*., Je vais punir l'objet que j'aime, & fur-tout l'Air admirable quida fuit, ceffe d'agiter mon ame, Air plein d'agitation, de paffion, de feu, ont reçu les applaudiffemens les plus vifs & les plus

mérités. Mlle. Maillard a mis dans ces différens morceaux le mélange nécelfaire de nobleffe, de force & de fenfibilité. Le bel Air d'Ifménie, au premier Acte, Funefte Oracle, incertitude affreufe! & celui de bravoure qu'elle chante dans le dernier Divertiffement, font ajoutés, & parodiés de l'Italien, l'un de la premiere Olimpiade de M. Piccinni, l'autre de fon fecond Alexandre aux Indes; car il a compofé deux fois en Italie chacun de ces deux grands Opéras. Mad. Ponteuil a été fort applaudie dans ce rôle. Celui d'Endymion n'eft pas confidérable; mais les morceaux. qu'il chante font très-agréables, & dans le caractere qui convient. Ils font rendus aves. beaucoup d'expreffion par M. Rouffetu. L'entrée de l'Amour, au 3. Acte, la fymphonie qui l'annonce, la Gloire qui l'apporte, le cortège qui l'accompagne, l'Air qu'il chante, & la maniere piquante dont il eft rendu par Mademoifelle Gavaudan, forment une Scène magique, qu'on ne fe laffe point d'applaudir. Le Duo d'Endymion & d'Ifménie, celui de Diane & de l'Amour, l'excellent Trio entre les deux Amans & Diane, le Choeur des Nymphes,. reçois nos vœux, fœur d'Apollon, l'Ouverture, & la plupart des Airs de Danfe, ont une variété, une fraîcheur de style, une richeffe d'idées, muficales qui laillent à peine concevoir comment, dans fa nou

veauté, cet excellent Ouvrage, malgré fes défauts, n'eut pas le plus brillant fuccès. Dire. que les Ballets, qui font en trèsgrand nombre, font exécutés par MM. Veftris, Nivelon, Didelot , par Miles. Saulnier, Miller, Coulon, &c.; c'eft annoncer qu'ils réuniffent toute la perfection dont ce feul Théâtre en Europe donne depuis fi long-temps des modeles. Mais rien n'eft au deffus deMlle.Saulnier dans fon rôle de premiere Nymphe de Diane. La beauté de fes formes, la nobleffe & la fierté de fon air, de fes attitudes, la grace févere de fa démarche & de fes moindres mouvemens, font, ainfi que fon coftume, fidélement modelés fur l'Antique. Elle paraît prefque nue, & fon afpect repouffe toute idée de licence. Elle rappelle ces belles Spartiates, qui, fur les bords de l'Eurotas, n'étaient, felon l'expreffion de Rouffeau, couvertes que de l'honnêteté publique. On ne doit pas compter fur le même voile aux bords de la Seine, & fur-tout à l'Opéra ; mais on peut dire que Mlle. Saulnier, dans cet habit court, léger & tranfparent, eft vêtue de décence & de fierté.

Le foin avec lequel cet Opéra eft remis dans toutes fes parties, fait infiniment d'honneur aux Sujets aux Directeurs & à l'Adminiftration, qui ne négligent rien pour foutenir contre la difficulté des temps

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