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SECT. VI.

DIST. III.

peine, parce que la peinture eft une parole muette, auffi-bien que l'écriture. Et l'art. 77 de l'ordonnance de Moulins eft conçu en ces termes : « Dé» fendons très-expreffément à tous nos fujets d'écrire, imprimer & expofer » en vente aucuns livres, libelles ou écrits diffamatoires contre l'honneur » & la renommée des perfonnes, fous quelque prétexte & occafion que » ce foit. Déclarons ceux qui les auront écrits, les imprimeurs & vendeurs, perturbateurs du repos public; & comme tels, voulons être punis de » peines portées par nos édits. Enjoignons à nos fujets qui ont tels livres » écrits, de les brûler, fur pareilles peines ».

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Non-feulement l'auteur d'un libelle ou d'une chanfon diffamatoire, mais même ceux qui en ont fait & donné des copies, & qui l'ont chantée & divulguée, font puniffables. Par fentence de la fénéchauffée de Poitiers, les nominés Mingot mineur, Brochard & autres particuliers majeurs, dont l'un étoit cabaretier, furent condamnés à mettre un acte au greffe, & folidairement en 2000 liv. de dommages & intérêts, pour avoir composé, fait, donné copie, & divulgué une chanfon diffamatoire, & remplie d'o:dures & d'infamie contre la réputation d'un huiflier de Gangon, de sa femme & de fa fille. Sur l'appel porté à la tournelle criminelle, M. Gilbert, avocat général, dit que la févérité de fon miniftere ne lui. permettoit pas de prendre d'autres conclufions que la confirmation pure & fimple de la fentence; & par arrêt du mercredi 23 mai 1742, la cour a mis l'appellation au néant avec dépens, & néanmoins a réduit les 2000 liv. de dommages & intérêts à 400 liv., plaidans M. d'Outremont pour Mingor, feul comparant, M. Clément pour les intimés.

Par un précédent arrêt du 23 janvier 1737, rapporté dans le recueil des arrêts imprimé en 1743, la cour évoquant le principal, & y faifant droit, a fait défenfes aux accufés de récidiver, fous peine de punition corporelle; les a condamnés en so liv. de dommages & intérêts, & aux dépens; le mémoire diftribué de leur part, fupprimé; permis de publier & afficher l'arrêt. M. Gilbert, avocat-général, qui porta la parole, avoit conclu à ce que la procédure criminelle fût continuée.

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1. Ces fortes d'injures fe commettent en frappant, battant & excédant autrui.

2. Elles fe poursuivent pardevant le Juge du lieu du délit par la voie de fa plainte, informations, rapport de médecins & chirurgiens, &c.

3. Quant à la punition, cela dépend des circonstances. Si les coups ont été donnés, & les bleffures faites dans la chaleur d'une rixe ou querelle, & que la mort du bleffé ne s'en foit pas fuivie dans les quarante jours, la peine fe réduit ordinairement à des dommages & intérêts plus ou moins forts, fuivant les circonftances: quelquefois la qualité des perfonnes, ou ie lieu, pourroient faire prononcer des peines afflictives. Voyez ci-après dift.5, nombre 10. Voyez l'art. 34 de l'ordonnance de Moulins de 1566,

au fujet des excès commis envers les officiers de juftice faifant leurs fonctions.

DIST. I.

4. Si les bleffures avoient été faites de guet-à-pens & de fang-froid, SECT. VIL par maniere d'affaffinat, ou fi le bleffé en étoit mort, elles feroient punies de peine capitale. Voyez ci-après, fection 7, dift. 6.

L'on a déjà obfervé ci-devant, dift. 1, nombre 11, que nul ne peut faire injure à autrui, qu'il n'ait deffein de la faire. Ainfi fi quelqu'un en fe jouant en a bleffé un autre, il n'eft pas tenu par action d'injures envers celui qui a bleffé, leg. 3, §. 3, ff. de injur. Il en eft de même de celui qui a frappé l'un, croyant que ce fût une autre perfonne, dict. leg. 3, §. ult. Ainfi celui qui voulant frapper quelqu'un, en a frappé un autre qui étoit proche de celui qu'il vouloit frapper, n'eft pas tenu d'action d'injures envers celui qu'il a frappé, fuivant la loi 4, ff.eod. Mais parmi nous, dans tous ces cas, il feroit dû des dommages & intérêts felon les circonftances. SECTION SEPTIEME.

Du meurtre ou homicide.

Le meurtre ou homicide en général, eft toute action qui caufe la mort d'autrui.

Il y a homicide licite & permis fans punition, & fans qu'il foit befoin de remiffion ni de grace & pardon; & l'homicide illicite. L'homicide illicite eft cafuel ou néceffaire, ou commis par imprudence, ou volontaire : celui-ci fe commet, ou dans la chaleur d'une rixe, & dans le premier monvement de la colere, & s'appelle homicide fimple; ou il fe commet de guetà pens, & de deffein prémédité ou par des affaffins.

L'on va difcuter tous ces points fous différentes diftinctions.

DISTINCTION PREMIER 1.

De l'homicide licite & permis fans punition, & fans qu'il feit besoin de lettres de rémiffion, ni de grace & pardon.

1. Il y a certain cas où l'homicide eft permis fans punition, ni qu'il foit besoin de lettres de rémission, ni de grace & pardon: comme ceux qui tuent les ennemis en guerre ouverte fous la conduite d'un commandant pour leur fouverain; le capitaine qui tue le foldat reconnu pour traitre, ou qui refuse d'obéir aux commandemens, ou qui met fans ordre la main aux armes fous le drapeau, ou qui s'endort en fentinelle, & en lieu de péril éminent, arg. leg. 3, §. fin. Cornel. de ficar. & leg. 7 ff. de re milit. Au refte, voyez à ce fujet le code militaire.

2. Il en eft de même de l'homicide commis, quoique hors guerre, ni contre l'ennemi de l'Etat, par le commandement public & exprès du fouverain. Les canoniftes en ce cas ont décidé qu'il n'y avoit point d'offenfe devant Dieu; parce que celui qui commer un tel homicide, ne le fait point par aucun defir de répandre le fang humain, ni de vengeance particuliere, mais pour obéir à la foi, & l'exécuter en ce qu'il peut, pour l'utilité publique ; de forte qu'il n'eft pas plus coupable que le Juge qui condamne un accufé à mort felon les loix & ordonnances du royaume.

SECT VII,
DIST. II.

DEUXIE ME.

DISTINCTION

De l'homicide cafuel,

L'homicide cafuel eft celui qui fe commet par un pur accident & pat cas fortuit, fans aucune faute, ni imprudence, ni volonté de nuire, directe ni indirecte; n'y ayant de volonté dans un tel homicide, ni en foi, ni dans fa caufe, il n'y a nul délit ni devant Dieu, ni devant les hommes, fuit que l'homicide foit arrivé à l'occafion d'un ouvrage licite ou illicite, pourvu qu'on ait pris toutes les précautions que la prudence peut exiger pour ne pas caufer d'homicide, & que l'ouvrage n'ait pas été spécialement & expreffément défendu, à cause du péril de l'homicide. En voici deux exemples.

Premierement, fi un chaffeur, en tirant fur une bête fauve, tuoit un homme qui fe feroit trouvé au delà, & qu'il n'auroit pas apperçu, en ce cas il n'y auroit aucune faute ni délit. Un eccléfiaftique même n'encour roit pas l'irrégularité pour raifon d'un tel homicide, cap. 13, 14, 15, 16, extr. de homicid. Covarruvias, tome 2, part. 2, S. 4, num. 10, & Zoëzius fur les décrétales, lib. 5, tit. de homicidio, num. 67.

Secondement, fi en coupant des branches d'un arbre en pleine campagne, une branche tombe fur un paffant & le tue ou le bleffe, & que dans cet endroit il n'y eût ni chemin public ni particulier, celui qui coupoit les branches n'a commis aucun délit, & n'eft point refponfable du dommage fait au paffant tué ou bleffé, quoiqu'il n'ait pas crié de prendre garde; c'eft la décision de la loi fi putaior. 31, ff. ad leg. Aquil. de ficar. cùm divinare non potuerit an per eum locum aliquis tranfiturus fit, dict. leg. 31; mais il en feroit tenu, fi ayant apperçu le paffant deffous l'arbre, il n'avoit pas laiffé de faire tomber la branche, dict. leg. 31, ou s'il y avoit là un chemin public ou particulier, & qu'il n'eût pas crié qu'on prit garde, dict. leg. 31, ou qu'il eût crié qu'on prêt garde, mais dans un tems qu'on ne pouvoit pas éviter le danger, dict. leg. 31.

Il peut à ce fujet naître un doute raifonnable, qui eft de favoir si pour raifon d'un tel homicide purement cafuel, fans faute, fans imprudence, & fans volonté directe ni indirecte, l'on eft obligé d'obtenir des lettres de rémiflion ou pardon.

D'un côté il femble que l'art. 2 du tit. 16 de l'ordonnance de 1670 préfuppofe que les lettres de rémiffion font néceflaires en ce cas, puifqu'il porte que les lettres de rémiffion feront accordées pour les homicides involontaires feulement, ou dans la néceffité d'une légitime défenfe de la vie; & que par la déclaration du Roi du 22 novembre 1683, il eft dit que ces fortes de lettres de rémiffion peuvent être obtenues aux chancelleries près les cours.

On peut dire d'u nautre côté, que là où il n'y a ni faute ni délit, il n'eft pas befoin de rémiffion ou pardon; & il eft à préfumer que l'ordonnance doit s'entendre de l'homicide cafuel & involontaire; mais causé par quelque faute ou imprudence; car dans l'efpece dont il s'agit ici, n'y

ayanı

ayant pas lieu d'affeoir aucuns dommages & intérêts, ni aucune peine
pécuniaire ni corporelle à prononcer, les lettres de rémiflion paroiffent SECT. VIL
fuperflues.
DIST. IIL

Mais enfin l'ufage conftant eft qu'il faut toujours des lettres de ré-
miffion, foit pour l'homicide cafuel, foit pour l'homicide volontaire
même pour l'homicide néceffaire, dont il va être traité.

Au refte, pour qu'un homicide foit purement cafuel, & fans aucune efpece de faute ni délit, il faut bien confidérer toutes les circonstances; car la moindre & la plus légere imprudence qui fe rencontreroit, donneroit lieu aux dommages & intérêts.

DISTINCTION TROISIÈM I.

De l'homicide néceffaire.

1. L'homicide néceffaire eft celui que l'on commet pour la défenfe de fes biens, de fa vie, ou des fiens.

Suivant le droit, le mari qui a tué fa femme furprise en adultere, n'est pas puni de mort, leg 1, §. ult. ad leg. Cornel. de ficar. leg. fi adulterium 38, §. imperator 8; ff. ad leg. Jul. de adulter.

Et le

pere qui, furprenant fa fille en flagrant adultere dans fa maison ou celle de fon gendre, les a tués tous deux, eft exempt de punition, teg. pairi 20 & feq. ff. eod, ad leg. Jul. de adulter,

Quoiqu'audic cas le mari en foit puni, mais non pas de mort, comme on l'a die, fuivant la loi 22, §. ult. cod. le pere n'avoit pas ce pouvoir, s'il avoit trouvé fa fille ailleurs, leg. quod ait 23, §. quare 2, eod. & pour demeurer impuni, il falloit qu'il tuât tous les deux en même tems, dict. leg. 23, §. ult. leg. nihil. intereft 32, cod.

Mais en France, dans ce cas, le pere, de même que le mari, feroient punis de mort, s'ils n'obtenoient des lettres de grace.

l'homicide néceffaire.

left auffi décidé par les loix, que ceux qui ont tué des voleurs pris de Différentes nuit dans les champs à deffein de piller, ou des voleurs qui dreffent des efpeces de embuches aux paflans en plein chemin, ou qui de nuit efcaladent les maisons, y entrent, ou font fracture des portes, ou en levent le feuil à deffein de voler, ou qui de jour fe défendent, ne font point punis: il

Aquiz

leur est même expreflément
quando liceat unicuique fine judice fe vindicare. Melius enim eft occurrere in

permis de ce faire, leg. itaque 4, ff. ad leg.
leg. furem nocturnum 9 ff. ad leg. Cornet de ficar. & teg. 1, cod.

tempore

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quàm poft exitum vindicare, dict. leg. x, & leg 5, cod. ad leg.

Cornetiam de ficar. Adversùs periculum naturalis ratio permittit fe deffendere; eaque fi latronem infidiantem mihi,

itaque

videt

occidero, fecurus ero, dict. leg. f. ad leg. Aquiliam. Defenfor propria falutis in nullo peccaffe leg. 3, cod. ad leg. Cornel. de ficar. Nocturnum furem quoquomodo

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.

inurficere licet; diurnum verò fi fe deffenderit, dict. §. 1, leg. itaque 4,

Mais fuivant ces mêmes loix, pour rendre un tel homicide impuni

1. Partie,

L

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SECT. VIL
DIST. III.

1o. Il faut qu'il foit fait pour la défense de foi ou de fon bien; autretrement s'il n'y avoit point d'attentat, il ne feroit point permis de tuer un homme, quoique latron ou voleur, ni même s'il fort du lieu où il est entré fans force ni violence, & fans emporter aucune chofe, dict. leg. furem 9.Il faut que quand le larron ou voleur eft découvert, le maître aie crié au larron, ou au voleur, parce que cela efface tout foupçon d'un homicide clandeftin ou de guet-à-pens, dict. leg. itaque 4, 3°. Il faut que le maître, ni aucun des témoins qu'il a appellés à fon aide, ne connoiffent le larron, parce que s'il eft reconnu en préfence de témoins, on doit le faire conftituer prifonnier & le pourfuivre en juftice; à moins qu'il ne. fût tellement armné, fort & accompagné, qu'il fût impoffible de réfifter à ses efforts, dict. leg. furem, & Bartole, in dict. leg. 4o. Il faut justifier qu'on ne l'a pas pu prendre & arrêter, leg. fed & fis, ad leg. Aquil.

Il eft encore permis au maître de tuer le voleur inconnu, qui en plein jour entre dans fa maifon avec armes offenfives, dans l'intention d'emporter fes biens par force, fi le maître ne peut autrement fans péril de fa vie & de fes biens, chaffer le voleur hors de fa maifon, dict. leg. itaque 4, dift. leg. fed & ft 5.

La raifon qui a porté les empereurs & les jurifconfultes à permettre l'homicide du voleur nocturne, eft que l'on ne fait s'il eft venu feulement pour dérober, ou pour affaffiner; ce qui cependant fe reconnoît, fi lorfqu'on crie au voleur ou à l'aide, le larron prend la fuite; auquel cas paroiffant qu'il n'avoit qu'intention de dérober, on ne le doit pas pourfuivre pour le tuer. Mais fi après tel cri il demeure ferme, il eft à préfumer qu'il a conçu le meurtre dans fon ame; & alors, quoiqu'il ne fe mette, pas encore en devoir d'affaillir, & qu'il n'ait pas mis la main aux armes, il est permis de le tuer, fuivant lad. loi furem 9, & les autres loix citées..

Les loix avertiffent auffi qu'il ne faut pas en venir à tuer un larron qui. dérobe des chofes de peu d'importance, comme des poires, pommes, noix, raisins, &c. & que pour fi peu de chofe la vie d'un homme ne lui doit pas être ravie. Hac enim minima non funt in confideratione, arg. kg. fcio, ff. de integr. reftit. & leg, omnino; ff. de impenf. in reb, dotal. fact,

En France, les loix romaines avec ces fages tempéramens devroient. être fuivies ; cependant, comme on l'a déjà dit, l'ufage eft d'obtenir des lettres de rémiffion aux chancelleries près les cours. Voyez ci-après nomb. 4, in fin.

3. Suivant la difpofition du droit romain, il étoit permis de tuer une perfonne qui vouloit attenter par force à notre honneur ou chafteté, ou des nôtres, leg. 1, §. penult. ad leg. Cornel. de ficar.

Mais, fuivant nos moeurs, dans le cas de l'homicide de celui qui a voulu attenter par force à l'honneur ou chafteté, il faut avoir des lettres de rémiffion que l'on peut prendre aux chancelleries près les cours, puifqu'il s'y agit d'une légitime défense ; & en cas d'homicide de celui de qui on auroit reçu une infulte, comme un foufflet, un coup de bâton, il faudroit des lettres de grace du grand fceau; autrement l'on feroit condamné comme meurtrier, parce qu'alors l'homicide eft volontaire, & excede une légitime défense; avec d'autant plus de raifon, que l'édit du mois

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