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LETTRES-PATENTES

DU ROI,

Portant établissemene d'une commiffion à Reims, pour juger les contrebandiers; faux-fauniers & autres.

LOUIS,

Données à Fontainebleau le 21 novembre 1763.

Regiftrées en la cour des aides.

OUIS, par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre à nos amés & féaux confeillers les gens tenant notre cour des aides à Paris SALUT. La multiplicité des contrebandes qui fe font fur les frontieres de notre royaume, nous a paru un objet d'autant plus digne de notre attention, que non feulement les fermiers de nos droits, mais encore les fabriquans & commerçans en fouffrent un préjudice confidérable, Nous avons été informés d'ailleurs que la vie errante & vagabonde, à laquelle plufieurs habitans des frontieres font invités par l'attrait de la fraude, leur fit coniracter fort fouvent la malheureuse habitude du crime & de la violence. C'est à quoi nous avons voulu pourvoir, en prononçant contre les contrebandiers les peines les plus féveres. Cependant les excès commis depuis quelques années nous ont fait recourir à des remedes extraordinaires; & parmi les différens moyens qui nous ont été propofés, nous avons adopté, par préférence, celui qui a été employé plufieurs fois en femblables occafions, par les Rois nos prédéceffeurs, comme le plus propre à remplir la double vue que nous nous propofons de réunir dans un feul & même tribunal, un grand nombre de procès connexés entre eux, & d'y faire juger définitivement & fans appel ceux qui, par leur nature & fuivans les loix de notre royaume, feroient fufceptibles d'être jugé prévôtalement. En conféquence, après avoir déja établi, par nos lettres. patentes données à Verfailles le 23 août 1764, une commiffion à Saumur, composée de commiffaires choifis dans notre cour des aides de Paris, à l'effet d'y juger lefdits faux fauniers & contrebandiers faifant la fraude à force ouverte, ou autres fpécifiés dans nofdites lettres, dans l'étendue des généralités de Tours, Bourges, Moulins & Poitiers: nous nous fommes auffi déterminés d'en établir une femblable dans la ville de Reims, & de la compofer de commiffaires choifis dans nos cours des aides de Paris & de Metz, dans le reffort defquelles font fituées les provinces pour lesquelles nous établiffons ladite commiffion : A CES CAUSES, & autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre confeil, & de notre cerraine fcience, pleine puiffance & autorité royale, nous avons ordonné, & par ces préfentes fignées de notre main, ordonnons ce qui fuit:

ARTICLE PREMIER.

Nous avons établi & établissons une commiffion dans la ville de Reims, pour inftruire & juger le procès des contrebandiers & faux-fauniers, des commis, gardes & employés de nos fermes, infidéles ou prévaricateurs, & des complices des uns & des autres, dans tous les cas qui feront énoncés par ces préfentes; & ce dans l'étendue des généralités du Soiffonnois, de la Picardie, de la Champagne & des trois évêchés.

II. Ladite commiffion fera compofée de trois officiers, dont deux de notre cour des aides de Paris, & un de notre parlement & cour des aides de Metz, que nous nommerons chacun en particulier, par des lettres expédiées en notre grande chancellerie, lefquelles feront enregistrées en nofdites cours des aides; d'un substitut de notre procureur général en l'une de nofdites cours des aides, que nous nommerons pareillement par des lettres expédiées en notre grande chancellerie : & d'un greffier, qui fera pareilment par nous nommé; & prêtera ferment en ladite commission.

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III. Lefdits officiers commiffaires auront rang entr'eux à ladite commiffion, fuivan leur rang de préfident & de confeillers, & la date de leur réception dans leur compagnie. Le cas arrivant de vacance d'une defdites trois places, il fera par nous fubftitué dans ladite commission, un officier de la même cour dont étoit celui qui aura occafionné la vacance.

IV. Le fubftitut de notre procureur général de ladite commiffion, fera par nous nomme & choifi alternativement parmi les fubftituts de nos procureurs généraux desdites deux cours.

V. Voulons que lefdits commiffaires connoiffent de tous les faits d'introduction de marchandise de contrebande, faux fel, faux tabac, & de tous les attroupemens, violences, rebellions, féditions occafionnées par lefdires contrebandes.

VI. Ladite commission connoîtra, en dernier reffort, des accufations de contrebande formées contre des vagabonds, gens fans aveu, ou qui auront été ci-devant condamnés à peines corporelles, banniffement ou amende honorable.

VII. Elle connoîtra pareillemeut en dernier reffort, des contrebandes avec attroupement & violence publique, accompagnées de meurtres, excès, féditions & émotions populaires, foit que les accufés foient de la qualité portée dans l'article 6, foit qu'ils n'en foient pas; à l'exception néanmoins de ceux qui feront défignés ci-après. Et feront réputés lefdits contrebandiers être dans le cas de l'attroupement, s'ils ont commis la contrebande au nombre de trois ou au deffus, avec armes, fans titre ni permission, ou de cinq hommes & au-deffus, même fans armes. Seront pareillement réputés être dans le cas de la violence publique, quand ils feroient en moindre nombre, s'ils ont attaqué les employés, commis & gardes des fermes, ainfi que dans le cas de forcement de poftes, de recouffes de prifonniers & de reprifes violentes, fpoliation & enlevement de ma chandifes, faux fel & faux tabac faifis par les employés.

VIII. Les receleurs & complices des contrebandiers, dont le procès fera jugé en dernier reffort par ladite commiffion, y feront pareillement jugés en dernier reffort.

IX. Les accufations principales, intentées par le miniftere public ou par les fermiers de nos droits, contre les employés, commis & gardes de nos fermes, pour avoir diftrait à leur profit, & volé en tout ou en partie le faux fel & le faux tabac & autres marchandifes de contrebande, faifies par eux ou par d'autres ; avoir entretenu des intelligences avec les fraudeurs; avoir favorifé, en quelque maniere que ce foit leur paffage ou leur commerce; avoir fait eux-mêmes la contrebande de faux fel, de faux tabac & autres marchandifes prohibées, feront inftruites & jugées par ladite commiffion en dernier reffort.

X. Les employés, commis & gardes de nos fermes, accufés d'avoir fait ou foufcrit des procès verbaux faux & calomnieux, dans les affaires qui doivent être jugées en dernier reffort par ladite commiffion, ou d'avoir rendu, dans les mêmes affaires, ou faux témoignage, lors des informations, récolement & confrontation, y feront pareillement pourfuivis & jugés en dernier reffort.

XI. Connoîtra en outre ladite commiffion, en dernier reffort, de l'exécution des jugemens par elle rendus en dernier reffort.

XII. Les eccléfiaftiques & gentilshommes, officiers fervant dans nos troupes, & qui font dans le cas de l'édit de la nobleffe militaire du mois de novembre 1750, officiers chargé de rendre la juftice en notre nom, & autres perfonnes qui jouiffent du privilége de la nobleffe, ne pourront être jugés par ladite commiffion en dernier reffort, encore qu'ils foient accufès des cas portés par les articles 7, 8, 9, 10 & 11 ci-deffus : mais s'ils en font accufés, ladite commiffion inftruira le procès fuivant les regles ordinaires de la procédure, jufqu'à jugement définitif; & en cet état, elle fera tenue de les envoyer, avec tous les accufés, en celle de nos deux dites cours des aides, dans le reffort de laquelle le délit aura été commis, pour être prononcé par ladite cour définitivement & en dernier reffort, à l'égard des accufés.

XIII. Les commiffaires par nous nommés, ne pourront juger définitivement, qu'en appellant avec eux des gradués, au nombre requis par les ordonnances.

XIV. Dans les cas où les circonstances du procès feront connoître qu'il eft de nature à être jugé en dernier reffort, en conféquence des articles 6, 7, 8, 9, 10 & 11 les commiffaires ordonneront qu'il fera fubi par les accufés un interrogatoire, dans IV. Partie... Fffff

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lequel on leur déclarera qu'ils vont être jugés en dernier reffort & fans appel.

XV. Pourront les commiffaires par nous nommés, fubdéléguer tels gradués qu'ils jugeront à propos, pour faire l'inftruction des procès criminels dont nous attribuons a connoiffance à ladite commiflion, rendre tel jugement qu'ils croiront néceffaire pour ladite inftruction, à l'exception du réglement à l'extraordinaire; & ce, jusqu'à jugement définitif exclufivement.

XVI. Il fera auffi commis par le fubftitut de notre procureur général en ladite com miffion, tel gradué qu'il jugera à propos; lequel, avant que de faire lefdites fonctions, fera tenu de prêter ferment devant le Juge de la fubdélégation, s'il n'a pas d'ailleurs ferment en justice. Après l'inftruction faite, elle fera renvoyée en la commiffion, pour y être l'accufation jugée définitivement.

XVII. Lorfqu'il y aura lieu de régler à l'extraordinaire la procédure faite par lefdits fubdélégués, des copies de ladite procédure feront par eux envoyées aux commiffaires par nous nommés; lefquels commiffa res pourront prononcer ledit jugement à l'extraordinaire, fur le vu defdites pieces, fans interroger eux-mêmes les

accufés.

XVIII. Lefdits fubdélégués ayant fait l'inftruction, pourront être du nombre des gradués appellés par nos commiffaires pour juger définitivement.

XIX. Ladite commiffion fera régie, pour la difcipline intérieure, fuivant les réglemens & ufages de nos cours des aides; lefdits commiffaires fe conformeront au furplus, aux édits, déclarations & lettres - patentes enregistrées en nofdites cours des aides, & arrêts & réglemens d'icelles. Et feront par eux réputés récidiveurs, & jugés comme tels, les contrebandiers qui auront déja été mulêtés de peines afflictives, infamantes ou pécuniaires, pour des faits de même nature, dans les cas portés par nos ordonnances.

XX. Lors de la ceffation de ladite commiffion, les minutes des jugemens & de toutes les procédures, feront portées au greffe de nos cours des aides, chacune pour ce qui pourra concerner leur reffort. Si vous mandons que ces préfentes vous ayez à faire lire, publier & enregistrer, & le contenu en icelles garder, obferver & exécuter felon leur forme & teneur, nonobftant toutes chofes à ce contraires; car tel eft notre plaifir. Donné à Fontainebleau le vingt-unieme jour de novembre, l'an de grace mil fept cent foixante cinq, & de notre regne le cinquante-unieme. Signé, LOUIS, Et plus bas, par le Roi. Signé, PHELYPEAUX. Vu au confeil, DE L'AVERDY. Et fcellé du grand fceau de cire jaune.

Regiftrées, oui, ce requérant le procureur général du Roi, pour être exécutées felon leur forme & teneur; à la charge que les articles 2, 4 & 16 ne pourront préjudicier aucunement aux droits appartenans au procureur général du Roi, fuivant la déclaration du Roi du 22 Septembre 1663, reg ftrée en la cour le premier décembre fuivant ; & fans que des articles 15 & 16 on puiffe en inférer, que les officiers des élections, greniers à fel, traites foraines & autres jurifdictions reffortiffantes en la cour, qui ne feroient pas gradués, ne pourroient être choifi pour être fubdélégues ou fubftituts du procureur général du Roi dans les fubdélégations qui feront établies par ladite commiffion; lefquels officiers pourront être nommés par les commiffaires ou le procureur général, chacun en ce qui les concerne, que le fubftitut près ladite commiffion fera tenu d'entretenir une correfpondance exacte avec le procureur général du Roi de la cour, fur les opérations de la commiffion, en ce qui concerne les conteftations nées & à naitre pour délits commis dans l'étendue du reffort de la cour, pour, par le procureur général d'icelle, être en état de rendre compte à la cour quand elle le jugera à propos: que le greffier fera pareillement tenu d'envoyer au procureur général du Roi de la cour, tous les fix mois, un extrait du registre du dépôt de ladite commiffion, figné de lui, dans lequel il fera tenu férer en entier la copie des jugemens rendus en exécution de l'article 14 defdites lettres, pour ce qui aura trait aux conteflations élevées pour délits commis dans l'étendue du reffort de la cour, airfi que de la prononciation d'iceux en la forme preferite par ledit article: que dans tous les cas où le fubftitut du procureur général du Roi près ladite commiffion aura rendu plainte en conféquence d'un procès-verbal déposé au greffe, le fermier général fera civilement refponfable des faits de fes commis, encore qu'il ne foit pas partie civile: que les commiffaires

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de la cour ne pourront accepter aucune commiffion concernant la jurifdiction de la cour ou des tribunaux y reffortiffans, que par lettres-patentes duement enregistrées en la cour, les chambres affemblées que lesdits commiffaires de la cour feront tenus de veiller dans leur reffort,, tout ce qui concerne l'administration de la justice par les officiers reffortiffans en la cour; à l'exactitude & à la liberté avec laquelle ils rempliffent leurs fonctions, circonftances & dépendances; & de prendre connoiffance des abus qui peuvent fe commettre dans la perception des impôts, pour en rendre compte à la cour: enfin, que Sa Majesté fera très-humblement Suppliée de confidérer que les moyens extraordinaires auxquels elle eft obligée de recourir, ne font devenus néceffaires que par la multipli.ité des fraudes; mais que cet abus a fa caufe immédiate dans l'excès des droits fur le fel & fur le tabac : que l'attrait de la contrabande eft tel, , que les loix les plus terribles & l'administration la plus rigoureufe n'y ont point apporté &n'y apporteront jamais un obftacle fuffifant, tant que cette caufe fubfifters: que l'impôt connu fous le nom de grande gabelle, reunit aux inconvéniens de tous les droits exceffifs fur les confommations, celui d'être accompagné de contrainte, & de porter fur une denrée de la premiere néceffité, dont l'ufage falutaire pour les befliaux, & utile à beaucoup d'égards pour l'agriculture, ne peut plus y être employé par les fujets de Sa Majesté : que la cour, en marquant fa foumiffion aux ordres du Roi, par l'enregistrement des lettres-parents, n'en regarde l'effet que comme momentané, & qu'elle attend des bontés dudit Seigneur Roi, des moyens plus efficaces & moins violens pour arrêter la fraude, affurer la perception de fes revenus & rétablir dans fon intégrité la jurifdiction de la cour & des tribunaux y reffortiffans. Ordonne que copies collationnées defdites lettres patentes, enfemble du préfent arrét, feront envoyées ès fièges des élections, greniers à fel & Juges des traites des généralités du Soiffonnois, de la Picardie & de la Champagne, reffortiffans en la cour, pour y étre lues, publiées & registrées, l'audience tenant. Enjoint aux fubftituts du procureur général du Roi èfdits fiéges, d'y tenir la main, & de certifier la cour de leurs diligences au mois. Fait en la cour des aides de Paris les chambres affemblées, le huit janvier mil fept cent foixante-fix. Collationné. Signé OUTREQUIN.

ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT DU ROI,

Concernant les vagabonds & gens fans aveu.

Du 21 octobre 1767.

Extrait des regiftres du confeil d'état.

LE Roi étant informé que fa déclaration du 3 août 1764, concernant les vagabonds

& gens fans aveu, n'eft pas exécutée completement & avec l'exactitude que fon utilité exigeroit, fous le prétexte que dans la plupart des provinces, les hôpitaux ne font pas fuffifamment rentés, & qu'ils n'ont pas de lieux de force affez fûrs pour recevoir ceux des vagabonds qui, aux termes de la loi, doivent être condamnés à y être renfermés: ouï le rapport du fieur Del'Averdy, confeiller ordinaire, & au confeil royal, contrôleur général des finances; le Roi étant en fon confeil, a ordonné & ordonne:

ARTICLE PREMIER.

Que la déclaration concernant les vagabonds & gens fans aveu, du 3 août 1764

fera exécutée.

II. Qu'en conféquence il fera préparé & établi, dans les différentes généralités du royaume, des maifons fuffifamment fermées pour y retenir les vagabonds & gens fans aveu qui, conformément à ladite déclaration, seront condamnés à y être renfermés,

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III. Que ceux qui feront détenus dans lefdites maifons, feront nourris, & entretenus aux frais de Sa Majefté, ainfi qu'il eft prefcrit par l'article 8 de ladite déclaration; & ce fuivant les ordres particuliers qui feront donnés à ce fujet aux intendans & commiffaires départis.

IV. Qu'il fera établi dans chacune defdites maifons un concierge, qui tiendra un regiftre en forme, contenant les noms & furnoms de ceux qui auront été conduits dans lefdites maifons, & un bref extrait des jugemens qui les ont condamnés, lequel fera tenu de donner un reçu de leur perfonne aux officiers ou cavaliers de maréchauffée qui les y conduiront.

V. Qui fera arrêté au confeil un état des châteaux, maifons & autres lieux qui feront deftinés à retenir ceux qui auront été condamnés à la peine d'y étre renfermés, duquel état il fera envoyé un extrait à chacun des commiflaires départis, & aux prévôts généraux des maréchauffées. Enjoint Sa Majefté aux intendans & commiffaires départis, de tenir la main à l'exécution du préfent arrêt. Fait au confeil d'état du Roi, Sa Majefté y étant, tenu à Fontainebleau le vingt-un octobre mil fept cent foixante-fept. Signé, PHILIPEAUX.

FIN

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