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Eue par un tel qu'il nomme, qui avoit été décrété & arrêté fur cette déclaration; mais fi ce bleffé avoit déchargé l'accufé en mourant, cette déclaration feroit difparoître & évanouir tous les indices qui feroient contre l'accufé, & fur lefquels il auroit pu être condamné à la queftion; mais la confeflion de l'accufé, quoique faite hors jugement, ou devant un autre Juge que celui du délit, & depuis dénié par l'accufé devant fon véritable Juge feroit fuffifante, pour peu qu'elle fût aidée, pour faire condamner cet accufé à la queftion provifoire ou interlocutoire; mais outre cette condition, il faut toujours, pour donner la queftion, que conflet de corpore delicti, & que le Crime qui forme l'accufation mérite la mort: deux conditions effentielles pour laqueftion provifoire.

Une dépofition de vifu, jointe à quelques indices, pourroit donner lieu à ordonner la queftion; mais de fimples préfomptions, foupçons, conjectures & autres indices de cette nature, ne pourroient pas produire cet effet. Au milieu de tout cela, la réfolution de la difficulté que nous agitons, dépend beaucoup de tout ce qui peut fe trouver dans le procès, & des cir conftances qui peuvent s'y rencontrer.

Voilà les principes généraux & les raifonnemens qu'on peut faire pour faire entendre qu'il ne faut pas condamner légerement un accufé à la queftion provifoire.

Quoique par le fufdit article 1 du titre 16 de l'ordonnance de 1670, il foit porté que tous Juges peuvent condamner à la queftion, néanmoins il eft certain que les Juges d'églife n'y peuvent pas condamner, d'autant qu'ils ne peuvent condamner à aucune peine afflictive, & que la question peut conduire l'accusé à la mort ou autre effufion de fang; c'eft pourquoi il y a lieu de dire que fi un Juge d'églife condamnoit à la queftion, il y auroit abus; voyez ci-devant, part. 2, chap. 6, fect. 5, n. 2.

Dans la queflion préparatoire, il eft permis aux Juges qui y condamnent un accufé, d'arrêter par leur jugement, qu'encore que l'acufé n'avoue rien, les preuves fubfifteront en leur entier; c'eft ce que nos criminalistes appellent indiciis manentibus, pour pouvoir condamner l'accufé à toutes fortes de peines afflictives, excepté toutefois celles de la mort, omnia cirà mortem; i ce n'eft qu'il furvienne de nouvelles preuves depuis la queftion, capables & fuffifantes avec celles qui font au procès, pour faire condamner l'accufé au dernier fupplice.

Il y a des cas ou l'on condamne un accufé à la question, & où l'on ajoute, etfi nihil, ad omnia citrà mortem. C'eft lorfqu'un accufé eft prévenu & convaincu de différens crimes pour lefquels il feroit condamné à des peines très-graves, & prévenu d'un autre pour lequel, fi l'on avoit fon roit condamné à mort.

il fe

Le manentibus indiciis ne fe prononce ordinairement que lorfque l'accufé eft prévenu de différens crimes, pour raifon defquels il feroit condamné a différentes peines, même à celle de la mort s'il avouoit à la question, & ne fe prononce jamais lorfqu'il n'y a qu'un feul chef d'accufation.

L'accufé qui n'a rien avoué à la queftion, peut auffi être condamné en des fommes pécuniaires envers la partie civile, s'il y en a une, par forme de réparation civile & intérêts civils, & à l'égard du Roi ou des feigneurs

Si le Juge d'églife peut la queftion.,

condamner à

De la quef

tion manenti bus indiciis

De la quef. tion préalable, & quand eft ordonné.

en quelque amende ou autre peine pécuniaire, fuivant l'exigence des cas ;

article 2 ibidem.

Quant aux peines auxquelles un tel accufé pourroit être condamné, ce feroit par exemple les galeres ou le banissement.

On ordonne quelquefois un plus amplement informé, indiciis manentibus, pendant un tems, comme d'un an ou de fix mois, & que l'accufé gardera prifon pendant ce tems-là, fauf à l'accufé après le tems fini de donner fa requête pour être renvoyé de l'accufation & mis hors des prifons; ce qui lui eft accordé, s'il n'eft point furvenu de nouvelles preuves & charges, ou une nouvelle accufation d'un crime capital, qu'il faudroit valablement inftruire dans toutes les regles; & cette inftruction arrêteroit fon abfolution pour l'ancien crime dont il avoit été accufé, & fa liberté, si le nouveau procès ne fe trouvoit pas en état au bout du tems préfini pour le plus amplement informé.

qui tiennent qu'il n'appartient qu'aux cours fupérieures, & non aux Juges inférieurs royaux ou fubalternes, de prononcer les preuves tenantes; mais ce fentiment eft contraire à la difpofition précife de l'article 2 ibidem, qui porte expreflément que tous Juges le peuvent; & cette expreffion de l'article 2 n'a point été réformée, nonobftant les obfervations qui furent faites lors des conférences tenues pour l'examen de l'ordonnance de 1670.

Outre la queftion préparatoire, il y a la question préalable, qui est, lorfque par le jugement de mort il eft ordonné que le condamné fera préa lablement appliqué à la question pour avoir révélation par fa bouche, con feffion & déclaration de fes complices, & non pas pour avoir fa confeflion qu'il a commis le crime pour lequel il eft condamné au dernier fupplice; car dès qu'il eft condamné à mort, il ne s'agit plus de favoir s'il eft cou pable; article 3 ibidem.

Cette queftion eft bien importante, car elle découvre fouvent des com plices & des affociés pour voler, tuer ou affaffiner; les comdamnés au dernier fupplice, qui voient qu'il n'y a plus d'efpérance de fauver leur vie, & qu'il faut mourir, fe laiffent plus facilement convaincre par cette queftion, à parler & découvrir leurs complices & affociés, que les accufés qui fouffrent une queftion préparatoire, flattés & prévenus qu'ils font, que, n'avouant rien, ils auront au moins la vie fauve; auffi ces accufés n'avouent prefque jamais rien, de forte que le plus fouvent la queftion préparatoire ne produit ancun effet : les accufés fouffrent les tourmens de la queftion fans rien avouer, & s'ils parlent, c'est pour tout nier; & même nous voyons très-fouvent, que dans la question préalable & définitive, les condamnés n'y avouent rien, & qu'ils attendent à parler & à faire des déclarations lorfqu'ils font fur l'échafaut ou à la potence, au moment qu'ils vont être exécutés ; eft-ce par malice? eft-ce en vue de prolonger leur vie pour quelque moment, ou tout au plus de quelques heures? c'eft ce qu'on ne peut favoir que par imagination ou conjecture.

Il fe fait quelquefois fur le champ une confrontation des complices ré◄ vélés par des condamnés au dernier fupplice; confrontation qui eft très-importante lorsqu'on peut amener ces complices dans le lieu de l'exécution à

pour être préfentés & confrontés à ce condamné avant que d'être exécuté; mais on ne trouve pas toujours ces complices fous fa main; auffi il eft dit par l'article 4 ibidem, que fi un condamné à mort par un jugement prévôtl & en dernier reffort, révele, étant à la queftion préalable, aucun de fes complices, & qui foient arrêtés fur le champ, la confrontation en pourra être faite, quoique le prévôt n'ait pas encore été déclaré compétent pour connoître de ces complices, fauf à lui à faire après juger fa compétence; d'autant que cette confrontation eft de la derniere conféquence, & qu'elle ne peut fouffrir de retardement en un pareil cas.

Les Juges inférieurs ne peuvent point ordonner qu'un accufé fera feulement préfenté à la queftion, fans y être appliqué; il n'y a que les cours fupérieures qui ayent ce pouvoir, article 4 ibidem, & encore le font-elles très-rarement, & toujours quant à la queftion préparatoire, & non quant à la queftion préalable ou définitive; auffi cet article de l'ordonnance fe fert du mot accufe, & non du mot condamné à mort.

On remarque ordinairement deux cas dans lefquels les cours ordonnent quelquefois que l'accufé fera préfenté à la question fans y être appliqué; l'un eft, quand une cour fupérieure voyant qu'il n'y a pas aflez de preuves au procès pour appliquer un accufé à la queftion préparatoire, alors pour tâcher de découvrir la vérité par la terreur de la peine que l'accufé voit imminente, elle peut ordonner que l'accufé fera préfenté à la question, fans y être appliqué; l'autre eft lorfque l'accufé eft un impubere, un vicillard décrépit, un malade, un valétudinaire, ou autres, qui par de certaines incommodités ne pourroient fouffrir la queftion fans danger de la vie.

Il eft ordonné par l'article 4 ibidem, que le jugement qui condamnera à la question, fera dreffé par le greffier & figné par le Juge auffi-tôt qu'il aura été rendu, & que le rapporteur du procès, affifté d'un confeiller ou autre Juge, fe tranfportera incontinent en la chambre de la queftion pour le faire prononcer à l'accufé; ce qui fe doit entendre lorfque le jugement de condamnation à la queftion préparatoire, eft un arrêt ou un jugement en dernier reffort, parce que par l'article fuivant qui eft le feptieme du même titre, les fentences de condamnation à la queftion préparatoire, ne peuvent être exécutées qu'elles n'aient été confirmées par arrêt des cours fupérieures; de forte qu'on ne peut appliquer la difpofition de l'article 6 que lorfque la condamnation à la queftion préparatoire ou préalable ou définitive, eft portée par un arêt ou jugement en dernier reffort; mais quant aux premiers Juges, il faut que leur fentence qui condamne à la question préparatoire ou au dernier fupplice avec la queftion préalable, foit confir mée par un arrêt du parlement ou autre cour; car jamais une fentence de condamnation à la queftion, ne s'exécute qu'elle n'ait été confirmée par arrêt, foit que l'accufé appelle ou qu'il n'appeile point, ou quand il renonceroit à tout appel, & qu'il confentiroit l'exécution de la fentence; cela eft fi vrai, qu'on ne prononce point à un accufé ou condamné une fentence de condamnation à la queftion préparatoire ou au dernier fupplice avec la quef tion préalable, qu'elle n'ait été confirmée par arrêt.

De la préfentation de l'accufé à la question.

Du juge ment quicon

damne à la queftion.

Voici ce qui fera obfervé en faifant donner la queftion, foit préparatoire, De l'exécut foit préalable. 1°. L'accufé ou condamné fera interrogé après avoir prêté tion du juger

ment quicon

damne à la queftion

Réflexions

fur la queftion provifoire.

ferment. 2°. On lui fera lecture de la fentence confirmée, ou de l'arrêt ou autre jugement en dernier reffort, étant à genoux & tête nue, avant que de l'appliquer à la queftion. 3. Il fignera fon interrogatoire, finon fera fait mention de fon refus. 4°. La queston fera donnée en préfence des commiffaires qui feront nommés par le président ou le Juge en chef qui aura rendu la fentence, arrêt ou jugement. 5. Les commiffaires drefieront & rédigeront procès-verbal drefié par le greffier de l'état de la queftion, & des réponfes, confeffions, dénégations & variations du patient à chacun article de fon interrogatoire. 6. Il fera loifible aux commiffaires de faire modérer & relâcher une partie des rigueurs de la queftion fi l'acccufé confelle; & s'il varie & ne veut rien dire fur les interrogatoires qu'on lui fait, de le faite remettre dans les mêmes rigueurs de la queftion; mais s'il a été délié & entierement ôté de la queftion, il ne pourra plus y être remis, parce que dans ce cas la queftion ne fe réitere point, & l'on ne donne point deux fois la queftion à un même accufé ou condamné, quelque nouvelle preuve qui pût furvenit; c'eft la difpofition des articles 8, 9, 10, 11 & 13 ibidem.

Après que l'accufé ou condamné aura été tiré de la queftion, il fera fur le champ interrogé par un des commiffaires, mais fans qu'il foit befoin de lui faire prêter nouveau ferment, cet interrogatoire étant une fuite du prémier, fur les déclarations & fur les faits par lui confeflés ou déniés; on lui fera même figner cet interrogatoire, finon mention fera faite de fon refus; article 11 ibidem: c'est ce qu'on appelle interrogatoire prété fur le matelas ou fur la paille, fuivant les ufages des lieux. Cet interrogatoire fe prête dans la chambre de la queftion fur le champ & fans déplacer, dès que patient est tiré de la queftion. Cet interrogatoire eft de très-grande conféquence par rapport à la perfévérance de l'accufé ou condamné dans fes confeffions ou dénégations qu'il a faites dans la queftion ou pendant la question.

le

Il ne faut rien omettre, s'il eft poffible, en faifant donner la queftion, afin de pouvoir découvrir la vérité; par exemple, en prenant garde à la con tenance de l'accufé, à la couleur de fon vifage, à fes difcours avant que d'être appliqué à la queftion; tout cela peut marquer l'intérieur de fon efprit & de fa confcience, & autres chofes de cette qualité.

Dans la question préparatoire le jugement qui l'ordonne eft un jugement interlocutoire, & on fait pour ainfi dire l'accafé juge en fa par rapport à la peine de la mort.

propre caufe

On prendra la liberté de repréfenter aux Juges & magiftrats que de cons damner un accufé à la queftion préparatoire, eft chofe bien délicate par les conféquences de cette tentative à tirer la vérité d'un crime par la bouche d'un accufé par la force des tourmens, & entr'autres l'état où eft réduit un accufé par la queftion qu'il a foufferte fans rien avouer: il eft louvent eftropié pour toute fa vie, quoique par le jugement définitif il ait été renvoyé de l'accufation; & fi un accufé d'un crime capital & énorme n'avoue tien dans cette question, il ne pourra point être condamné au dernier fupplice, mais feulement à toutes peines citrà mortem; d'ailleurs les déclarations Faites par un appliqué à cette question, ne doivent pas toujours faire foi entiere; c'est une remarque dont il faut fe fouvenir, falfiffimum eft ja pè quationis indicium, quia mentitur qui pati poteft, mentitur & qui pati non

poteft

poteft; ille patientia aut obftinatione fuperat, hic infumate fuperatur; femper anceps conjectura, quoniam vera confeffis & falfa dicentibus idem doloris finis oftenditur; ce qui a fait dire à un ancien criminaliste, que l'invention de la question préparatoire eft plutôt un effai de patience que de vérité, & que c'eft faire fouffrir pour un fait incertain à l'accufé une peine certaine, il y a fur cela un exemple qui nous eft rapporté par Valere Maxime, liv. 8, chap. 4, qui fait trembler: un efclave de Marcus Avius ayant confeffé à la queftion préparatoire qui lui avoit été donnée, avoir tué un autre esclave, nommé Alexandre, fut pendu pour raifon de ce prétendu crime, & depuis l'exécution, ledit Alexandre qu'on avoit cru mort & affaffiné, revint à la maifon de Faunius fon maître. Mais quant à la question préalable qu'on ordonne pour avoir révélation & déclaration des complices par la bouche d'un condamné à mort, il n'y a aucun inconvénient à l'ordonner, parce qu'on en tire fouvent un grand bien pour la fociété civile, & qu'il n'y a pas grand ménagement à garder en la perfonne d'un condamné à mort & qui va pour ainfi dire être exécuté..

Non feulement on ne peut condamner une femme groffe à une peine corporelle, du moins confidérable, comme feroit le fouet ou le dernier fupplice, mais encore à la question; Julius Clarus eftime même qu'on ne pourroit la condamner à la queftion, que quarante jours après fon acccouchement; c'est dans fa question 64, n. 23.

On ne peut condamner à la question préparatoire que lorfque le crime ne peut être fuffifamment prouvé autrement que par la queftion; Julius Clarus, dictá queft. 64, n. 6.

La dépofition d'un feul témoin ne fuffiroit pas pour appliquer un accufé à la question, à moins qu'il n'y eût en outre plufieurs violens indices, finon dans le crime de lèfe-majesté, divine ou humaine.

La déclaration faite par un accufé appliqué à la question contre un autre déjà accufé ou non encore accufé, ne faffiroit pas pour condamner celui qui eft chargé par cette déclaration, à la queftion, encore moins à le condamner à la mort, à moins qu'il n'y eût d'autres charges ou de violens indices.

Un accufé qui à la question aura formellement nié avoir commis le crime dont il eft accufé, doit, généralement parlant, être renvoyé abfous après la question foufferte, ou du moins après un plus amplement informé, au bout duquel il n'eft point furvenu de nouvelles charges; mais fi par le jugement il eft dit qu'avant faire droit, l'accufé fera appliqué à la question, ou les indices tenans, cet accufé pourra être condamné à quelque peine afflictive hors la mort, nonobftant qu'à la queftion il ait nié le crime, & perfévéré dans cette dénégation, détaché de la question, à moins que fur le plus amplement informé il ne furvînt de nouvelles preuves & charges contre lui, auquel cas il pourroit être condamné au dernier fupplice.

Le procès-verbal de la question est la narration que fait le Juge de tout ce qui fe paffe depuis que le patient eft appliqué à la queftion, jufqu'à ce qu'il en foit retiré; fi l'on veut, c'est une defcription précise, véritable & naturelle de toutes les circonftances qui peuvent arriver & furvenir dans tout le tems de la queftion, foit par les interrogatoires du Juge & les rés

III. Partie,

Hhh

Femme etie ceinte ne condamnée à la question,

peut être

De l'accufe

qui n'a rien avoué à la

queftion.

Du procès verbal de la

queftion.

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