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Des lettres

de grace obtenues par un corps ou communau

té.

& dépens de la contumace, avant d'être entendu fur l'enterinement de fes lettres, parce que par cet intérêt pécuniaire on retarderoit l'accompliffement de la grace du Roi; mais ce qui conviendroit le mieux, feroit par le jugement d'entérinement des lettres, de condamner l'impétrant à cette réfufion & à ce remboursement.

20. Pour pouvoir obtenir des lettres de grace, il faut que l'impétrane avoue qu'il eft coupable du crime ou fait pour lequel il demande grace, fans quoi point de lettres.

21. On n'adreffe point de lettres de grace aux prévôts des maréchaux parce qu'ils ne peuvent en entériner, quoique le crime remis fût de leur compétence.

22. Le Roi accorde quelquefois des lettres d'abolition à une ville, à une province, ou à une communauté d'habitans, pour fait ou crime commis contre les intérêts, les ordres & la volonté du Roi, ou contre l'autorité royale; on appelle auffi cette grace amnistic: cette grace ne gît point en connoiffance de caufe; il faut aveuglémentifuivre ce qui eft ordonné par les

lettres ou arrêt contenant cette amnistie ou abolition.

23. En finiffant ce chapitre, on remarquera que le jour du facre du Roi, il fe fait une cérémonie, qui eft la délivrance des prifonniers, en vertu du pardon général accordé par le Roi en faveur de fon facre. Il eft dit à ce fujet : Voici les crimes exceptés dans le pardon de Sa Majefte, & que le Roi & fon confeil ont trouvé irrémiffibles, favoir; les duels, les vols de grand chemin. les crimes de lefe- Majefté divine & humaine, le poifon, la faufle monnoie, le rapt & le viol, les incendies prémédités, les affaffins de quetpan, les faux-fauniers & contrebandiers en attroupement avec port d'armes „ les déferteurs.

24. Au parlement de Paris, l'ufage eft que toutes lettres de rémiffion, foit de grande ou de petite chancellerie, accordées à un roturier & adreffées. au parlement, attendu l'appel de la procédure extraordinaire relevé par arrêt du parlement, y font entérinées juridiquement. Mais quand les lettres, de rémiffion font adreffées à un Juge inférieur, le parlement ne peut en connoître, en conféquence de l'appel de la procédure extraordinaire. Si le: Juge inférieur a rendu fa fentence définitive lorfque les lettres de rémiffion lui font adreflées, il n'eft plus compétent pour ftatuer fur ces lettres : le parlement ne peut pas non plus les entériner; mais on fe pourvoit au fceau, qui alors, attendu que le premier Juge votum emifit, change l'adreffe des lettres & la met au parlement.

25. Quoiqu'il fe trouve des nullités dans l'inftruction du procès faite par le premier Juge, fouvent la cour, lorfque les charges fe trouvent conformes à l'expofé des lettres, paffe outre à l'entérinement en faveur de Faccufé. C'eft ce qui fut obfervé par les arrêts des 18 février & 18 mars 1715, en procédant à l'entérinement des lettres de rémiffion obtenues pat les nommés Forceville & Dubreuil. La cour fe contenta par le dernier arrêt de faire des injonctions au fénéchal de Jarnac qui avoit inftruit.

26. Le Roi étant maître de fes graces, déroge quelquefois par les lettres de rémiffion qu'il accorde, à l'article 7 du titre 24 de l'ordonnance de 1670, & difpenfe les impétrans de fe repréfenter pour l'entérinement, maïs les exemples en font très rares.

27. Dans le cas où un accufé auroit obtenu des lettres de rémiffion, s'il fe trouve des nullités dans la procédure, il est de la regle de recommencer les informations, & quand elles font refaites, d'interroger de nouveau l'accufé & demandeur en lettres; mais ces lettres doivent toujours fubfifter, quoiqu'elles foient antérieures à la nouvelle procédure qui a été refaite : ainfi jugé par arrêt du 31 mars 1711, en déclarant une procédure nulle être refaite aux dépens du bailli & procureur fifcal des Sceaux, dans l'affaire du fieur Marchais, commandant la maréchauffée du Bourg-la-Reine.

CHAPITRE X V.'

Des lettres pour efter à droit, rappel de ban ou de galeres, commutation de peines, réhabilitation & révision de procès.

Voyez le titre 16 de l'ordonnance de 1670.

Nous allons, en ajoutant au chapitre précédent, traiter de cinq autres

fortes de lettres de grace que le Roi feul peut accorder dans tout fon royaume, & qui s'obtiennent au grand fecau.

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droit, & de leur effet.

1o. Les lettres pour efter à droit font des lettres accordées par le Roi à ceux qui étant condamnés par contumace, ont laillé écouler les cinq années pour efter à de l'ordonnance, fans fe préfenter & purger leur contumace, & par quelles le Roi les releve du tems qui s'étoit écoulé & pallé, & les reçoit à ester à droit, & à fe purger des cas à eux impofés, quoiqu'il y ait plus de cinq ans paffés, tout ainfi qu'ils auroient pu faire avant le jugement de contumace; à la charge de fe mettre en état dans trois mois du jour de l'obtention d'icelles, lors de la préfentation des lettres, de refondre les frais de la contumace, & de configner les amendes & fommes, fi aucunes ont été adjugées par le jugement de contumace à la partie civile, & auffi à la charge que foi fera ajoutée aux témoins entendus dans les informations & récolemens, décédés on morts civilement pendant la contumace.

- Par le bénéfice de ces lettres, l'impétrant eft en état de fe pouvoir purger comme auparavant de la condamnation par contumace, & tout eft mis au néant dès qu'il a préfenté fes lettres aux Juges auxquels elles ont été adreffées, & qu'il a donné fa requête à fin d'entérinement d'icelles, à la réserve des frais de la contumace; mais il faut qu'il fe rende préalablement prifonnier, & qu'il fe faffe écrouer, pour pouvoir préfenter ses lettres & les faire entériner.

• Ces lettres s'entérinent für requête non communiquée, fans avoir befoin de les préfenter en perfonne à l'audience en la forme des lettres d'abolition, rémission & pardon.

L'effet de ces lettres n'eft pas d'abfoudre, mais feulement de relever l'impétrant du laps de tems, de faire ceffer la condamnation portée par le jugement de contumace, & de mettre l'accufé en état de pouvoir fe juftifier.

Mais fi l'impétrant ne préfentoit point fes lettres d'efter à droit dans les trois mois du jour de l'obtention, les lettres feroient nulles, & le jugement de condamnation par contumace refteroit dans fa force & vertu.

ban

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2o. Les lettres de rappel de Ban, font des lettres que le Roi accorde; de rappel de par lesquelles il rappelle & décharge celui qui avoit été condamné au banniffement à tems ou perpétuel; favoir, du baniffement perpétuel, ou pour le tems qui refloit à expirer du baniffement à tems, & remet & reftitue l'impétrant en la bonne fame & renommée, mais non dans ses biens, à moins que les lettres ne le portent expreffément; & à la charge en ce cas de fatisfaire aux autres condamnations portées par le jugement de condamnation.

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de commuta tion de peine.

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tion.

Les lettres de rappel des galeres, foit à tems ou à perpétuité, font des lettres que le Roi accorde, par lefquelles il rappelle & décharge des galeres, celui qui y eft actuellement, ou de la peine des galeres, à laquelle il avoit été condamné, s'il n'y eft pas encore, & le remet & reftitue en fa bonne fame & renommée, mais non en fes biens, à moins que les lettres ne le portent expreffément, & à la charge en ce cas de fatisfaire aux condamnations pécuniaires portées par le jugement de condamnation.

Un officier ou autre perfonne publique, qui eft banni ou condamné aux galeres, & qui obtiendroit dans la fuite des lettres de rappel, ne feroit pas pour cela remis dans l'exercice de fa charge, encore bien que les lettres de rappel portaffent que l'impetrant eft remis en fa bonne fame & renommée, parce que le Roi par ce rappel n'a point entendu remettre l'impétrant dans l'exercice de fa charge, ni même le rendre capable de pouvoir en pefféder une nouvelle.

. Les lettres de rappel de ban ou de galeres, ne font entérinées au parlement que lorfque ces peines ont été prononcées par arrêt contradictoire, ou par jugement donné en dernier reffort, auffi contradictoire, dans le cas où les juges font fondés à juger en dernier reffort fuivant l'ordonnance. C'est la décifion que donna M. Barin de la Galiffonniere, fubftitut de M. le procu reur général, à l'occafion du nommé Barrault, condamné par arrêt de contu mace aux galeres fur une accufation de faux.

3°. Les lettres de commutation de peine font des lettres que le Roi accorde, par lefquelles il commue une grofle peine en une moindre, comme la peine du dernier fuplice en la peine des galeres, ou d'une prifon perpétuelle, ou de banniffement, ou de fervir le Roi en fes armées pendant un certain tems à fes dépens, ainfi des autres peines.

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Ces lettres n'ôtent point l'infamie encourue par le jugement de condamnation, & ne remettent point l'impétrant dans la bonne fame & renommée, & encore moins en fes biens, à moins, encore un coup, que les lettres ne le portent expreffement; elles ne font que lui conferver la vie s'il avoit été condamné à mort, & diminuer fes peines s'il avoir été condamné à quelque peine autre que le dernier fupplice.

4°. Les lettres de réhabilitation du condamné en fes biens, font des lettres de réhabilita- par lefquelles le Roi remet, rétablit & réhabilite un condamné en fa bonne fame & renommée & en ses biens, non d'ailleurs confifqués, tout ainfi qu'il étoit avant le jugement de condamnation, fans que pour icelle il lui puiffe êrre imputé aucune incapacité, ni aucune note d'infamie, lefquelles demeurent ôtées & effacées, avec pouvoir de contracter & faire tous actes civils. Ces lettres s'accordent lorfque le condamné a fatisfait à la peine, amende

& intérêts civils; & que pour ôter la note d'infamie & l'incapacité d'agir civilement qui lui refte, & qui lui ôte les moyens de vivre, gagner fa vie & fubfifter, il a recours au prince pour lui accorder des lettres de réhabilitation,

Ces lettres, on le répete, ne remettent point l'impétrant dans fes biens, à moins qu'il n'y ait une claufe fpéciale & expreffe dans les lettres; ce qui même ne pourroit être qu'à la charge de fatisfaire aux condamnations civiles & pécuniaires, portées par le jugement de condamnation; mais le principal effer de ces lettres, eft de rétablir le condamné en fa bonne fame & reffommée, & de le rendre capable & habile à faire les fonctions d'officier public, & de faire tous actes civils, comme auparavant la condamnation.

Ces lettres feroient abfolument néceffaires à un officier condamné au blâme, fans quoi il ne pourroit plus faire fonction d'officier, ni poffeder aucune charge; mais un condamné fimplement à être admonefté, n'a pas befoin de ces lettres, parce l'admoneflé n'emporte point note d'infamie, & n'empêche point de pofféder une charge, ni d'en faire les fonctions comme auparavant la condannation à la peine d'admonefté.

Les lettres de rappel de ban ou de galeres, commutation de peine & réhabilitation,'s'entérinent fans que l'impétrant foit tenu de fe mettre en pri fon, ni le présenter à l'audience; elles s'entérinent fur une requête préfentée par l'impétrant aux Juges à qui l'adresse en a été faite, avec les conclufons du procureur du Roi, ou de M. le procureur général, mais fans examiner fi ces lettres font conformes aux charges & informations; à quoi il faut ajouter que le jugement de condamnation doit être attaché fous le contre fcel de ces lettres, faute de quoi les impétrans ne pourront s'en aider. Tout ce que deffus eft tiré du texte & du fens de l'ordonnance de 1670, article 5, 6, & 7 du titre 16.

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5°. Les lettres de révision font des lettres que le Roi accorde pour revoir tout de nouveau un procès criminel, tant par rapporr à la procédure & inf- de révifion. truction, que par rapport au jugement de condamnation; & c'eft un moyen, & le feul moyen pour revenir contre un arrêt ou jugement en dernier reffort, rendu au grand criminel; car la requête civile n'y a point lieu, à moins que l'arrêt ou dernier jugement en dernier reffort ne fe trouve donné par dol, furprife & fraude; par exemple, quand il y a preuve qu'on a falfifié ou supprimé les charges ou informations, féduit & corrompu les témoins, ou ufé de mauvais artifices, auquel cas les lettres en forme de requête font admiffibles, & doivent être entérinées, & même fur la requête de l'accufateur, quand par de telles voies l'accusé a été renvoyé abfous; ce qui n'auroit pas lieu s'il ne s'agiffoit que de fimples défauts dans la procédure; ainfi jugé par arrêt du 16 juin 1632, rapporté par Bardet, tom. 2, liv. 1, chap. 32.

Or, pour obtenir des lettres de révifion de procès, le condamné eft tenu d'expofer le fait dans toutes les circonstances par une requête qui fera rapportée au confeil du Roi, & renvoyée, s'il eft jugé à propos, aux requêtes de l'hôtel, pour avoir l'avis des maîtres des requêtes fur la requête en révifion; lequel avis, s'il eft favorable pour la révifion, fera attaché fous le contre-fcel des lettres de révision; & les lettres de révision feront expédiées & lignées par un fecrétaire d'état, après toutefois avoir rapporté l'avis des maîtres des requêtes au confeil, articles 8 &9 du titre 16 de l'ordonnance

de 1670; mais le renvoi de la requête aux maîtres des requêtes pour avoir leur avis n'eft pas de néceffité : cela dépend principalement de M. le chancelier, comme le même article 8 le fait entendre; mais il faut qu'il y ait un arrêt du conseil qui admette la révision avant de pouvoir en faire expidier les lettres au grand fceau, lequel arrêt fera même attaché fous le contre-fcet des lettres de révision, ibidem.

Quoique par le fufdit article 9 il foit dit que la révision du procès sera en conféquence les lettres renvoyée devant les Juges qui avoient jugé le procès, cette difpofition n'eft pas toujours fuivie; & même on renvoie ordinairement la révision devant d'autres Juges; car enfin, on a de la peine à détruire fon propre ouvrage : ce qu'il faut éviter principalement en matiere criminelle, où il s'agit quelquefois de la vie. C'eft de cette maniere dont le confeil en ufa en 1699 dans l'affaire des officiers du préfidial de Mantes; la révifion fut renvoyée aux requêtes de l'hôtel au fouverain, ou par jugement du premier feptembre 1699, la procédure & le jugement dernier & préfidial qui avoit condamné injuftement & fans raifon un gentilhomme à être pendu, & qui fut exécuté, furent caffés, la mémoire du défunt réta – blie en fa bonne & fame renommée, & ces officiers condamnés en des peines afflictives, les uns au baniffement, les autres au blâme & en de groffes réparations civiles envers la veuve & héritiers du défunt, amendes & dépens.

Il eft permis aux parties de produire, ou pour mieux dire, de joindre de nouvelles pieces, fi elles en ont, au procès de révifion, par une requête fignifiée avec copie de pieces; fauf aux parties défendereffes d'y défendre par une requête contraire dans un délai compétent, mais court, parce que l'inftruction & le jugement des affaires criminelles ne doivent point, s'il eft poffible, fouffrir de retardement; article to ibidem.

Le miniftere de M. le procureur-général ou du procureur du Roi, ne fera moins nécessaire dans la révision du procès, qu'il l'étoit dans le procès qu'il s'agit de revoir, examiner & juger de nouveau; ibidem.

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Les gentilshommes font tenus d'exprimer leur qualité de nobles dans les lettres de révision, à peine de nullité; article 11 ibidem,

Si les impétrans des lettres de révifion y fuccombent, & que par le jugement de révision il foit dit que le jugement ou arrêt de condamnation qu'on attaquoit par la voie de révifion, étoit régulier dans l'inftruction, & jufte par rapport aux condamnations, ils feront condamnés en l'amende qui eft la même que celle de la requête civile; favoir, trois cens liv. envers le Roi, & cent cinquante liv. envers les parties défendereffes; article 28 ibidem.

A caufe des conféquences, par rapport à la force des chofes jugées, les lettres de révision ne s'obtiennent pas aifément, il faut de grands & puiffans moyens, foit dans la forme, foit au fond; dans la forme, des nullités effentielles dans la procédure; au fond, une iniquité évidente dans la condamnation, par l'innocence du condamné fur le crime qui lui étoit imputé.

Enfin la feule déclaration d'un condamné au dernier fupplice, faire avant d'être exécuté, par laquelle il fe charge d'un crime pour raifon duquel un autre avoit été condamné, fuffiroit pour faire ordonner, non-feulement la révision d'un procès, mais encore pour faire rétablir la mémoire de l'innocent, condamné; il y en a un arrêt du parlement de Provence du 18 décembre 1661, rapporté par Boniface, tom. 1, part, 1, tit. 7, chap. 17.

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