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SECT. I

après leur avoir fait faire lecture du tout, & interpellé de déclarer s'ils y perfiftent, il leur fera figner leur affrontation ou confrontation, s'ils favenc ou veulent figner, finon fera fait mention des caufes de leur refus; car fuivant l'article 23 du titre 15 de l'ordonnance, tout ce qui eft dit de la confrontation des témoins à l'accufé, doit être suivi en ce qui concerne la confrontation des accufés les uns aux autres.

D'où il faut conclure que la confrontation des accufés les uns aux autres eft nulle, lorsqu'ils n'ont pas été récolés en leurs interrogatoires: ainfi jugė par arrêt du 29 mai 1693, qui a enjoint aux officiers du bailliage de Mâcon d'obferver l'ordonnance, & a ordonné que l'arrêt feroit lu, publié & enregistré, tant au bailliage de Mâcon, qu'aux autres bailliages, fénéchauffées & justices du reffort du parlement.

Il faut auffi bien prendre garde, en procédant au récolement des co-accufés fur leurs interrogatoires, & à leur confrontation des uns aux autres, de leur faire lecture de leur récolement & confrontation; car cette omiffion feroit une nullité préjudiciable au Juge, en ce que la procédure feroit recommencée devant un autre Juge à fes frais. C'est ce qui a été jugé en pareil cas par arrêt da... 1745, qui a ordonné que la procédure feroit refaite par le lieutenant-criminel de Melun, aux frais du lieutenant de la prévôté du comté de Coubert.

Voyez l'arrêt du 17 février 1711, dans l'addition, à la part. ;, chap. 4, à la fin du nombre 15.

Il est en outre à obferver que, lorsqu'il y a plusieurs accufés, il faut un jugement qui ordonne précisément leur récolement en leurs interrogatoires & confrontation les uns aux autres, le jugement qui l'ordonne pour les té moins, ne pouvant fuppléer pour les acculés. C'est ce qui a été jugé par arrêt du 28 mai 1696, au rapport de M. Barentin, par lequel la cour, en caffant & annullant toute la procédure faite par le Juge du comté de Lyon, & en ordonnant qu'elle feroit recommencée devant le lieutenant criminel du préfidial de Lyon, a enjoint audit Juge d'observer l'ordonnance; & conformé ment à icelle, lors de la confrontation, après le ferment pris de l'accufé & du témoin, les interpeller à chaque confrontation, fans l'omettre à aucune, de déclarer s'ils fe connoiffent, &c. & du tout en faire mention, fuivant les art. 14, 15 & 16 du tit. 15 de l'ordonn. de 1670 ; & en outre lui a enjoint de ne récoler les accufés en leurs interrogatoires, ni les confronter les uns aux autres, que préalablement il n'ait rendu un jugement qui l'ordonne, ni de plus ordonner que les frais de juftice feront pris fur les amendes. Néceffité du 29. Quoique l'accufé ait avoué par fes interrogatoires fon crime, on ne récolement doir pas moins récoler & confronter les témoins, ou quand un tel accufé & de la con- déclareroit qu'il prend droit par les charges, parce qu'avant d'affeoir légitimement & valablement une condamnation à peine afflictive, il faut allurer les preuves par le récolement & la confrontation avec la confeffion de l'ac cufe; car la fimple confeffion de l'accufé qu'il a fait le crime dont il eft ac cufé, ne fufficoit pas pour le faire condamner, du moins au dernier fupplice Témoin qui 30. La dépofition d'un témoin qui meurt fans avoir été ni récolé ni conn'a point été fronté, ne peut fervir de rien dans les accufations graves, & où il écheoir récolé ai con peine afflictive ; c'est pour cela qu'on a vu quelquefois qu'on avoit pris foin de

frontation,

faire abfenter des témoins qui avoient chargé l'accufé dans les informations, jufqu'à les faire paffer dans les pays étrangers; c'eft une rufe blâmable par rapport à l'impunité du crime.

31. Des témoins ouis dans les informations que la partie civile ou la partie publique a fait joindre incidemment & cumulativement au procès principal de l'accufation, ne doivent point être récolés ni confrontés, à moins que l'on ne fît le procès à l'accufé fur le crime pour lequel les informations ont été faites.

32. L'on ne doit confronter les témoins que fur les cas fur lefquels l'accufé a été interrogé dans fes interrogatoires; autrement ce feroit indirectement ôter à un accufé le moyen de se défendre.

33. Nous avons remarqué ci-dessus, qu'il ne feroit pas permis à un Juge de mettre lors de la confrontation quelqu'un pour être confronté au témoin autre que l'accufé, fous prétexte de connoître fi les témoins reconnoîtront bien l'accufé. Ce détour en procédure criminelle a été condamné par deux arrêts de la chambre de la tournelle du parlement de Paris, des 25 octobre 1689 & 17 mars 1712; le premier contre le lieutenant criminel de Lufignan; l'autre contre un confeiller de la confervation de Lyon; ces deux Juges avoient pratiqué cette rufe, qu'ils avoient regardée comme une tentative d'un Juge criminel éclairé & homme d'efprit.

¶ Nota 1°. L'arrêt contre le lieutenant criminel de Lufignan est daté dans les notes manufcrites de M. Amyot, du 25 octobre 1696. Il y fait mention que cet arrêt a été rendu au fujet d'une procédure faite par le Juge de Lufignan, qui ayant à inftruire fur une rébellion prétendue faite à des huiffiers par un particulier, ordonna qu'à la confrontation des huilliers il feroit fuppofé une autre perfonne à la place du nommé Girou, accufé. Il nomma d'office & cet effet le nommé Catheron, bourgeois de Lufignan, qui fit le perfonnage d'accufé, fut confronté aux huiffiers, & figna la confrontation. Enfuite le véritable accufé rendit plainte au même Juge de ce que ces huilliers ayant pris Catheron pour lui, avoient manifeftement fait un faux procès-verbal. Sur cette plainte, information, Catheron eft entendu, & les huiffiers font décrétés de prife-de-corps. Appel de leur part porté au parlement. Par l'arrêt qui intervint en vacations, la cour déclara nulle toute cette inftruction, donna que le lieutenant criminel de Lufignan feroit affigné pour être ouï & interrogé, & lui fit défenses de faire aucune pareille fuppofition à l'avenir.

or

Nota 2°. L'arrêt contre un confeiller de la confervation de Lyon, qui eft cité dans le traité des matieres criminelles, du 17 mars 1712, eft daré dans les mêmes notes manufcrites de M. Amyot, du 17 mars 1702, & il rapporte P'efpece de cet arrêt en ces termes :

Le fait eft que le Juge auroit ordonné cette fuppofition d'accufé, fur la requête à lui préfentée par le véritable accufé, auquel fuppofé accufé, Benoît Samuel témoin, ayant été confronté, il auroit perfifté dans fa dépofition & fon récolement, & foutenu que c'étoit de l'accufé préfent dont il avoit entendu parler en fa dépofition. Le Juge prétendant que c'étoit un faux témoin, il auroit décrété contre lui, & icelui emprifonné & interrogé ; & par fon interrogatoire il paroît que ce témoin avoit changé la meilleure partie de fa dépofition, & depuis ce même témoin avoit passé un acte pardevant potai

SECT. I.

fronté ne fait

point de preuve.

Des témoins d'une information jointe au procès.

Confronta

tion fe doit faire à l'accu fé en perfon

ne

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SECT. I.

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Des objets

Cas au quel la partie publique doit déclarer

en

fecret le nom
de fon dé-

res, par lequel il confirme entierement fa dépolition. Quelques-uns précon
doient
que ce témoin étoit bien criminel, & qu'il lui falloit faire fon procès,
attendu fes divers changemens; mais on a répondu que la cour n'étoit pas
en état de le faire, & qu'on ne pouvoit point l'ordonner, & qu'au contraire
il falloit caffer toute cette procédure, & laiffer la liberté de confronter tout
de nouveau ce témoin au véritable accufé, n'y ayant rien du tout qui pût l'em-
pêcher par la nullité de toute la procédure, qui eft que la confrontation étant
nulle, n'étant pas permis à un Juge de faire des fuppofitions de cette nature,
qui eft tendre un piége pernicieux à des témoins, le décret eft pareillement
nul, fon emprifonnement & fon interrogatoire de même, & qu'ainfi on
devoit confidérer tout ce qui avoit été dit & déclaré par ce témoin comme
une iniquité de la part du Juge, qui avoit extorqué du témoin tout ce qu'il
avoit defiré; & la cour l'a ainfi jugé par ledit arrêt.

34. En quelques provinces on appelle objets ce que l'ordonnance appelle ou reproches reproches, fans qu'il y ait aucune différence entre ces deux termes, quoique certains criminaliftes, qui cherchent plutôt à s'arrêter aux mots que de venir à l'effentiel, y ajent voulu trouver quelque différence, mais fans fondement. 35. En cas qu'il y ait un dénonciateur dans une accufation intentée à la requête & au nom du procureur du Roi, l'accufé peut demander avant ou lors du récolement & de la confrontation, par une requête, que le procureur du Roi nomme le dénonciateur qu'il a pris, afin qu'il puiffe connoître fi les témoins qui feront ou font confrontés ne font point parens ou alliés du dénonciateur, qui eft la partie fecrette, & n'ont point d'autres caufes de reproches en eux qui foient capables de faire rejetter leurs dépofitions; dans ce cas on ordonne que le procureur du Roi dira en fecret au Juge le nom du dénonciateur implicitement. il y a fur cette queftion deux arrêts; l'un du parlement de Dijon, du 26 mai 1705, Bouvor, tome 2, pag. 485, question 1; l'autre du parlement de Paris, du 3 juin 1699, Bruneau page 140, qui l'ont ainfi jugé. Voyez prat. crimin. d'Ayrault, liv. 2, part. 4, n. 70 & 8o, & liv. 3, part. 4, n. 18 & 19; Imbert, liv. chap. 1, n. 7; Perchambaut fur la coutume de Bretagne, art. 151.

nonciateur.

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3.

36. On pourroit demander fi, lorfqu'un accufé, après avoir fubi la confrontation, brife les prifons & s'évade, on doit lire lors du jugement du procès les reproches par lui fournis lors de la confrontation contre les témoins? On répond que non; car en ce cas la fuite eft contre lui un reproche inconteftable. Il faudroit dire la même chofe d'un accufé qui, ayant été élargi par provifion, pour caufes urgentes & néceffaires ou autrement, par jugement ou arrêt, à la charge de fe représenter dans un certain tems, ne fe représenteroit point.

37. Lorfqu'il y aura des nullités dans la procédure d'un procès criminel, la procédure fera refaite aux frais du Jage qui l'a faite; article 24 du titre 15 de l'ordonnance de 1670. Ila même été jugé par arrêt du parlement de Paris, en la chambre de la tournelle, du 18 juin 1704, que le Juge doit en outre rendre en fon nom & fans répétition les frais de la procédure qu'il avoit faire, & qui avoit été déclarée nulle, fans qu'il puiffe en rien répéter contre la partie civile, ou fur le domaine du Roi ou celui du feigneur. C'eft à quoi les Juges de province devroient bien prendre garde; car on ne voit journelle

ment

ment autre chofe que leur procédure extraordinaire & criminelle déclarée nulle par les arrêts des parlemens & autres cours fupérieures, & cela parce que la plupart ignorent la procédure criminelle, & les ordonnances, arrêts & réglemens fur cette matiere ; cela même les expofe fouvent à des prifes à partie.

Mais il ne faut pas s'imaginer qu'un accufé trouve fon abfolution dans un arrêt qui déclare la procédure criminelle faite par le premier Juge, & dont eft appel, nulle; il a feulement la confolation que la procédure fera refaite aux frais & dépens du précédent Juge par un autre Juge, & fon procès au furplus inftruit & jugé par cet autre Juge: mais c'est toujours beaucoup à un accufé que d'avoir fait déclarer la procédure & l'inftruction du procès nulles : cette peine auroit même lieu contre un official, dont la procédure en matiere criminelle feroit nulle, comme contraire à l'ordonnance, aux arrêts & réglemens; il feroit tenu de la refaire à fes frais & dépens, foit fur appel Limple, fot fur appel comme d'abus: car ce n'eft pas affez qu'un accufé foit coupable, & qu'il n'y ait point de doute fur fon crime & fa conviction, il faut qu'il foit jugé & condamné fuivant les formalités prefcrites par l'ordonHance; autrement le Juge, en puniffant le criminel fuivant la rigueur des loix, & faisant son devoir en Juge jufte & équitable, feroit repréhenfible, & on ditoit de lui, c'eft un bon Juge, mais un mauvais praticien.

- Au reste, il faut obferver qu'encore qu'un arrêt ait déclaré la procédure nulle, & ordonné que les témoins feroient de nouveau entendus aux frais du Juge, il est recevable, n'ayant pas été partie, à former oppofition à un tel arrêt; & par l'événement il peut, par arrêt contradictoire, faire réformer le précédent arrêt.

Ainfi pareil arrêt étant intervenu contre un confeiller du préfidial de Bourges, voyez fuprà, pag. 466 & 467, par arrêt du 15 Juin 1744, fur les conclufions de M. d'Ormeflon, avocat général, il a été reçu oppofant à l'arrêt du janvier précédent, en ce qu'il étoit porté par icelui, que les procédures y mentionnées feroient refaites aux frais de ce confeiller, & qu'exécutoire feroit décerné contre lui des frais defdites procédures, même du coût dudit arrêt : faisant droit fur ladite oppofition, a déchargé ledit confeiller de la dite condamnation.

38. L'on demande fi un Juge qui a fait des nullités dans un procès criminel, les peut rétablir lui même avant le jugement définitif, en recommençant les actes auxquels il y a nullité?

Il n'y a que trois articles dans l'ordonnance dans lefquels il en eft parlé. 1°. L'article 14 du titre 6 des informations.

2°. L'article 8 du titre 14 des interrogatoires.

3°. L'article 24 du titre 16 des récolemens & confrontations.

Aucun de ces articles ne donne pouvoir au même Juge de recommencer lui-même la procédure nulle qu'il auroit faite. Les deux premiers articles ne le lui défendent pas pofitivement; mais en l'article 24 du tit. 10, il eft porté en termes exprès, que le Juge qui aura commis nullité fera tenu de payer les frais de celui qui procédera à refaire les actes nuls. On peut tirer delà la conféquence, que l'ordonnance n'a jamais entendu que le même Juge qui aura commis une nullité dans fa procédure, la puiffe lui-même rétablir en recommençant les mêmes actes, notamment les actes de confrontation. Si III. Partie.

A a a

SECT. I.

SECT. I.

P'ordonnance avoit entendu que le même Juge pût rétablir la nullité par lui commife, n'auroit-elle pas dit: fi le Juge a commis nullité, il la pourra lui-même rétablir? Mais elle a dit tout le contraire en cet art. 24 du tit. 15. Cependant dans les articles du titre 6 & da titre 14, elle taiffe au Juge le foin d'examiner s'il y a des nullités dans la procédure. De quels Juges entend-elle parler?

Raifon d'inconvénient, fi l'ordonnance entendoit parler du Juge qui

roit inftruit.

Il pourroit arriver qu'un Juge qui voudroit faire plaifir à un accufé, dé clareroit fa procédure nulle qui ne le feroit pas, afin de donner du tems à l'accufé de prendre des moyens pour fe fauver & détourner le châtiment que mérite fon crime, foit en fubornant les témoins, des dépofitions desquels il auroit connoiffance, ou par toute autre voie : un témoin pourroit changer à fa feconde confrontation, &c. Or, cet inconvénient feul eft fi confidérable, qu'il n'y a pas lieu de douter que pour cette feule confidération il ne peut jamais être permis à an Juge qui a commis une nullité, de déclarer fon acte nul, & de le recommencer lui-même, quia femel functus eft officio, particulierement dans les actes de récolement & de confrontation qui ne fe réiterent point par le même Juge. Autre chofe eft de l'interrogatoire, & fi l'on veut de l'information, de laquelle on peut répéter le témoin; encore à l'égard du témoin y a-t-il plus de difficulté, puifque par les arrêts de la cour il eft fait défenfes à un Juge d'entendre un témoin deux fois en dépofition fur un même fait d'accufation, en conféquence de la même plainte.

Le procès-verbal de conférence des ordonnances, fur l'article ci deffus dit feulement que les articles 14 du titre 6, & 24 du titre is, ont été trouvés bons; & à l'égard de l'article 8 du titre 14, où il eft parlé de la nullité.... il eft dit feulement (fur ce que quelques uns de meffreurs foutenoient qu'il falloit donner confeil aux accufés) que pour examiner les défauts de la procédure, qui eft une des parties les plus effentielles des procès criminels, la fin de l'article y avoit pourvu, en laiffant à la religion des Juges le foin d'examiner ces défauts, perfonne ne les pouvant mieux connoître que les Juges mêmes.

Cette question ayant été agitée en la premiere chambre des enquêtes, furent mandés Me Drouet & Me Claude Amyot, & enfemble furent d'avis que le Juge qui avoit fait des nullités dans une procédure, la pouvoit recommencer, pourvu que ce fût avant le jugement définitif; fondé fur cette feule raifon; que le Juge n'ayant pas jugé, il pouvoit rétablir les procédures qu'il avoit mal faites, mais qu'après le jugement il ne le pouvoit plus.:

39. L'on demande encore, quand après une confrontation le procureur du Roi, qui doit prendre des conclufions définitives, dit, qu'attendu les nullités, il ne peut prendre des conclufions; eft-ce au Juge qui a fait les nullités, d'ordonner que les actes nuls feront recommencés & faits de nouveau? Ou bien plutôt fi ce n'eft pas à fon lieutenant de rendre ce jugement? Ne peut-on pas regarder en cette rencontre le Juge qui a fait les nullités, comme un Juge récufé, qui ne peut rien ordonner?

Me Amyot confulté fur cette queftion, répondit qu'un Juge, fans difficulté, pouvoit fe corriger & refaire fa procédure, quand il remarque qu'il

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