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Si un accufé peut être in. terrogé plufieurs fois.

L'ordonnance s'en tient là par rapport à des accufés qui ne favent point la langue françoife, mais elle ne regle point la maniere de leur faire leur procès extraordinairement. Il paroît qu'outre les formalités prefcrites par cer article fur l'interrogatoire de ces fortes d'accufés, & les formalités qu'il faut garder dans l'inftruction & jugement des autres procès, le Juge pourroit dans tous les interrogatoires fe fervir de ces termes : interrogé par la bouche de tel fon interprete, fi tel fait eft, ou non ; & enfuite mettroit la réponse de l'interprete pour l'accufé par un oui ou un non: enfuite il lui demandera s'il veut s'en rapporter aux interrogatoires & à fes réponses; à l'effet de quoi il lui fera fait lecture de l'interrogatoire, qui fera figné de l'accufé, s'il peut ou veut figner, finon mention de fon refus, de l'interprete & du Juge cette forte d'inftruction eft difficile & délicate; il faut fur-tout que l'interprete foit un homme de bien & d'une probité avérée & reconnue; autrement il pourroit fauver & tirer du dernier fupplice un accufé étranger qui ne fauroir point la langue françoife, & de cette maniere il arriveroit qu'un accufé étranger ne fachant pas la langue, feroit plus heureux qu'un accufé regnicole : enfin tous les interrogatoires que fera le Juge à cet accufé, feront en langue françoife, & les réponfes de l'accufé par la bouche de l'interprete, feront pareillement en langue françoife, quand même le Juge entendroit la langue de l'acufé: il feroit bon de faire prêter ferment à l'accufé comme à l'interprete, avant de commencer l'interrogatoire.

Il en eft de même des témoins affignés qui n'entendent pas la langue francoife, que de l'accufé; il faut de l'accufé; il faut que le Juge leur nomme un interprete, auquel il faffe prêter le ferment, & qu'il le falfe figner dans tous les actes conjointement avec le témoin : c'est ce qui a été décidé par arrêt du 20 février 1696, qui a enjoint au lieutenant général de l'amirauté de Dunkerque, de nommer d'office en ce cas aux témoin & un interprete, auquel il fera prêter le ferment de bien & fidelement faire cette charge, par un acte féparé ; & avant d'entendre les témoins en leurs dépofitions, de faire prêter ferment à chaque déposition au témoins à l'interprete; faire lecture de la plainte à l'interprete, qui en expliquera les faits au témoin; & enfuite faire rédiger la dépofition, fuivant qu'elle lui fera récitée par l'interprete, fur l'interprétation par lui tirée du témoin; & à la fin de chaque dépofition faire figner le témoin & l'interprete, & aux récolement & confrontation d'obferver les mêmes formalités, & du tout en faire mention tout au long à chacun defdits actes, comme auffi de faire lecture à chaque confrontation du récolement du témoin, à peine de nullité & d'interdiction.

5. Le Juge pour réitérer l'interrogatoire toutes les fois qu'il le jugera à propos & que le cas le requerra, à la charge que chaque interrogatoire fera mis en cahier féparé; art. 15: ces interrogatoires réitérés peuvent ramener un accufé fur fes premieres dénégations, & il s'y fait, pour ainfi dire, une espece de confrontation de preuve; mais le Juge ne prendra rien de tous ces différens interrogatoires, par les mains & des deniers de l'accufé: ils fe font, comme le reste de l'instruction, aux frais de la partie civile; & s'il n'y en a point, que ce foit le procureur du Roi ou le procureur fifcal qui eft l'accufateur, ou monfieur le procureur général, alors il n'eft rien dû au Juge pour les vacations, & l'on ne donne des exécutoires fur le domaine du Roi ou des

mais

art.

feigneurs qu'au greffier, pour les groffes du procès qu'il envoie avec les ac-
cufés par les meffageries dans les prifons des Juges d'appel. Voyez ci-après.
6. Les interrogatoires, tant premier que les autres, doivent être commu-
niqués à la partie publique& à la partie civile en toutes fortes de crimes,
17 & 18, pour par la partie publique prendre droit par les interrogatoires en
ce qui peut regarder la vindicte publique, & par la partie civile prendre droit
par ces mêmes interrogatoires, par rapport à des conclufions civiles & pé-
cuniaires; car la partie civile ne peut jamais conclure à une peine corporelle
ou afflictive, infamante ou publique; elle pourroit cependant demander une
réparation en présence de perfonnes notables, & devant les Juges, des ca-
lomnies, injures atroces, ou libelles diffamatoires contre fon honneur &
La réputation.

Quant aux autres pieces fecrettes, comme les charges & informations réçolemens & confrontations, elles ne doivent point être communiquées à la partie civile, mais feulement à la partie publique, & encore moins les conclufions définitives.

il

A qui les interrogatoires doivent

être communiqués.

Si l'accufé

droit fur les charges.

7. un accufé peut prendre droit par les charges, c'est-à-dire, s'en rappor ter aux charges & informations, après néanmoins avoir fubi interrogatoire, peut prendre s'il n'eft accufé que d'un crime, auquel par l'événement du jugement n'échera point de peines afflictives, art. 19, & non säl eft accufé de tout autre crime grave, atroce, & qui mérite punition corporelle & afflictive, parce que non auditur perire volens ; il faut dans ce dernier cas, que l'accufé attende & fouffre toute l'inftruction extraordinaire du procès : n'importe que par l'événement du procès, il foit renvoyé par le jugement quitte & abfous de l'accufation; car le feul titre de l'accufation fuffit pour ne pas recevoir l'accufé en fa déclaration qu'il veut prendre droit par les charges & informations.

Ainfi s'il n'échet point peine afflictive au crime en queftion, quand même il pourroit écheoir peine infamante, l'accufé pourra prendre droit par les charges, & la partie publique & la partie civile par l'interrogatoire, en conféquence de la communication qu'ils en auront reçue; & l'accufé & la partie civile prendront des conclufions telles qu'ils devront prendre pour leur intérêt, & la partie publique en ce qui pourra regarder fon miniftere fur la condamnation ou l'abfolution de l'accufe; art. 20. Mais il faut que cela foit demandé refpectivement par toutes les parties, & qu'elles y foient reçues par un jugement, quand il peut écheoir peine infamante; finon le procès doit être réglé à l'extraordinaire. Et s'il s'agiffoit d'un délit léger où il n'écheroit ni peine afflictive ni infamante, l'on renverroit les parties à l'audience, & l'on jugeroit fur les plaidoieries & la lecture de l'interrogatoire & des informations, fans régler à l'extraordinaire.

Quoique l'accufé ait pris droit par les information, le Juge ne doit point prononcer contre lui de peine infamante, parce que pour affeoir valablement une pareille peine, il faut néceffairement un récolement & une confrontation des témoins, finon la fentence feroit déclaré nulle, & le Juge condamné de rendre les épices.

8. L'article 21 du même titre ne difpofe point fur les interrogatoires que l'accufé a fubi pendant toute l'inftruction du procès, mais feulement fur le

X x ij

Formalité

de dernier in. terrogatoire.

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que

dernier interrogatoire qu'un accufé doit fubir avant & à l'instant du juge-
ment du procès, & avant d'opiner fur le procès. Il eft dit par cet article,
s'il y a
des conclufions du procureur du Roi, procureur fifcal, & de
M. le procureur général, qui tendent à peine afflictive, l'accufé fera dans ce
dernier cas interrogé fur la fellette. Cette difpofition a été renouvellée par
deux déclarations du Roi, des 12 janvier 1682, & 13 avril 1703. Elles ont
ajouté, que fi les conclufions ne vont pas à peine afflictive, les accufés
feront dans ce dernier interrogatoire interrogés feulement derriere le
barreau & debout.

On interroge auffi les accufés fur la fellette, lorfque les conclufions vont à peine infamante, comme le blâme, &c.

La formalité du dernier interrogatoire de l'accufé derriere le barreau, doit être gardée dans les officialités, à peine denullité de l'interrogatoire & du jugement rendu en conféquence contre l'eccléfiaftique; & même il y auroit abus dans cet interrogatoire & ce jugement, faute d'obferver cette formalité. C'eft la jurifprudence certaine du parlement de Paris, ainsi qu'il paroît par les arrêts, & entr'autres par un qui a été rendu en la chambre de la tournelle, le 14 juillet 1708, fur les conclufions de M. l'avocat général de Lamoignon de Blancmefnil. Cet arrêt eft rapporté au Journal des audiences.

9. Quoique dans la regle générale il n'y ait que le Juge qui puiffe interroger un accufé, cependant par l'ordonnance de 1670, art. 14 du même titre, les commiffaire du châtelet de Paris ont cette faculté, & le pouvoir d'interroger les accufés pour la premiere fois, lorfqu'ils font pris en flagrant délit, ou les domeftiques accufés par leurs maîtres ou maîtreffes, ou feulement décrétés d'ajournement perfonnel.

10. L'interrogatoire ne doit point être fait captieufement & en biaifant, c'est-à-dire par fubtilité, encore moins en homme paffionné, fâché & en colere, ni malicieufement. Le Juge ne doit point pareillement abuser l'accufé, en lui promettant l'impunité de fon crime lors de fon interrogaroire, dans la vue de lui faire avouer fon crime dont il eft accufé; cela eft captieux & défendu : car comme il n'eft pas permis à ce Juge de tenir parole à cet accufé, s'il le trouvoit coupable, il ne le fçauroit abfoudre; on ne pourroit même affeoir une condamnation fur une confeffion ainfi extorquée par rufe & furprife: il doit aufli rédiger les réponfes de l'accufé, tant à charge qu'à décharge.

II. Par la raifon que ce font les interrogatoires de l'accufé qui peuvent principalement découvrir la vérité, il ne faut pas y omettre la moindre circonftance des faits qui forment l'accufation.

12. La feule confeffion de l'accufé dans les interrogatoires ne fuffiroit pas pour pouvoir le condamner au dernier fupplice, ni à aucune peine afflictive, il faudroit encore d'autres preuves, foit teftimoniales, foit par écrit. & que principalement conftaret de corpore delicti. Il en feroit autrement dans les délits légers, & où il ne peut y avoir de condamnation à peine afflictive. Ordonnance de Louis XII, de 1498, art. 117; & ordonnance d eFrançois premier, de 1539, art. 148.

Mais quoiqu'il en foit, rien n'eft plus délicat ni plus difficile à favoir que

le dégré de preuves fuffifantes pour pouvoir condamner un accufé à la mort ou à la question préparatoire.

13. Le Juge peut procéder aux interrogatoires les jours de fêtes & de dimanches, comme les jours ouvriers, principalement dans les accufations

graves.

Si les inter

rogatoires peuvent être faits les jours dedimanches & de fêtes.

De la con

feffion extra

14. Une confeffion extrajudiciaire d'un accufé ne fuffiroit pas pour affeoir une condamnation contre lui, quand même elle te trouveroit écrite, & qu'on l'eût trouvée dans la poche de l'accufé lors de la capture ou autrement, à moins qu'il ne la réitérât dans les interrogatoires qu'il prêteroit dans l'inftruction du procès: encore faudroit-il que cette confeflion, quoique réitérée, accufé. fût foutenue de quelqu'autres preuves pour pouvoir condamner un tel accufé à une peine afflictive, & encore moins au dernier fupplice.

Il y a plus, c'eft que la déclaration d'un accufé dans fes interrogatoires ne feroit qu'une demi-preuve contre les complices par lui déclarés; il faudroit encore d'autres preuves pour les condamnet.

judiciaire de

Du ferment

ter l'accufé.

15. Quoiqu'en matiere criminelle le ferment qu'on fait prêter à l'accufé foit prefque toujours un faux ferment, prévenu qu'eft un accufé qu'il n'eft que doit prê point tenu de confeffer & déclarer fon crime au Juge qui l'interroge, aux dépens de fa vie ou d'autres peines afflictives, quelquefois de fon honneur feul & de fa réputation; néanmoins le Juge eft obligé, pour fatisfaire à l'ordonnance, de faire prêter ferment à l'accufédans tous les actes de la cédure & de l'inftruction où le ferment de l'accufé eft néceffaire, à peine

de nullité.

pro

16. Quoique l'accufé ait fubi l'interrogatoire fur les charges & informations, que même il y ait eu réglement à l'extraordinaire, & qu'il ait été en conféquence procédé au récolement & confrontation, s'il furvient de nouvelles charges, l'accufé doit de nouveau être interrogé fur les faits réfultans defdites nouvelles charges, à peine de nullité de toute la procédure faite depuis que les nouvelles charges font furvenues, & du jugement définitif. Ce qui eft fondé fur l'art. 15 dudit titre 14, qui porte que l'interrogatoire pourraêtre réitérée toutes les fois que le cas le requerra, & fera chacun interrogatoire mis en cahier féparé. Voyez ci-devant, nomb. 5. Or le cas le requiert abfolument, lorfqu'il furvient de nouvelles charges. C'est ce qui a été jugé in termenis, par arêt de la touruelle criminelle, du 9 janv. 1743, fur l'appel à minima du fubftitut de M. le procureur général au bailliage & fiege préfidial de Bourges, le 30 août 1742, qui avoit ordonné que Pierre Labbé & Jeanne Chambray feroient mis hors des prifons, à la charge cependant par eux de fe représenter à toutes affignations en état d'ajournement perfounel, auquel avoit été converti le décret de prife de corps, originairement décerné contre eux, en élifant par eux domicile en la ville de Bourges. Par cet arrêt la cour, entr'autres chofes, a infirmé ladite fentence, l'a déclarée nulle; ordonné que le procès recommencé feroit continué, fait & parfait par le lieutenant criminel au fiege d'Iffoudun; que les charges & informations, procédures & pieces étant au greffe criminel de la cour, feroient portées en celui d'Iffoudun; & lefd. Labbé & fa femme transférés fous bonne & sûre garde, audit bailliage d'Iffoudun, pour être procédé à l'interrogatoire defdits accufés fur les plus amples informations, &c. le tout aux frais de *** confeiller de

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Interroga

toire fur tou

tes les infor

mations.

Bourges, faifant pour la vacance de la charge de lieutenent criminel, auquel il a été enjoint, lorfqu'il fera furvenu de nouvelles charges, d'interroger les accufés fur les faits réfultans defdites nouvelles charges; mais ce con. feiller a été reçu oppofant à l'arrêt en ce dernier chef.

Par un précédent arrêt du 14 août 1736, la procédure du Juge de la ville d'Eu a auffi été annullée; l'accufé ayant été pris en flagrant délit, il l'avoit interrogé tout de fuite; il procéda enfuite à l'information, & fur l'information il ne lui fit pas fubir un nouvel interrogatoire.

Interrogatoire.

Interrogatoire fait par nous... à la requête de... partie civile, ou procureur du Roi, ou procureur fifcal, demandeur & accufateur, contre... défendeur & accufé, par nous décrété de.... s'il eft prifonnier, l'on met, prifonnier ès prifons de... auquel interrogatoire avons procédé en la chambre de... ainfi qu'il en fuit.

Du....

Si l'accufé eft prifonnier, l'on met: avons fait extraire des prifons de... un tel, lequel interrogé de fon nom, furnom, âge, qualité & demeure, a dit, après ferment par lui fait de dire la vérité, fe nommer... demeurer à... & être âgé de...

Si l'accusé n'eft pas prifonnier, l'on dit: eft comparu devant nous un tel, &c. comme deffus.

Interrogé, &c.

A dit.....

Lui avons remontré qu'il ne dit pas la vérité, puifque, &c.

A dit....

E à l'inftant lui avons repréfenté, on lui repréfente les armes ou inftrua mens dont il s'eft fervi, fi c'est une bayonnette, un couteau, ou une épée enfanglantée, il en faut faire mention ; & à lui enjoint de nous dire fi ce n'est pas avec ledit inflrument qu'il a frappé, bleffé ou percé ledit...

A dit... & a été ledit inftrument enveloppé d'une bande de papier, & cacheté de notre cachet, ou du cachet de nos armes, laquelle bande de papier a été paraphée par nous & par ledit... accufé; de même des pieces écrites, dont il faut rapporter la teneur en fubftance, & qu'il faut auffi parapher & faire parapher.

Interrogé s'il veut prendre droit par les charges & informations contre lui faites, & s'en rapporter aux témoins qui ont dépofé en icelles.

A dit....

Lecture à lui faite du préfent interrogatoire, a dit que fes réponses contiennent vérité, y a persisté, & a signé, ou déclaré ne favoir écrire ni figner de ce enquis, fuivant l'ordonnance, ou a fait refus de figner, de ce interpellé; & fi l'accufé eft prifonnier, l'on ajoute: Et a été l'accufé remis ès mains du geolier, pour le remener dans la prifon. Fait les jour & an que deffus.

Il faut aufli interroger l'accufé fur les faits & fur les inductions qui réfultent des hardes, meubles & inftrumens fervant à la preuve, qui lui feront représentés.

Il arrive quelquefois qu'avant la clôture & fignature de l'interrogatoire,

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