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cureur général, & de Marillac, avocat général au parlement de Paris, pour y répondre.

L'on voit dans les preuves des libertés de l'églife gallicane, chap. 36, 7. 29, que le feptieme article de ce mémoire contenoit des plaintes de ce que les Juges royaux prenoient connoiffance du crime de fimonie. Voici quelle fut la réponfe de ces deux magiftrats. Quant au feptieme article qui parle du crime de fimonie, l'on n'a point vu que les Juges laïques, ès pays du Roi, en aient connu, car c'eft un crime pur eccléfiaftique; toutefois quand il est propofé par forme d'exception, lefdits Juges en connoiffent, non pour prononcer fur le crime de fimonie, mais pour juger ce qui eft principalement pendant pardevers eux, conformément au droit commun.

Cette maxime eft confirmée par l'article 21 de l'ordonnance de Blois, qui veut que les archevêques & évêques procédent foigneufement & févérement, fans diffimulation ni exception de perfonnes, contre les eccléfiaftiques qui auront commis ce crime, par les peines indictes & portées par les faints décrets & conftitutions canoniques; & que les baillifs & fénéchaux procédent au femblable contre les perfonnes laïques, coupables & participans du même crime, pour duquel avoir révélation, les évêques & officiers du Roi ci-deffus pourront faire publier monitions autant qu'ils verront être propre & opportun par toutes les paroiffes.

Quatre ans après cette ordonnance, qui eft de 1579, les agens généraux du clergé préfenterent une ample requête au Roi Henri III, dont l'article 2 eft contre les eccléfiaftiques fimoniaques. Cette requête fut répondue conformément à l'art. 2 1 de l'ordonnance de Blois, par rapport à cet article. L'article de l'ordonnance de 1610, dreffée fur les remontrances du clergé, n'a rien changé à cet ordre; il renvoie la punition de ce crime Juges à qui la connoiffance en appartient, fans décider fi ce font les Juges royaux ou les Juges d'églife.

aux

Cette ordonnance fut enregistrée au parlement de Paris le 30 mai 1612, à la charge pour le regard du premier article, qui eft celui dont nous venons de parler, que les faints décrets & conciles feront gardés & obfervés fur le fait des fimonies & confidences, les ordonnances royaux, même les quarante fixieme article de celle de Blois, dix feptieme de celle de Melun, & arrêts de la cour. L'on peut obferver ici en paffant que l'ordonnance de 1629, article 18, confirme l'article 21 de celle de Blois, & ordonne l'exécution des bulles & conftitutions canoniques, fur la forme qui doit être obfervée dans la preuve de ce crime.

SECT. L

Différence

Après toutes ces réflexions, il eft aifé de connoître la différence qu'il y a entre le jugement des Juges d'églife & celui des Juges royaux, contre les entre le jugeeccléfiaftiques accufés de fimonie. Le Juge d'églife devant qui cette accument du Juge fation eft portée directement pour punir l'eccléfiaftique qui en eft cond'églife & celui du Juge vaincu, peut le priver fuivant les faints décrets de tous offices, bénéfices royal, contre & dignités eccléfiaftiques dont il eft pourvu, & même le déclarer inca- les eccléfiafPable d'en pofféder à l'avenir; mais le Juge royal, qui ne connoît de l'ac- tiques accufés cufation de fimonie contre un eccléfiaftique qu'incidemment au poffeffoire de fimonie. d'un bénéfice qui fe traite devant lui, déboute feulement du bénéfice contentieux celui qui en eft pourvu par des voies fimoniaques; mais il n'or

donne point la privation des autres bénéfices; fauf après que le poffeffoire SECT. I. du bénéfice aura été jugé à renvoyer cette accufation en cour d'églife, pour être procédé extraordinairement contre l'accufé.

Sile concubi. nage des ecclefiaftiques

wilégié.

14. Plufieurs auteurs ont écrit que le concubinage des eccléfiaftiques eft un cas privilégié, particulierement quand il eft commis avec scandale, & que l'eccléfiaftique loge avec fa concubine, & ils rapportent des arrêts eft un cas pri du parlement de Bordeaux qui l'ont ainfi jugé. Le parlement de Touloufe rendit le 26 octobre 1549, un arrêt de réglement contre ces eccléfiaftiques concubinaires. Mais le clergé du reffort obtint un arrêt du confeil privé le 29 avril 1551, qui déclare nul celui du parlement de Touloufe, ordonne cependant aux fyndics du clergé de la province de Touloufe de fommer, fignifier & avertir les archevêques & évêques, chapitres & autres prélats, de diligenter, foigner & s'enquérir fur l'incontinence, vie & gouvernement des miniftres du clergé, chacun à fon égard, & procéder contre les chargés & foupçonnés d'incontinence & lubricité, par monitions & autres voies de droit, de forte que punition exemplaire en foit faite; & en cas de négligence & fandale, eft enjoint au procureur du Roi de Touloufe d'en avertir le Roi, pour y être pourvu ainfi que Sa Majefté verra bon être. 15. Mais fi le concubinage d'un prêtre étoit avec une femme mariée, & queftion pré- que l'accufation fût intentée par le mari, qui, felon nos mœurs, eft feut par ie capable de la former, les Juges royaux en pourront connoître comme d'un cas privilégié. Outre le fcandale d'un tel défordre, le trouble caufé dans une famille, & dans l'ordre d'une fucceflion, demanderoit une panition exemplaire, & telle que le Juge royal feul peut infliger. En effet, depuis cet arrêt, nous en avons plufieurs qui ont jugé les eccléfiaftiques accufés de ce crime, & même du fimple concubinage, soumis à la jurisdiction royale.

Suite de la

cédente.

Si l'homicide de foi-même par un ecclé fiaftique eft cas privilégié.

16. La question feroit de favoir fi les réglemens qui viennent d'être rapportés fur le renvoi des eccléfiaftiques accufés de cas privilégiés, aux Juges d'églife, font obfervés dans le procès qu'on fait aux cadavres des eccléfiaftiques.

Rebuffe, fur la bulle de Léon X du 15 juin 1518, page 786, écrit, que par arrêt du parlement de Paris du 5 avril 1431, le corps de Geoffroy Cloner, prêtre, qui s'étoit pendu à Paris, fut renvoyé au Juge eccléfiaftique; d'où il conclut que ce Juge connoît contre les clercs vivans & morts, parce que le caractere eft ineffaçable.

Ayrault, inft. judiciaire, part. 4, S. 14, foutient la même chofe, & an nouvel auteur qui a recueilli les procédures des officialités, dit qu'en ce cas l'official n'inftruit pas avec le Juge royal, & qu'il fuffit de conftater le fait devant l'official, qui rend une ordonirance, enfuite de laquelle & fur les conclufions du promoteur, il ordonne l'inhumation ou renvoi. I rapporte un exemple qu'il a vu arriver. Un prêtre ayant été trouvé mort dans un collége avec des marques qu'il s'étoit tué lai-même, l'official, à la requifition du principal de ce collége, s'y tranfporta, fit fon procès-verbal, & ordonna une information de la conduite du défunt, & sa situation d'efprit, & des circonstances qui pouvoient avoir donné lieu à cet accident; & enfuite il le fit inhumer fans appareil. Le Juge royal s'y étoit tranfporté

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avant lui, avoit fait fon procès verbal, mis le fcelié & appofé garnifon dont l'official avoit fait mention dans le fien, ce qui n'empêcha pas de continuer fa procédure, fans appeller le Juge royal qui en avoit fait de même à fon égard.

Fevret, de l'abus, liv. 8, chap. 2, nombre 20, dit que s'il arrivoit qu'un eccléfiaftique non accufé ni atteint de crime, fe tuât lui-même, fon cadavre feroit renvoyé au Juge d'églife; il veut infinuer que c'eft la jurifprudence du parlement de Paris & de celui de Touloufe, & ajoute cependant qu'en fon parlement de Dijon on juge le contraire, & qu'il y a quantité d'arrêts confirmatifs des procédures & jugemens donnés en cour fécu liere contre les cadavres eccléfiaftiques.

&

Mais la jurifprudence du parlement de Paris eft certainement conforme en ce point à celle du parlement de Dijon, & aux principes, qui veulent que ce foit le Juge féculier qui inftruife & juge feul un tel crime, parce que d'un côté l'homicide eft un crime capital qui emporte confifcation de biens, que d'un autre côté il feroit fort inutile d'inftruire conjointement avec les Juges eccléfiaftiques, puifqu'il n'y a plus de peines canoniques à infliger contre un cadavre. On en a vu un exemple depuis quelques années; le lieutenant criminel du châtelet fit feul le procès au cadavre d'un eccléfiaftique, prêtre, docteur de forbonne, qui s'étoit tué d'un coup de piftolet dans la rête; pour raifon de quoi il fut ordonné que le cadavre feroit traîné fur la claie, & enfuite pendu par les pieds : ce qui fut exécuté.

la

SECTION DEUXIE M E.

Des Juges du délit commun & du cas privilégié.

1. Anciennement lorfqu'il y avoit peine de mort contre les accufés in diftinctement, foit eccléfiaftiques ou laïques, leurs procès étoient portés en grand chambre du parlement. C'est la difpofition de l'art. 25 de l'ordonnance de Charles VII de 1453; ce qui doit s'entendre, lorfque le parlement étoit faifi du procès, foit par appel, foit en premiere inftance. Depuis par une autre ordonnance de François I de 1515, la tournelle criminelle ayant été rendue continuelle, on lui attribua la connoiffance de tout délit, à l'exception des cas de cléricature ou d'immunité, au jugement defquels ont accoutumé d'être les confeillers clercs, auffi de crimes de gentilshommes ou d'autres perfonnages d'état, defquels le procès devoit être rapporté en la grand'chambre.

L'ordonnance de Moulins en 1566, article 38, confirma ce privilége, & voulut que pour régler les différends qui avoient été auparavant dans les cours du royaume pour la connoiffance des caufes & procès criminels des gens d'églife, nobles & officiers, leurs procès introduits en premiere inftance en ces cours, fuffent jugés & inftruits en la grand'chambre, fi faire fe pouvoit, & fi les accufés le requéroient; autrement, & fans ladite requifition, lefdits procès fe pourroient inftruire & juger en la chambre de la tournelle, à laquelle l'ordonnance veut que lesdites inftructions foient renvoyées par la grand'chambre : mais il faut remarquer que ce n'eft pas à dire pour cela que les eccléfiaftiques & les nobles aient ja

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mais eu le droit d'être jugés en premiere inftance au parlement ; ce qui n'a lieu que par rapport aux caufes des prélats, chapitres, comtes, barons, villes, communautés, échevins & autres, qui par priviléges & anciennes coutumes ont accoutumé d'être traitées en ladite cour, fuivant l'art. 7 dudit édit de Charles VII du mois d'avril 145 3.

Ce privilége accordé aux eccléfiaftiques, leur fut confirmé par l'art. 21 de l'ordonnance de 1670, titre premier, qui leur permet de demander en tout état de caufe d'être jugés, toute la grand'chambre du parlement où le procès eft pendant affemblée, pourvu toutefois que les cpinions ne foient pas commencées; & s'ils ont requis d'être jugés à la grand'chambre, ils ne peuvent plus demander d'être renvoyés à la tournelle; ce qui, encore une fois, doit s'entendre de la caufe d'appel, ou en cas que par les circonftances de l'affaire, ou à caufe de la qualité des parties, le procès foit porté au parlement en premiere inftance.

2. Il y en a qui prétendent que les Juges des feigneurs ne peuvent connoître en aucun cas des délits commis par les eccléfiaftiques, & que la connoiffance des cas privilégiés eft attribuée par les ordonnances aux baillifs & fénéchaux en premiere inftance, privativement à tous autres Juges. Ils conviennent que les ordonnances n'excluent pas nommément les Juges des feigneurs qui ont haute juftice, mais qu'on les a toujours interprétées à leur exclufion; que l'art. 22 de l'édit de Melun dit que l'inftruction des procès criminels contre les perfonnes eccléfiaftiques pour les cas privilégiés, fera faite conjointement, tant par les Juges defdits eccléfiaftiques, que par les Juges royaux; que l'édit du mois de février 1678 ordonne que, lorfque dans l'inftruction des procès qui fe feront aux eccléfiaftiques, les officiaux connoîtront que les crimes dont ils feront accufés & prévenus, feront de la nature de ceux pour lefquels il écheoit de renvoyer aux Juges royaux pour le cas privilégié, les officiaux feront tenus d'en avertir inceffamment les fubftituts des procureurs généraux du reffort où le crime a été commis, à peine contre lefdits officiaux de tous dépens, dommages & intérêts, même d'être la procédure recommencée à leurs dépens; que l'art. 38 de l'édit de 1695 s'explique d'une maniere plus précife, & porte: les procès criminels qu'il fera néceffaire de faire à tous prêtres, diacres, fous diacres, ou clercs vivans cléricalement, réfidans ou fervans aux offices ou au miniftere & bénéfice qu'ils tiennent dans l'églife, & qui feront accufés des cas que l'on appelle privilégiés, feront inftruits conjointement par les Juges d'églife & par nos baillifs & fénéchaux, ou leurs lieutenans, en la forme preferite par nos ordonnances.

L'on ajoute que la queftion s'eft préfentée au parlement de Paris en 1618, dans cette efpece. Un curé du bas Maine, nommé Dubas, fur accufé par le procureur fifcal du feigneur haut-jufticier de Solefme; & fur fa dénonciation & requête, charges & informations faites par le Juge de ce feigneur, ce curé fut décrété d'un ajournement perfonnel. Il demanda fon renvoi pardevant l'official du Mans, qui lui fut refufé par le Juge qui ordonna que le procès feroit fait & parfait par lui audit curé pour le cas privilégié, & que l'official pourroit aflifter à l'inftruction pour le délit commun. Le Curé interjetta-appel au parlement; M. Talon, qui plaida

pour lui, foutint que les officiers des feigneurs n'avoient aucune jurifdic tion pour les crimes & délits des eccléfiaftiques, M. Bignon, avocat gé- SECT. II. néral, dit qu'encore qu'il y eût charge fuffifante contre l'appellant, en ce qui concerne le décret d'ajournement perfonnel, l'appel de l'incompétence étoit bien fondé, & conclut à la confirmation du décret, à ce que l'accufé fût renvoyé à l'official, pour lui être fon procès fait & parfait, à la charge du cas privilégié, pour lequel affifteroit le Juge royal.

La cour faifant droit fur l'appel du décret, mit l'appellation au néant; ordonna que ce dont étoit appel fortiroit fon plein & entier effet; condamna l'appellant en l'amende & aux dépens; & faifant droit fur le déni de renvoi, mit l'appellation & ce dont avoit été appellé au néant; émendant & corrigeant, rendit l'accufé appellant à l'official de l'évêque du Mans, pour lui être fon procès fait & parfait, à la diligence du feigneur de Solefme. L'arrêt eft du premier juillet 1628, & rapporté par Barder, tom. 1, liv. 3, chap. 10.

Enfin l'on oppofe un arrêt du confeil d'état du Roi du 13 janvier 1657 rendu fur la requête des agens généraux du clergé, par lequel le Roi fit inhibitions & défenfes aux feigneurs hauts-jufticiers, & à leurs Juges & officiers de prendre connoiffance & informer ni décréter en matiere criminelle, contre les prêtres & autres perfonnes conftituées aux ordres facrés, ni contre les bénéficiers, à peine de nullité des procédures, dépens dommages & intérêts envers les parties, & autres amendes arbitraires, fauf aux Juges royaux qui reffortillent fans moyen en fes cours de parlement, de leur faire leur procès pour les cas privilégiés, conjointement avec les Juges d'églife, fuivant les ordonnances.

les ecpar

Mais ceux qui foutiennent cette prétention, que les Juges des feigneurs ne font jamais compétens pour connoître des crimes commis cléfiaftiques, abusent visiblement des autorités ci-dessus, qu'ils citent en, leur faveur. Cette prohibition ne doit s'entendre que des prévôts royaux, & non des Juges des feigneurs hauts-jufticiers, qui étant Juges du lieu du délit, font compétens pour connoître des crimes des eccléfiaftiques, de, même que de ceux des nobles, les inftruire & juger, fauf en trois cas. Le premier, s'il s'agit d'un cas royal ou prévôtal, auquel cas le Juge de, feigneur étant Juge du lieu du délit, peut feulement recevoir la plainte, contre l'eccléfiaftique, informer, décréter & interroger, fuivant l'art. 21 de la déclaration du Roi du 5 février 1731, dont on a ci-devant parlé. Le fecond cas eft lorfque le Juge d'églife ayant connu le premier de l'ac-, cufation, auroit appellé le Juge royal pour le cas privilégié, ainfi qu'il eft obligé par les déclarations du Roi de 1678 & 1684. Le troifieme cas eft lorfque le Juge de feigneur ayant connu le premier de l'accufation, il y a renvoi requis devant le Juge d'églife par l'accufé, ou revendication de fa perfonne par le promoteur de l'officialité, parce qu'il n'eft, point d'ufage que les Juges d'églife inftruifent conjointement avec les Juges des feigneurs, mais feulement avec les baillis & fénéchaux royaux.

C'eft ce qui réfulte feulement de l'art, 22 de l'édit de Melun, des déclarations du Roi de 1678 & 1684, de l'art. 38, des lettres patentes du mois d'avril 1695, concernant la jurifdiction ecclefiaftique, & de l'arrêt du premier juillet 1628.

Suite de la queftion, fi feigneurs +les Juges des peuvent connoitre des crimes de seccléfiaftiques.

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