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SECT. I.

Si la préva

rication com

mife par un prêtre dans fa place de prin

cipal de colJége, dont il eff revêtu, eft un cas privi légié.

Juges fécu. liers font en droit de juger

6. Par arrêt du parlement de Paris du 21 août 1708, rapporté dans les mémoires du clergé, tom. 7, page 434, il a été jugé qu'une accufation formée contre un prêtre, principal d'un collége, de faire choix de mauvais fujets pour régens, de prendre de l'argent pour donner les places, & autres femblables prévarications dans fon état de principal, étoit un cas privilégié, pour raifon duquel le Juge royal fur la plainte qui lui en eft portée, procéde contre l'accufé par information, récollement & confrontation; en conféquence de quoi, par cet arrêt, l'accufé a été débouté de fa demande en renvoi pardevant le Juge d'églife, jugeant par-là que la connoiffance d'une pareille accusation est réservée au Juge royal, à l'exclufion du Juge d'églife.

a

Cet arrêt eft d'autant plus important, que l'accufé s'étant pourvu au confeil en caffation, il oppofa qu'il étoit contre la difpofition des ordonnances, & entr'autres 1°. à celle de 1539, article 4; à l'édit d'Amboife, article 2; à l'ordonnance de Rouffillon, article 21; à celle de Moulins article 29; à celle de Blois, article 58; à l'édit de Melun, article 22; à celui du mois de février 1678, qui confirme l'article 22 de l'édit de Melun, & à la déclaration du Roi du 24 juillet 1684, qui veulent tous que les Juges d'églife connoiffent des procès criminels des eccléfiaftiques, & qu'ils foient renvoyés devant eux, pour être l'inftruction faite conjoinrement pour les cas privilégiés, tant par les Juges d'églife, que par les Juges royaux. 2°. A la difpofition de l'article 1 du titre 6 de l'ordonnance de 1667. 3°. A celle de l'article 13 de l'ordonnance de 1670, titre premier. 4°. A celle de l'article 38 de l'édit de 1595, qui renferme toutes les autres difpofitions. Cependant par arrêt du confeil d'état du Roi, rendu au rapport de M. Chauvelin de Bauféjour, le 27 mai 1709, il a été mis néant fur la requête.

Cet arrêt paroît fondé fur ce que les délits dont ce prêtre, principal d'un collége, étoit accufé, regardoient la place & les fonctions de principal de collége, qui n'eft point jufticiable de l'official pour les prévarications qu'il commet dans cette place, quoique le Juge royal lui faffe fon procès, pour raifon d'icelles, par récollement & confrontation.

Cependant l'éditeur des nouveaux mémoires du clergé dit, en rappor tant cet arrêt, que la prévention des Juges royaux qui y eft établie, attaque toutes les maximes fur lefquelles on a jugé de l'étendue de la jurifdiction eccléfiaftique; que fuivant l'ancienne divifion des délits des eccléfiaftiques, en délits communs & délits privilégiés, on a eftimé que les dé lits communs n'avoient point d'autres Juges que les Juges d'église, & que s'ils font coupables de cas privilégiés, leur procès doit être fait conjointement par le Juge d'églife & le Juge royal.

Mais il réfulte de la déclaration du mois de juillet 1684, ci-après rapportée; qu'on doit toujours fuppofer la réquifition du renvoi devant le Juge d'églife, faite par l'accufé eccléfiaftique, ou par le promoteur de l'official; fans quoi les Juges féculiers font en droit d'inftruire feuls, & juger les procès criminels contre les eccléfiaftiques accufés pardevant eux. Quoique cela ne foit pas décidé en termes précis par cette déclaration, la qu'il n'y a pas maxime n'en eft pas moins certaine ; il y a plufieurs arrêts, entr'autres

feulsleseccléfiaftiques accufés parde vant eux, tant

SECT. I.

un du 19 juin 1723, contre un diacre; un autre du 9 janvier 1724, contre un curé accusé d'injures atroces par lui dites publiquement au fortir de la messe paroiffiale, contre un officier de juftice; un autre du 16 feptembre de renvoi re 1739, contre un eccléfiaftique du diocefe de Beauvais; un autre du 19 août quis. 1738, contre le curé de Contré; un autre du 12 juin 1741, contre un prêtre accufé d'avoir volé un calice dans l'églife du Saint-Efprit à Paris; enfin un autre du 16 octobre 1741. Et il faut remarquer que l'arrêt du so mai 1696, & l'arrêt de Monerot de Chartres, du 18 août 1702, cités par l'auteur des additions aux notes de Duperray fur l'édit de 1695, art. 38, pag. 256, édit. de 1721, n'ont nullement jugé la question.

Il y a auffi de certains crimes commis par des eccléfiaftiques, qui ne font point mixti fori, comme on l'a déjà dit, & qui font inftruits & jugés par les Juges féculiers feuls, quand même le renvoi feroit requis devant l'official. L'arrêt du parlement de Paris du 21 août 1708, & l'arrêt du confeil du 27 mai 1709, que l'on vient de rapporter, font de sûrs garans de ce qu'on avance. L'on en verra encore d'autres exemples.

8. L'accufation contre un eccléfiaftique d'avoir chaffé en contravention de l'ordonnance des eaux & forêts de 1669, renferme fans contredit un délit privilégié, foit parce que c'eft une contravention aux ordonnances de nos Rois, foit parce qu'un tel délit peut mériter une peine afflictive, fuivant les circonftances; c'eft ce qui va être prouvé.

1. Mais ce délit eft mixti fori; de forte que le procès d'un eccléfiaftique qui eft accufé par le feigneur de la terre, doit être inftruit conjointement par le Juge d'églife & par le Juge royal, en conformité de l'édit de 1678, & des déclarations du Roi de 1684 & de 1711. Cette queftion s'étant préfentée au parlement de Bordeaux en 1702, contre différens eccléfiaftiques diocèfe, accufés de ce fait, & l'accufation ayant été portée pardevant les Juges de la table de marbre, ces accufés prétendirent que pour raifon de cette accufation ils n'étoient point jufticiables des Juges de ce tribunal, & qu'ils devoient être renvoyés pardevant l'official de Bordeaux, leur Juge naturel, pour être leur procès inftruit & jugé fur le décommun, à l'inftruction duquel le lieutenant criminel en la fénéchauffée de Bordeaux pourroit afflifter pour le cas privilégié, s'il étoit jugé y

lit

en avoir.

Cette prétention donna lieu à une inftance au confeil en réglement de Juges, fur laquelle intervint arrêt le 3 avril 1702, portant que les parties feroient tenues de procéder au fiege de la table de marbre de Bordeaux, à la charge néanmoins que l'official de ce diocèfe y feroit appellé pour juger le délit commun.

Cette forme de prononcer fit naître une conteftation entre l'official & les Juges de la table de marbre, fur le lieu où la procédure feroit faite, & fi l'official fe tranfporteroit au fiege de la table de marbre. L'arrêt du confeil ayant été fignifié à un nommé Candeloup décrété, il fit fa déclaration qu'il étoit prêt de fubir l'interrogatoire, & qu'à cet effet le commiffaire pouvoit fe rendre au prétoire de l'officialité pour y procéder conjointement avec l'official. Sur cette déclaration il intervint fentence de la table de marbre, portant que dans huitaine Candeloup fubiroit l'interro

Si le fait de

chaffe eft un casprivilégié,

SECT. I.

Juges féculiers tenus de

fe tranfporter en l'officialité en cas de délit mixti fori.

Si la révéla.

tion de confeffion eft un casprivilégié,

ou fi ce n'est qu'un délit

commun.

gatoire, & que l'official y feroit appellé, conformément à l'arrêt du con feil. L'official de fa part répondit qu'il étoit prêt de procéder conjointement, mais dans fon prétoire, où le Juge royal fe tranfporteroit.

pour

Au préjudice de cette réponse, feconde fentence le 28 juillet 1702, portant que l'accufé fe rendroit le 1 août dans la chambre du confeil pour y fubir l'interrogatoire, & qu'à cet effet l'official y feroit appellé, conformément à l'arrêt du confeil du 3 avril 1702; ce qui fut exécuté, fans que l'official parut; mais il y eut proteftation de la part du promoteur. Les agens généraux du clergé ayant eu avis de cette procédure, fe vurent au confeil, où il intervint un autre arrêt au rapport de M. le Blanc le 6 mars 1703, qui ordonna que l'officier de la table de marbre fe tranfporteroit en l'auditoire de l'officialité, conformément aux ordonnances. C'eft ce qui eft rapporté dans les mémoires du clergé, t. 7, p. 434. 9. Il y a certains crimes énormes, qui cependant ne renferment qu'un délit commun; telle eft la révélation des confeffions. On a voulu autrefois regarder ce crime comme refermant un délit privilégié, & mixti fori, dont l'accufation devoit être inftruite conjointement par l'un & l'autre Juge. La queftion a été portée autrefois au confeil en réglement de Juges, à l'oc cafion de quelques eccléfiaftiques d'Arras, qui étoient accufés de ce crime; mais l'affaire y eft demeurée indécise.

Catelan, en fon recueil d'arrêts, liv. 1, chap. 6, dit que cette queftion fut agitée en 1679 au parlement de Touloufe. Il s'agiffoit d'un appel comme d'abus interjetté par le fyndic des ifles de Gabardés, de fentence de l'official de Carcaffonne, qui avoit condamné un curé accufé de ce crime en trois années de féminaire; & de la fentence de l'official métropolitain, qui avoit infirmé la premiere, & qui avoit condamné le fyndic, comme partie, à la reftitution du droit de rapport de la fentence, & par corps.

Ce fyndic fondoit fon appel fur ce que ce Juge d'églife n'étoit pas compétent pour connoître du crime de révélation de confeffion; cas fi grave, d'un intérêt fi public & d'une fi grande conféquence, que la connoiffance en devoit être réfervée au feul Juge royal, comme ayant feul en main les peines que ces cas méritent. Il ajoutoit pour preuves, que la dégradation du prêtre étant une des peines dont les canons avoient voulu punir des ré→ vélations pareilles, fuivant la décifion du chapitre facerdotes 33, queft. 3, dift. 6, de pænitentiâ, & celle du chapitre 12, §. dernier aux décrétales, eod. le prêtre coupable de ce crime devoit être regardé comme déchu des priviléges de fon ordre, & par là de celui d'être jugé par le Juge d'églife: que, felon l'efprit des difpofitions canoniques, pour ne pas divulguer & donner à connoître par un fimple indice un fecret auffi inviolable, le prêtre devoit admettre à la communion celui que le fecret de la confeffion lui avoit appris avec certitude en être abfolument indigne, & par là fe rendre plutôt avec pleine connoiffance le miniftre & l'inftrument d'un facrilege, que de s'en garantir aux dépens de ce fecret, & de le bleffer d'une légere atteinte; que l'abus de la confeffion étant jugé par le Juge royal dans le cas de l'incefte fpirituel & malverfation de fa pénitente, le même Juge devoit auffi juger l'abus de la confeflion dans le fecret, qui eft ce qu'elle a de plus effentiel du côté du prêtre; qu'il ne falloit pas

regarder

regarder la légereté du cas révélé; mais la nature & la qualité de l'action, le danger de la conféquence, & la néceffité de faire de grands exemples SECT. L fur cette matiere, la légereté du cas n'empêchant pas que la révélation ne détruise ou n'affoibliffe dans l'efprit des fideles cette confiance fi néceffaire pour bannir des confeffions la mauvaise honte qui n'empêche que trop fouvent de les faire bien entieres.

On répondit par avante aux acquiefcemens qu'on pouvoit oppofer de la part de l'intimé, que le confentement des parties ne pouvoit établir la jurifdiction d'un Juge d'ailleurs incompétent, non plus que couvrir l'abus dont l'intérêt public laiffoit toujours la liberté d'appeller, fuivant la regle générale fortifiée par le miniltere du procureur général qui adhéroit à l'appel comme d'abus.

Nonobftant ces raifons, par arrêt du 16 février 1679, il fut dit n'y avoir abus dans la fentence de l'official diocéfain, & qu'il n'y avoit abus dans celle du métropolitain, n'ayant regardé dans cette derniere que la condamnation à la reftitution du droit de rapport avec contrainte par corps. L'édition des mémoires du clergé, tom. 7, pag. 434, dit après Catelan que la taifon déterminante de cet arrêt fut qu'encore que la révélation du fecret de la confeffion, foit un cas extrêmement grave, & qui mérite d'être griévement puni, il eft de fa nature fi fpirituel & fi eccléfiaftique, que nul auteur & nul arrêt que l'on fache, ne le mettant d'ailleurs parmi les cas royaux, il le falloit laiffer dans le droit commun des perfonnes eccléfiaftiques, plutôt que d'en donner au Juge royal une attribution toute nouvelle; & cet auteur ajoute que Févret même, liv. 9, chap. 2, nomb. 9, qu'il dit être des plus favorables à la jurifdiction royale, rapporte le témoi gnage de plufieurs auteurs qui font le facrilege en général un cas mixi fori, qui ne fait rien à la question dont il s'agit; mais l'on a fait voir ci devant que le cas privilégié ne doit point être renfermé dans les feuls cas royaux, & qu'il s'étend à tous crimes & délits qui méritent punition cor· porelle.

10. L'action d'injure est mixti fori, c'est-à-dire, qu'un eccléfiaftique accafé d'avoir dit des injures à un laïque, & de lui avoir fait de mauvais trai temens, peut être convenu pardevant le Juge féculier, ou devant le Juge d'églife; & s'il eft convenu pardevant le Juge féculier & ordinaire, foit royal, foit feigneurial, pour la réparation & les dommages & intérêts, nous avons plufieurs arrêts qui dans les cas d'injures confidérables, ont fait refus d'accorder le renvoi aux eccléfiaftiques accufés qui le demandoient.

Cette question fe préfenta à Coutances en 1704. Différens particuliers fe pourvurent pardevant le Juge royal, contre des eccléfiaftiques qu'ils prétendoient leur avoir fait diverfes injures. Sur la plainte & information ces eccléfiaftiques furent décrétés d'affigné pour être ouïs; ils demanderent leur renvoi, le promoteur les revendiqua, & le lieutenant criminel fit

refus de les renvoyer.

Forget, des perfonnes & chofes eccléfiaftiques, fommaire 9, rapporte un arrêt du parlement de Rouen du mois de janvier 1605, qui confirme la fentence du premier Juge qui avoit dénié à un curé fon renvoi en l'officialité, fur l'action en injures intentée contre lui par un nommé Cavain. 11, Partie.

Y

Si le crime

d'injures eft légié, ou fi un cas privice n'eft qu'un

dalit

mun,

com.

SECT. I.

Si un Juge d'églife peut

condamner

en des dom

mages & intérêts.

A qui appar. tient la con

Bafnage, fur l'article I de la coutume de Normandie, en rapporte un autre du même parlement du 18 novembre 1664, par lequel il fut jugé que l'action en fimples injures contre un prêtre, étoit de la compétence du Juge royal.

Ce qui paroît avoir fervi de motif à ces arrêts, eft que ne s'agillant point d'inftruction à l'extraordinaire, & les conteftations pour fimples injures devant être traitées & jugées fommairement, cela occafionneroit trop de longueurs, s'il falloir procéder conjointement avec l'official, quand il n'y a point de corps de délit qui mérite peine afflictive ou infamante. Ce n'eft pas que les Juges d'églife ne puiffent condamner un eccléfiaftique en des dommages & intérêts; car ils y peuvent condamner leurs jufticiables, mais non pas les laïques, fuivant la diftinction qui fut faite par M. de Lamoignon, avocat général, lors de l'arrêt du mois de février 1690, rapporté au journal des audiences, laquelle diftinction a été ajoutée par M. Gilbert, avocat général, lors d'un autre arrêt du mois de janvier 1729, rendu au rôle d'Amiens.

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C'eft pourquoi un laïque ayant fait affigner un eccléfiaftique devant l'official en réparation d'injures, l'official eft en droit de connoître de cette conteftation fans abus, & de condamner fon jufticiable en des dommages & intérêts, comme il a été jugé par les deux arrêts ci-deflus de 1690 & 1729.

Ainfi celui devant lequel l'action d'injure contre un eccléfiaftique a été portée, foit l'official ou le Juge féculier, eft en droit d'en connoître privativement à l'autre.

Cependant fi l'injure faite par un eccléfiaftique étoit de nature à mériter peine afflictive ou infamante, il eft conteftable que ce feroit un cas privilégié qui feroit fujet à l'inftruction conjointe de l'official & du Juge royal.

11. La fimonie eft un crime qui peut être commis par vente d'un miniftere fpirituel; en ce cas la plainte & l'accufation de cette nature eft portée noiffance du devant le Juge d'églife.

crime de fi

monie.

Quand ce crime eft commis par vente d'un bénéfice, on diftingue fi l'accufation eft directement & principalement intentée pour faire punir de peines canoniques l'eccléfiaftique qui en eft accufé; pour lors le Juge d'églife en connoît mais fi l'accufation de fimonie eft feulement incidente à une complainte bénéficiale, lorfqu'une des parties qui conteftent un bénéfice, objecte à l'autre qu'il a donné de l'argent pour en avoir les provifions, foit aux collateurs en cas de vacance par mort, ou au précédent titulaire pour acheter de lui fa réfignation, le Juge royal qui eft faifi de la com plainte, eft en poffeffion d'en connoître incidemment, afin d'inftruire fa religion pour prononcer fur la complainte bénéficiale. La queftion fe réduit à favoir en ce cas fi le Juge royal peut en connoître, afin de punir l'eccléfiaftique accufé d'autres peines que de la privation du bénéfice qui fait le fujet du procès.

En 1547, le Pape fit présenter à François I un mémoire des officiers de cour de Rome, contenant 32 articles de plaintes des entreprises fur la jurifdiction eccléfiaftique. Le Roi envoya ce mémoire à MM. Brulart, pro

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