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condamnés en tous les dommages & intérêts des parties, qui feront taxés & modérés felon la qualité des matieres.

Ces deux articles ne contiennent rien de contraire à la maxime qu'on vient d'établit, qu'outre le cas de dol, fraude & concuffion, & les cas cideffus exprimés par les ordonnances, il n'y a point lieu à la prife à partie pour fimple contravention aux ordonnances; car quand il eft dit, faute notable, cela s'entend d'une faute fi affectée & fi groffiere, qu'elle contienne en foi un dol & une fraude évidente; ou lorfque le Juge a agi collufion ou mauvaistié, comme dit Jean Démares, loc. cit. quand ila mal & iniquement jugé, per fraudem, gratiam, inimicitias aut fordes, comme dit auffi Brodeau, loc. cit. car d'avoir mal jugé & erré dans le droit ou dans le fait, & cela fimplement par imprudence, fans qu'il y paroiffe ni dol, ni malice, ce n'eft point ce qui s'appelle de ces fautes notables qui donnent lieu à la prife à partie contre le Juge, ni qui l'assujettissent aux dommages & intérêts en fon nɔm.

par

L'article 8 & dernier du titre premier de l'ordonnance de 1667, conçu en ces termes : Déclarons tous arrêts & jugemens qui feront donnés contre la difpofition de nos ordonnances, édits & déclarations, nuls & de nul effet & valeur, & les Juges qui les auront rendus refponfables des dommages & intérêts des parties, ainfi qu'il fera par nous avifé, n'eft point contraire non plus à la maxime ci-deffus établie, puifqu'on voit par les termes de cet article, que c'eft le Roi qui fe réferve à lui feul ainfi qu'il avifera, le droit de décider quand les Juges feront refponfables des dommages & intérêts des parties, pour fimple contravention aux ordonnances; au lieu que quand le Roi entend que les cours condamnent les Juges inférieurs aux dommages & intérêts en leurs noms pour contravention aux ordonnances, il ne manque pas de l'exprimer dans chacun des articles des ordonnances où il le juge à propos; & même le Roi y ajoute & fous-entend toujours cette condition effentielle & remarquable: Au cas que les Juges ayent ainfi jugé & contrevenu aux ordonnances par dol, fraude ou concuffion, ou que les cours trouvent qu'il y ait faute manifefte du Juge pour laquelle il doive étre condamné en fon nom, comme il eft porté en l'article 147 de l'ordonnance de Blois; c'est-à-dire, en cas que ce foit une faute fi manifeste, fi notable & fi groffiere, qu'elle foit contre les fens commun & l'intelligence de tous les hommes, auquel cas la faute eft fi affecté, que l'on ne fçauroit préfumer qu'elle foit e

de dol.

Ainfi c'est une maxime conftante, que les Juges ne peuvent point être condamnés en leurs noms aux dommages & intérêts des parties, pour fimple contravention aux ordonnances, édits & déclarations du Roi, par pure inattention ou même par pure inexpérience ou défaut de

commife

fcience; s'il n'y a de leur part du dol, fraude ou concuffion; à moins
qu'il ne
s'agiffe de certaines contraventions, pour lefquelles les Juges font
expreflément affujettis par les ordonnances aux dommages & intérêts en
leur nom; ou du moins que la faute & contravention ne foit fi notable,
fi confidérable, fi manifefte contre le fens commun, & fi affectée, que
puiffe pas préfumer qu'elle foit exempte de dol & de fraude; &
fingulierement en matiere criminelle, où en cas de nullité & irrégularité

l'on ne

11. Partie.

X

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Autres moyens de prise à partie.

Ufage de la cour fur la

fimplement dans la procédure, elle doit être recommencée quand le cas y échet, aux frais du Juge qui a fait les nullités, fuivant l'article 24 du titre is de l'ordonnance de 1670.

5. Si un Juge avoit attenté à l'autorité de la cour, en paffant outre au préjudice des défenfes à lui fignifiées à fon greffe, il feroit sujet à la prife partie; comme auffi fi hors les cas de flagrant délit, fans plainte, fans accufation, fans dénonciation, fans partie, & fans corps de délit conftant, il informoit d'un fait qui ne feroit point certain; à plus forte raifon fi le Juge faifoit arrêter le prétendu coupable, homme domicilié, non d'ailleurs notoirement diffamé, fans qu'il put s'excufer en difant que c'étoit le bruit de la ville ou du village. Il en feroit de même, fi un procureur du Roi ou procureur fifcal faifoit en ce cas arrêter fans dénonciation fur fon réquifitoire & à fa requête; car un procureur du Roi ou fifcal peut auffi bien être pris à partie que les Juges.

Décret de prife de corps décerné par le lieutenant général de Roye, dans une affaire affez légère, contre la Dame... & détenue trois mois en prifon. Interrogatoire fur plufieurs chofes étrangeres, & fi elle avoit été mariée du confentement de fon propre curé, s'il y avoit eu des témoins. en nombre fuffifant qui avoient affifté à la célébration, & autres queftions qui ne pouvoient tendre qu'à faire de la peine à cette Dame. Arrêt du 16 juillet 1740, en la tournelle criminelle, déclare ce Juge bien pris à partie, fa procédure nulle; évoquant le principal, renvoie ladite Dame de l'accufation, condamne le Juge en 1000 liv. de dommages & intérêts & aux dépens envers elle.

6. Quoiqu'un accufé en procédant fur fon appel en la cour de la fentence rendue contre lui, ait intimé & pris à partie fon Juge, l'on ftatue fur fon prife à partie. appel au fond avant que de juger la prife à partie; & même l'ufage de la cour en la tournelle eft de furfeoir à permettre de prendre à partie pendant l'inftruction de l'appel au fond, & de n'accorder cette permiflion que par l'arrêt qui juge l'appel au fond.

Il faut obferver, qu'encore que par l'arrêt définitif qui a déchargé l'accufé, il lui ait été permis de prendre à partie le Juge dont étoit appel, ce n'eft pas une raifon pour dire qu'il y réuffira; l'on voit tous les jours des exemples contraires. Claude Lheureux, procureur fifcal de la juftice de S. Amand en Bourbonnois, ayant été décrété de prife de corps, fur la plainte du fieur la Blonde, eccléfiaftique, chanoine à Moncenoux, & fur le vu de l'information faite en conféquence, pour prétendue fubornation de témoins entendus dans le procès extraordinaire fait par l'official de Bourges, conjointement avec le lieutenant criminel au bailliage & fiege préfidial de Bourges, contre le fieur la Blonde, accufé de deux affaffinats le fieur Lheureux appella en la cour de la plainte, information & decret: fur fon appel, il fit intimer le fieur la Blonde, & demanda permiffion de prendre à partie fept confeillers du bailliage & fiege préfidial de Bourges, qui avoient décerné contre lui ce décret de prife de corps. Mais ce n'a été que par arrêt du 20 juillet 1731, qui a prononcé définitivement, tant fur l'appel du fieur Lheureux, que fur la procédure extraordinaire faite contre le fieur la Blonde, & fur la fentence d'élargiffement par provifion rendue

en fa faveur, que la cour a permis au fieur Lheureux de prendre ces Juges à partie: & quoique la cour lui eût ainfi accordé cette permiffion fut le vu de toutes les procédures extraordinaires en jugeant le fonds, néanmoins arrêt de la tournelle criminelle du 18 juillet 1738, au rapport de M. Pinon de Quinfy, les officiers du bailliage & fiege préfidial de Bourges, pour lefquels j'écrivois, ont été renvoyés de la demande en prise à partie, & le fieur Lheureux a été condamné aux dépens.

par

de ia folle in timation.

Si la prife å

partie empèche le Juge

7. L'amende de la folle intimation, en ce qui concerne le Juge pris à De l'amende partie, eft arbitraire; elle doit être cependant proportionnée à l'injure qui a été faite aux Juges, & aux dommages & intérêts qu'il a fouffert. 8. Il en doit être de même de la prife à partie, que des appellations comme de Juge incompétent & récufé, qui n'arrêtent point l'inftruction, & n'empêchent point que le Juge intimé & pris à partie ne la puiffe conti nuer tant qu'il n'y a pas d'arrêt de défenfes fignifié à fon greffe. Voyez cidevant, chap. 4, nombre 16. Mais fi par l'événement la prife à partie fe trouve bien fondée, la procédure fera déclarée nulle, avec dommages, intérêts & dépens contre le Juge. Ainfi c'eft aux Juges à bien s'examiner euxmêmes dans ces accufations.

de continuer l'inftruction.

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Du privilège des eccléfiaftiques en matiere criminelle.

Divifion de

Pous garder un ordre dans une matiere auffi importante, l'on divifera ce chapitre en fix fections; dans la premiere, on traitera de la nature du délit commun & du cas privilégié, dans la feconde, des différens Juges ce chapitre. du délit commun & du délit privilégié; dans la troifieme, de la procédure que doivent tenir les officiaux en leur particulier dans l'inftruction

des

fur

procès criminels contre les eccléfiaftiques, & de plufieurs questions cette matiere; dans la quatrieme, de la procédure & des formalités qu'il faut obferver dans l'inftruction & jugement des crimes ou délit commis par des eccléfiaftiques, lorfqu'il y a cas privilégié, dans la cinquieme, des peines que ces différens Juges du délit commun & privilégié peuvent infliger; dans la fixieme des voies que l'on doit fuivre pour le pourvoir contre les jugemens rendus par chacun de ces Juges.

du cas

SECTION PREMIERE.

De la nature du délit commun & du cas privilégié.

1. Il faut tenir pour maxime générale, que tout crime fujet à l'animadverfion du miniftere public pour la vengeance publique, & qui mérite une peine afflictive ou infamante, commis par un eccléfiaftique, ne fçauroit jamais paffer pour délit commun, puifqne les Juges d'églife ne peuvent point condamner à des peines corporelles & afflictives; autrement certains crimes commis par des eccléfiaftiques demeureroient impunis; ce qu'il n'eft pas poffible d'admettre fans faire violence à la raifon & au bon

ordre.

X ij

Maxime certaine pour dif lit commun d'avec le cas privilégié.

tinguer le dé

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2. Tout cas royal ou prévôtal par la nature du crime, eft un délit privilégié en matiere criminelle contre les eccléfiaftiques. Ainfi voyez ce qu'on a dit ci-devant fur l'article 11 du titre premier de l'ordonnance de 1670,. concernant les cas royaux, & fur l'article 5 de la déclaration du Roi du 5 février 1731, concernant les cas prévôtaux ou préfidiaux.

Mais il y a des délits privilégiés, quoiqu'ils ne foient ni cas royaux ni prévôtaux; puifque, comme on l'a déjà observé fuprà, nombre premier, il suffit qu'un délit mérite une peine afflictive ou infamante pour renfermer un cas privilégié, attendu que les Juges d'églife ne peuvent point prononcer ces fortes de condamnations.

y

3. Parmi les délits privilégiés, il y en a qui doivent être instruits conjointement par le Juge d'églife & par le Juge royal, lorsque l'eccléfiaftique accufé le requiert, ou qu'il eft revendiqué par fon promoteur. Il en a d'autres par rapport auxquels le privilége eccléfiaftique ceffe, & qui s'inftruifent & fe jugent par le Juge féculier feul, fans que l'eccléfiaftique accufé ni le promoteur puiffent requérir qu'ils foient inftruits conjointement. Mais il faut convenir que ce dernier cas doit être très-rare, particulierement depuis l'article 22 de l'édit de Melun de 1580, qui a ordonné l'inftruction par les deux Juges conjointement des délits des eccléfiaftiques où il y a cas privilégié, & depuis les édits & déclarations qui ont fuivi, dont il fera parlé ci-après. On en rapportera plufieurs exemples en l'un & l'autre cas dans la préfente fection, & dans la fection fuivante, nomb. 12. 4. II peut fe préfenter une premiere queftion, qui eft de favoir fi la prevarication d'un eccléfiaftique revêtu d'un office royal, & le crime par lui commis dans les fonctions de fon office, ce qui fans doute eft un délit privilégié, doit être inftruit conjointement avec le Juge ecclésiastique. L'on dira d'un côté que les eccléfiaftiques ne peuvent point renoncer à un privilége qui eft accordé en général à tout l'ordre elérical dont ils font inembres, de ne pouvoir être jugés que par leurs Juges pour ce qui regarde le délit commun. D'un autre côté l'on peut dire, & avec fondement, que le crime commis par un clerc, officier du Roi, dans l'exercice & les fonctions de fon office, regarde particulierement la compagnie dans laquelle il eft officier, & qui a fur lui pouvoir de le punir lorfqu'il délinque, ou du moins le parlement à l'égard de certains officiers, fuivant les ordonnances.

C'est donc ici un combat de priviléges dont le plus fort doit l'emporter, & il femble qu'on doit dire que le délit ayant été commis dans l'exercice des fonctions d'un office dont le clerc n'étoit revêtu que par privilege, c'est à fa compagnie feule à le juger, ou au parlement, comme on l'a dit.

En vain diroit-on qu'il paroît plus conforme aux ordonnances de foutenir, que l'office royal n'effaçant pas dans la perfonne de l'officier fa qualité de clerc, ni le privilége de cléricarure qui y eft attaché il ne peut empêcher le Juge eccléfiaftique de le juger pour le délit commun; qu'autrement on regarderoit la cléricature qui aggrave la faute commife par ceux qui y font élevés, comme une qualité qui diminue cette faute, en modérant la peine due au coupable pour le délit commun qui se rencontre dans le délit privilégié.

Cette question n'en peut jamais faire une parmi nous, puifque nous reconnoiffons comme une maxime de droit public, que le Roi peut jufticier fes officiers clercs pour quelque faute que ce foit, commise en l'exercice de leurs charges, nonobftant le privilége de cléricature, fans les renvoyer pour ce fujet devant l'official; parce que le Roi, en accordant aux clercs la permiffion de tenir des charges de judicature, ne s'eft point dépouillé du droit de faire punir ceux qui abuferoient du pouvoir de rendre la juftice qu'il leur a confiée, cette administration étant une des principales prérogatives attachées à la couronne. Il en feroit de même d'un clerc qui auroit prévariqué dans la fonction d'avocat dans un tribunal féculier. Nous avons dans le vingt-feptieme chapitre des preuves des libertés de l'églife gallicane, d'anciens arrêt de 1340 & 1496, qui l'ont ainsi jugé ; ce droit a même été reconnu par une bulle de Clément VII, accordée à François I en 1527, revêtue des lettres-patentes du 29 décembre 1530, enregistrée au parlement le 20 avril 1531. Voyez l'article 38 des libertés. Nous en verrons ci-après d'autres exemples.

5. L'article 11 du titre premier de l'ordonnance de 1670 qualifie le crime d'héréfie de cas royal, mais cela veut être expliqué. La connoiffance du crime d'héréfie n'appartient au Juge d'églife & au Juge royal : Juge royal c'eft au premier à déclarer qu'elles font les opinions contraires à la doctrine de l'églife, & à punir des peines canoniques ceux qui les foutiennent

avec obftination.

Mais c'eft aux magiftrats politiques de punir par des peines afflictives les hérétiques qui, fous prétexte de religion, caufent du trouble & de la confufion dans l'État, qui contreviennent aux ordonnances, & qui font des affemblées, même pour l'exercice de leur religion, fans une permiffion expreffe ; c'eft en ce fens que le crime d'héréfie eft un cas royal, & qu'il faut prendre ce que dit Bacquet, traité des droits de juftice, chap. 7, nomb. 28, que les gens du Roi portant la parole dans une caufe de mariage au parlement de Paris le 22 février 1557, dirent qu'il y avoit quatre fortes de caufes dont les Juges d'églife pouvoient connoître fur les laïcs; deux civiles, les dîmes & le mariage; & deux criminelles, l'héréfie & la fimonie. Les anciennes ordonnances de François I & d'Henri II enjoignoient aux Juges royaux de faire recherche & punition des hérétiques. Les ordonnances qui avoient ceffé d'être en ufage par les édits de pacification, & particulierement par celui de Nantes, ont repris une nouvelle vigueur par la déclaration du mois d'octobre 1685, portant révocation de l'édit de Nantes, par laquelle il eft fait défenfes à tous fujets de la religion prétendue réformée, de s'affembler pour faire l'exercice de ladite religion en aucun lieu ou maifon particuliere, fous quelque prétexte que ce foit, & à tous feigneurs de faire le même exercice dans leurs maifons & fiefs, à peine contre les fujets qui feroient cet exercice, de confifcation de corps & de biens.

Au refte voyez la nouvelle déclaration du Roi du 14 mai 1724, concernant la religion, qui eft dans la quatrieme partie de ce livre, & qui rappelle les difpofitions des précédens édits & déclarations du Roi rendus áce fujet.

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