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TRAITÉ

DES

MATIERES
CRIMINELLES.

SECONDE

PARTIE.

De la compétence des Juges en matiere criminelle.

QUOIQUE le mot de compétence puiffe convenir, tant aux procès civils qu'aux procès criminels, néanmoins il fe prend ici pour le pouvoir qu'a un Juge de connoître d'un crime, privativement & à l'exclufion de tout autre Juge.

Ce Juge eft appellé Juge criminel, du moins en cette partie, parce que fes fonctions font de faire le procès aux accufés de crime ou délit, & de les corriger, châtier & punir, s'ils fe trouvent coupables.

Comment fe

pétence en

La compétence en matiere criminelle fe regle par le lieu où le crime ou délit a été commis, ou par la nature du crime ou délit, ou par la qualité regle la comdu délinquant; quelquefois la prévention peut priver certains Juges de la compétence naturelle ; ils en peuvent auffi être privés par la voie de la récufation & de la prife à partie.

Ainfi cette feconde partie, qui par elle-même eft très-vafte, fera divifée en fix chapitres ; dans le premier, il fera traité de la compétence des Juges en général, & de la prévention; dans le fecond, des cas royaux;

minelle.

dans le troifieme, des cas prévôtaux; dans le quatrieme, des récufations des Juges; dans le cinquieme, des prifes à partie; dans le fixieme, du privilege des cccléfiaftiques en matiere criminelle.

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Regle géné. Le lieu où le crime a été commis, regle la compétence du Juge qui

rale fur la compétence.

E

en doit connoître, foit qu'il foit Juge royal, foit qu'il foit Juge d'une fimple juftice de feigneur; art. 1 du tit. i de l'ordonn. du mois d'août 1670. Cependant quand le feigneur a rendu plainte, alors quoique fon Juge foit le Juge du lieu du délit, & que le procureur fifcal fe foit joint, il ne peut point connoître de l'accufation : c'est ce qui paroît avoir été jugé par un arrêt du 17 juillet 1705, fur les conclufions de M. Joly de Fleury, avocat général, depuis procureur général. Cet arrêt eft rapporté au journ. des aud.

Mais on ne peut pas dire que par cet arrêt la queftion ait été abfolument jugée; il s'agiffoit de fépulcres violés, de cercueils de plomb enlevés, & d'autres vols, le tout fait dans une cave étant fous une chapelle d'une églife paroiffiale. Le feigneur avoit rendu plainte devant fon Juge, le procureur fifcal s'étoit joint. Décret de prife-de-corps contre les accufés. Arrêt de défenfes, & renvoi des accufés en état d'affignés pour être ouïs devant le lieutenant général de Sens. Par le fufdit arrêt diffinitif, la procédure a été déclarée nulle, & la plainte renvoyée devant le plus pro- . chain Juge royal des lieux.

Comme il s'agiffoit de vols faits avec effraction dans une églife, & que

par conféquent il s'agiffoit de eas royal, l'on peut dire
d'incompétence a déterminé la cour.

que cette raifon Mais enfin la question a été jugée in terminis, par un autre arrêt du 17 août 1706, aufli rendu fur les conclufions de M. Joly de Fleury, alors avocat général. Cet arrêt eft pareillement rapporté au journ. des audiences.

Il y en a encore deux autres dans le même journal, des 3 septembre & 27 mai 1707, qui ont jugé la même question.

Cette exception à la regle générale, que le lieu où le crime a été commis, regle la compétence du Juge, n'eft pas la feule; il y en a bien d'autres, comme on le verra dans la fuite de ce chapitre.

Le Juge d'un feigneur fuzerain feroit, par exemple, compétent pour connoître d'un crime commis dans l'étendue de la terre du feigneur vaffal, quoique ce dernier eût une haute juftice. Un crime avoit été commis dans l'étendue de la haute juftice du feigneur de Dorthes, feigneur fuzerain; fon Juge s'en étoit faifi, quoique le feigneur, vaffal du feigneur de Dorthes, eût une haute-juftice dans le diftrict de laquelle le crime avoit été commis. L'accufé fut revendiqué par le procureur fifcal de la justice du vaffal. Le juge de Dorthes continua d'inftruire. M. Amyot confulté à ce fujet, décida que le Juge de Dorthes, comme Juge fubal- .

terno

rieur de la justice fubalterne de Bores, (c'étoit le nom de la terre du vaffal) étoit compétent & avoit pu prévenir. L'arrêt le décida auffi de cette maniere, & l'amende qui fut de 300 livres fut adjugée au feigneur de Dorthes. M. Amyot ne fait pas mention dans fes notes de la date de cet arrêt.

2. Ce ne feroit pas affez qu'un crime eût été commis dans l'étendue. de la juftice d'un feigneur, pour en donner la connoiffance à fon Juge; il faut que cette juftice ait mixtum imperium, c'est-à-dire une jurifdiction civile & criminelle, telles que font les hautes-juftices. Nous avons cependant quelques coutumes en France qui donnent aux moyennes justices la correction de quelques crimes, & le pouvoir d'infliger les peines qui peuvent y être appliquées, comme l'admonition, le blâme, le fouet, ou un banniffement à tems, mais non perpétuel, ni les galeres, foit à tems on à perpétuité, ni la queftion, & jamais à la mort. Il n'y a que le Juge haut jufticier qui foit compétent pour prononcer ces dernieres peines contre un coupable d'un crime commis dans l'étendue de fa haute-juftice, sui-vant la qualité du crime.

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3. Tous Juges du lieu du délit, royaux ou autres, peuvent informer, décreter, interroger tous accufés, quand même il s'agiroit de cas royaux ou de cas prévôtaux, fuivant l'article 21 de la déclar tion du Roi du février 1731. Il leur eft même enjoint, par cet article, d'y procéder auffitôt qu'ils auront eu connoiffance defdits crimes, à la charge d'en avertir inceflamment les baillis & fénéchaux royaux, dans le reffort defquels ils exercent leur juftice, par acte dénoncé au greffe criminel defdits baills & fénéchaux, lefquels feront tenus d'envoyer quérir auffi inceffamment les procédures & les accufés ; ce qui ne doit s'entendre que des Juges ordinaires, & non des Juges extraordinaires, qui ne peuvent connoître que d'une certaine nature de crimes, comme les Juges des eaux & forêts; & autres. Cependant les Juges extraordinaires peuvent auffi connoître des crimes, autres que ceux pour lesquels ils ont une attribution, lorfque ces crimes ou délits font incidens & néceffairement liés avec ceux dont la connoiffance leur eft attribuée.

Tous Juges compétens

peuvent informer.

Cas efquels les Juges extraordinaires peuvent connoître d'au

tres crimes

Par arrêt du mercredi 18 Juillet 1742, rendu à la tournelle criminelle, fur les conclufions de M. d'Ormeffon, avocat général, plaidans MM. La- que ceux verdy & du Vaudier, la procédure a été déclarée nulle, parce que s'a- pourlefquels giffant d'injures & de voies de fait, elle avoit été inftruite en une maî- ils ont une trife particuliere des eaux & forêts. M. l'avocat général obferva qu'il falloit attribution. diftinguer fi le fait d'injures étoit arrivé fur le champ & à l'inftant de la pêche ou de la chaffe, ou en intervalle; qu'au premier cas il n'y avoit nul doute fur la compétence du Juge des eaux & forêts, pour informer & pour inftruire, tant du fait de pêche, que du fait d'injures, que l'on peut Pour lors être incident. Qu'au contraire lorfque le fait d'injures n'est point arrivé fur le champ, mais ex intervallo, c'est-à-dire quelque tems après le Juge des eaux & forêts n'eft plus compétent, il faut aller devant le Juge ordinaire. Que dans l'efpece, le fait de pêche étoit arrivé le & la plainte au fujet de ce fait rendue auffi-tôt. Que le fait d'injures au contraire n'étoit que de l'après-midi, nón plus que la plainte fur icelles squ'ainfi cette plainte d'injures étoit totalement diftincte & féparée II. Part.

dire

matin

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L'on ne peut compromettre en matie

de la premiere; que par conféquent elle devoit être rendue devant le Juge naturel & ordinaire. Par ces raifons, il conclut à ce que la procé dure fur le fait d'injures fût déclarée nulle; ce qui fut ainfi jugé par fufdit arrêt.

le

Il y a un pareil arrêt précédent du 6 juin 1710, au fujet d'un procès inftruit par le maître particulier des eaux & forêts d'Angers, contre le nommé Michel, dans un cas où il s'agiffoit de viel & de vol dont ce Juge avoit pris connoiffance, fous prétexte d'une occafion conjointe de challe & de pêche. Par fa fentence il avoit déclaré ledit Michel dûment atteint & convaincu d'avoir chaffé avec armes à feu & fufil brifé fur toute forte de gibier de poil & de plume, dans toutes les faifons de l'année ; d'avoir attenté à l'occafion de ladite chaffe, à l'honneur de Sufanne Berron, âgée de douze ans, & d'avoir volé à l'occafion de la pêche, la voile du bateau de Jacques Peau; pout réparation de quoi, &c. Par l'arrêt toute la procédure fut déclarée nulle en ce qui concernoit l'inftruction & les accufations des crimes de viol & de vol, & les parties furent renvoyées pardevant le lieutenant-criminel d'Angers.

4. Quiconque n'a point de jurisdiction, ne peut être Juge en matiere criminelle , pas même du confentement des parties; car c'eft une premiere recriminelle, regle qu'on ne peut compromettre fur un crime ou délit, même entre les mains des magiftrats, avocats & gradués ; le jugement que les arbitres rendroient feroit nul, fans même qu'on pût prétendre ni demander la peine portée par le compromis.

A quiappar

tient la con

noiffance des crimes commis par les of

ficiers ou fol. dats,

5. Depuis la déclaration du Roi du 13 mai 1665, il ne doit plus ▾ avoir de conflits entre les Juges des lieux où le crime ou délit a été commis, & les officiers des troupes, pour raifon de la connoiffance des crimes ou délits commis par les officiers ou foldats, puifque cette compétence eft reglée par l'article 44 de cette déclaration, qui porte que lorfque les officiers & foldats des troupes auront commis quelque crime ou délit à l'endroit des habitans des lieux de garnison, la connoiffance defdits crimes ou délits appartiendra aux Juges des lieux, fans que les officiers defdites troupes en puiffent connoître en aucune maniere; mais feulement de ceux qui fe commettent de foldat à foldat, à l'égard defquels lorsqu'ils auront été conftitués prifonniers, les officiers des troupes ne pourront les retirer ou faire retirer des prifons où ils auront été mis, fous prétexte qu'ils devront connoître de leur crime; mais feront la réquifition aux Juges, de l'autorité defquels ils auront été emprifonnés, de les leur faire remettre, fauf, en cas de refus, à fe pourvoir vers le Roi.

¶ Le 7 juin 1709, il y eut y eut plainte en forme de dénonciation devant le fieur Vincent, fubdélégué à Vitry, que quelques foldats étant venus au village des Rivieres, tirer les poules & pigeons des habitans; un de ceux-ci s'étant plaint, un foldat lui lâcha un coup de futil dans les reins, dont il lui fit fortir les entrailles; le fieur Vincent reçut la plainte & fit l'information : l'intendant averti du fait, renvoya l'instruction devant le lieutenant-criminel de Vitry, qui au lieu de recommencer de nouveau, continua l'inftruction, fuivant les derniers erremens jufqu'à fentence définitive. Appel en la cour; Arrêt qui caffe toute la procédure, fur le fon.

dement qu'elle avoit été commencée par un Juge incompétent, & qui n'avoit point jus gladii. Fait défenfes audit Vincent, fubdélégué, de plus connoître de femblables cas, & au lieutenant criminel de Vitry, de continuer les procédures commencées par le fubdélégué. Cet arrêt eft du

mars 1710.

13

6. Il y a auffi divers cas dont la connoiffance appartient & est attribuée à de certains Juges extraordinaires ratione materia, à l'exclufion des Juges ordinaires des lieux où le crime ou délit a été commis; comme font les crimes ou délits furvenus fur la mer : la compétence en appartient aux feuls Juges de l'amirauté, fuivant l'ordonnance de la marine de 1681, & la déclaration du Roi du 31 Janvier 1694.

Les officiers des eaux & forêts, par l'ordonnance du mois d'Août 1669, connoiffent pareillement feuls & privativement aux Juges ordinaires des lieux où le crime ou délit a été commis, de tous les crimes ou délits commis dans les forêts, eaux & rivieres, & pour la chaffe, entre toutes fortes de perfonnes, & au fujet de ces matieres, mais non des vols, meurtres, rapts, brigandages & excès fur des perfonnes qui paffent dans les bois & forêts, ou étant fur les rivieres & eaux ; la connoiffance de ces crimes ou délits appartiendroit au Juge ordinaire du lieu où le crime ou délit autoit été commis, à moins que les officiers des eaux & forêts n'euffent furpris les coupables en flagrant délit, auquel cas ils pourroient informer & décréter; mais ils feroient tenus de renvoyer inceffamment le prifonnier avec les charges & informations au Juge à qui la connoiffance en appartiendroit par les ordonnances. C'est la difpofition de l'article 8 du titre I de l'ordonnance des eaux & forêts de 1669.

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d'attribution,

Il y a auffi d'autres Juges d'attribution pour certains crimes & délits; Autres Juges tels font les Juges des greniers à fel qui connoiffent du faux-faunage, & les officiers des élections qui connoiffent des délits commis contre les collecteurs des tailles, & contre les commis & prépofés dans la ferme des aides, étant les uns & les autres dans leurs fonctions, dont l'appel va aux cours des aides.

Il y a encore le grand prévôt de l'hôtel, qui connoît de tous les crimes commis dans les maifons où le Roi loge, ou commis à la fuite de la cour. 7. Pour donner la compétence au Juge du lieu du crime ou délit, il n'eft pas néceffaire que l'accufé ait été pris dans le lieu où le crime ou délit a été commis; il fuffit que le crime ou délit ait été fait dans l'étendue de sa jurifdiction, quoique l'accufé n'ait pas été pris en flagrant délit, art. 35 de l'ordonnance de Moulins; fans même que le Juge du lieu du délit foit tenu de renvoyer l'accufé & prifonnier devant le Juge de fon defoir qu'il le requiere ou non; un tel déclinatoire n'eft point écouté en ce cas : la raison de l'ordonnance eft, ut incola loci commiffi delicti admout reus facilius examinetur & inveftigentur focii ejufdem criminis & que Ies preuves du crime ne fe perdent, & les témoins ne fe dérourent, comme l'obferve le Prêtre, centurie 4, chap. 52.

micile

neantzer

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On peut faire ici la queftion de favoir à qui appartiendroit la connoiffance d'un crime ou délit commis dans les extrémités & dans les confins de deux jurifdictions, lorfque l'accufé eft originaire de l'une d'icelles,

Ce qui eft requis pour

rendre comdu lieu da pétent le juge crime.

A qui appar tient la con

noiffance

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