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APPENDICE I

QU'EST DEVENU LE SÉNATUSCONSULTE VELLÉIEN DANS L'ANCIEN DROIT FRANÇAIS?

Le sénatusconsulte Velléien s'appliquait dans l'ancien droit français, mais pas de la même manière dans toutes les parties de la France. On était cependant partout d'accord pour admettre que la femme pouvait renoncer à invoquer le bénéfice du sénatusconsulte Velléien. Cette renonciation était même devenue de style dans les conventions. Henri IV rendit au mois d'août 1606 un Edit pour défendre aux notaires d'insérer à l'avenir des clauses relatives à la disposition du sénatusconsulte, et pour abroger en même temps ce texte de loi. Cet Edit permettrait donc à la femme d'intercéder pour qui bon lui semblait, aussi bien pour son mari que pour une autre personne. Certaines provinces ne se hâtèrent pas de l'enregistrer. En FrancheComté il ne fut enregistré qu'en 1704. Dans plusieurs provinces il ne fut jamais appliqué, en Normandie notamment. Ainsi, même après que l'Edit de 1606 eut été rendu, il y eut en France des provinces dans lesquelles le sénatusconsulte Velléien resta en vigueur. La question se posa alors de savoir si le sénatusconsulte rentrait dans le statut réel ou dans le statut personnel. S'il rentrait dans le statut réel, une femme normande, par exemple, se trouvait valablement obligée quand elle intercédait dans une province où l'Edit d'Henri IV recevait application, et réciproquement, une femme d'une province où l'Edit était observé jouissait du bénéfice du Velléien lorsqu'elle s'obligeait pour autrui en Normandie; s'il rentrait, au contraire, dans le statut personnel, l'inverse se produisait dans les deux cas. Merlin nous apprend que Denisart, d'Argentrée et Lebrun tenaient pour le Statut réel, et que Froland, Pothier, Boullenois, Serres faisaient rentrer le sénatusconsulte Velléien dans le statut persoonel; mais il ajoute que « les jurisconsultes sont aujourd'hui d'accord >> que la capacité de contracter doit se règler par la >> coutume du domicile, qu'alors cette coutume est regar>> dée comme personnelle. » Ainsi, à l'époque où vivait Merlin, le sénatusconsulte était classé parmi les dispositions du statut personnel.

APPENDICE II

QU'EST DEVENU LE SÉNATUSCONSULTE VELLÉIEN SOUS L'EMPIRE DU CODE CIVIL ?

Dans notre législation actuelle, le sénatusconsulte Velléien n'est plus en vigueur. Aucun texte de loi ne défend aujourd'hui à la femme de s'obliger pour autrui. La femme non mariée peut intercéder comme elle l'entend, tandis que la femme mariée ne peut le faire qu'avec l'autorisation de son mari ou de la justice. Celle-ci peut d'ailleurs s'obliger aussi bien pour son mari que pour une autre personne.

Cependant il faut bien reconnaître avec M. Gide (Etude sur la condition privée de la femme, édition de 1885, p. 449 à 456) que le principe de l'inaliénabilité des biens dotaux admis dans notre Code civil est une application de la théorie créée par Justinien à propos de la disposition du sénatusconsulte Velléien. Nous savons, en effet, que cet Empereur, dans un but de protection pour la femme, avait décidé qu'elle ne pourrait pas cautionner son mari; il avait pensé qu'elle céderait trop facilement aux sollicitations intéressées de celui-ci, et avait voulu l'empêcher de compromettre ses intérêts pour augmenter le crédit de son époux. Or, en établissant dans notre Code le principe de l'inaliénabilité de la dot, en défendant à la femme mariée sous le régime dotal d'engager ses biens dotaux dans l'intérêt de son mari, le législateur a obéi aux mêmes préoccupations que Justinien; il est facile de s'en convaincre en consultant les travaux préparatoires (voir sur ce point la dissertation de M. Deloynes, dans la Revue critique de législation et de jurisprudence, 1882, P. 541). C'est ainsi que le tribun Siméon disait : « L'ina>> liénabilité de la dot, modifiée par les causes qui la >> rendent juste et nécessaire et que la loi exprime, a l'avan>> tage d'empêcher qu'un mari dissipateur ne consume le >> patrimoine maternel de ses enfants, qu'une femme faible >> ne donne à des emprunts et à des ventes un consente> ment que l'autorité maritale obtient presque toujours, > même des femmes qui ont un caractère et un courage au> dessus du commun. »

Mais lorsque la femme n'est pas mariée sous le régime dotal ou lorsque, soumise à ce régime, elle n'engage pas ses biens dotaux, elle peut très valablement cautionner une personne quelconque, une fois munie de l'autorisation de son mari ou de la justice.

Outre le droit reconnu à la femme de s'obliger pour autrui, il est admis dans notre législation que la femme mariée peut, en règle générale, dans son propre intérêt, dans l'intérêt de son mari ou d'une autre personne, inves tir un tiers de l'hypothèque que lui accorde l'article 2121 du Code civil sur l'ensemble des immeubles de son mari. Cette transmission de droit hypothécaire, connue dans la pratique sous le nom de subrogation à l'hypothèque légale de la femme mariée, va maintenant faire l'objet de notre étude.

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DROIT FRANÇAIS

DE LA SUBROGATION A L'HYPOTHÈQUE LÉGALE

DE LA FEMME MARIÉE

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