touchait la somme qu'elle avait pris l'engagement de payer, elle n'était plus protégée par le Velléien. Sous Justinien, il n'est plus nécessaire que la somme reçue par la femme soit égale au montant de son obligation : il suffit qu'elle ait touché quelque chose pour être déchue du droit de se prévaloir de la disposition du sénatusconsulte. Dans les hypothèses qui nous occupent l'obligation de la femme a pu prendre naissance sans être relatée dans un acte public signé de trois témoins (nous l'avons déjà dit à la section première du présent chapitre). Si cet acte public signé de trois témoins n'a pas été dressé, il appartient à celui auprès duquel la femme a intercédé de prouver qu'elle a reçu quelque chose pour prix de son intercession, s'il veut qu'elle soit définitivement tenue envers lui; s'il ne peut pas le prouver, la femme peut invoquer le bénéfice du sénatusconsulte Velléien. Lorsque l'obligation de la femme pour autrui aura été constatée dans un acte public signé de trois témoins, le créancier n'aura pas besoin de prouver que la femme a eu avantage pécuniaire en faisant une intercession si celle-ci a déclaré dans l'acte même qu'elle a reçu quelque chose pour intercéder. Cette déclaration devra toujours être regardée comme l'expression de la vérité. 3o L'obligation de la femme pour autrui est valable lorsqu'elle a été faite pro libertate (1, 24, Code, h. tit.), c'està-dire que la femme n'a pas le privilège du sénatusconsulte lorsqu'elle s'est obligée pour un esclave auprès du propriétaire de cet esclave dans le but de lui faire donner la liberté. Par exemple, Titius a pour esclave Pamphile. Ce dernier promet à son maître de lui payer cinq cents sesterces s'il l'affranchit. Une femme, Sempronia, se porte caution pour Pamphile. Si, après avoir affranchi l'esclave, Titius réclame les cinq cents sesterces à Sempronia, celleci ne pourra pas se refuser à les lui payer: quoiqu'elle ait intercédé, elle est privée du bénéfice du Velléien, parce qu'elle s'est obligée pro libertate. C'est dans l'intérêt du maître que l'empereur Justinien a pris cette décision: << Satis et enim acerbum est, dit-il, et pietatis rationi contra>> rium, dominum servi, qui credidit mulieri, sivè soli, >> sivè post servi promissionem, et libertatem servo impo>> nere et suum famulum perdere, et ea minimè accipere >> quibus fretus ad hujusmodi venit liberalitatem. » Ce qui veut dire qu'il est bien assez pénible pour un maître de perdre son esclave, sans qu'il soit encore exposé à ne pas toucher ce qu'on a promis de lui payer pour l'affranchir. 4° La femme s'oblige encore valablement en intercédant pro dote (l. 25, Code, h. tit.). Nous avons vu qu'avant Justinien il était admis qu'une mère intercédant dans le but de doter sa fille ne pouvait pas se refuser à payer la dot en invoquant le texte du sénatusconsulte Velléien. Justinien va plus loin, et décide que dès qu'une femme intercède pour doter une personne quelconque, elle fait un acte valable. Tels sont les cas dans lesquels, à l'époque de Justinien, l'intercession de la femme est efficace. Nous rappelons que dans tous, sauf dans celui où la femme a touché quelque chose pour prix de son intercession et dans celui où le créancier a été excusable d'ignorer qu'il s'agissait de l'intercession d'une femme, l'obligation de la femme ne peut prendre naissance que si elle est constatée par acte public signé de trois témoins. SECTION IV DE LA RENONCIATION AU BÉNÉFICE DU SÉNATUSCONSULTE VELLÉIEN Sous Justinien il n'est douteux pour personne que la femme puisse valablement renoncer au bénéfice du sénatusconsulte Velléien. Cela découle de la loi 3 au Code, 5, 35, où il est dit qu'une femme pour obtenir la tutelle de ses enfants doit préalablement renoncer à invoquer le Velléien. Cette solution est confirmée par la Novelle 118, ch. 5, qui décide que la mère ou l'aïeule peuvent être tutrices de leur fils ou petit-fils à la condition de renoncer à se prévaloir de la disposition du sénatusconsulte, << si auxilio Velleiani senatusconsulti renuntiant. >>> Nous avons déjà vu, d'ailleurs, en étudiant le principium de la loi 23 au Code, hoc tit., que la femme est privée du bénéfice du sénatusconsulte Velléien lorsqu'elle a reçu quelque chose pour prix de son intercession, et que, dans l'hypothèse où un acte public signé de trois témoins a été rédigé pour constater l'intercession, le créancier n'a pas besoin de prouver que la femme a effectivement touché quelque chose, si celle-ci a déclaré dans l'acte l'avoir touché. Or, il est bien évident que rien n'empêche la femme de dire qu'elle a reçu de l'argent lorsqu'en réalité elle n'a rien reçu, et, en ce cas, sa déclaration n'est autre chose qu'une véritable renonciation au bénéfice du Velléien. Selon la remarque de M. Gide, « en ordonnant >> qu'une telle déclaration soit tenue pour vraie, quelque >> invraisemblable qu'elle puisse être, le nouveau législateur >> veut évidemment ménager à la femme un moyen >> commode d'éluder la défense du Sénat. >>> Certains auteurs ont prétendu que si une femme renonçait à se prévaloir du bénéfice du sénatusconsulte Velléien, elle se liait d'une manière irrévocable, bien que son intercession n'eût pas été entourée des formalités prescrites par la loi 23, § 2, au Code, h. tit., c'est-à-dire constatée par acte public signé de trois témoins. Nous ne pouvons partager cette opinion, attendu qu'il n'est pas possible de valider ce qui n'existe pas: on peut rendre efficace un acte déjà formé, mais entaché d'une cause de nullité, mais on ne peut pas donner l'efficacité au néant. Pour le même motif, la femme ne pourrait pas, au moyen d'une renonciation au privilège du Velléien, rendre valable une obligation contractée par elle dans l'intérêt de son mari au mépris de la disposition de la Novelle 134, ch. 8. Pour que la renonciation soit valable, il faut qu'elle soit faite par la femme en connaissance de cause: si le créancier parvient à obtenir une renonciation de la part d'une femme qui ignore les conséquences de l'acte qu'elle accomplit, on ne tient pas compte de ce qui se fait, et tout se passe comme s'il n'y avait jamais eu de renonciation. SECTIONV EFFETS DE L'INTERCESSION DE LA FEMME Les effets de l'intercession d'une femme sont ceux que nous avons exposés dans notre chapitre quatrième. La seule innovation introduite par l'Empereur consiste dans le fait ci-après: nous avons dit en parlant des actions restitutoria et institutoria que, lorsque l'on se trouve dans un des cas où la femme est valablement obligée, la libération du débiteur est définitive, que, par suite, le créancier ne peut recourir que contre la femme. Justinien, dans la loi 23, § 1, Code, h. tit., examinant une hypothèse dans laquelle la femme est privée du bénéfice du Velléien (l'hypothèse dans laquelle elle a reçu quelque chose pour prix de son intercession), décide que le créancier aura un recours contre elle, et il ajoute que, s'il ne peut pas obtenir d'elle la totalité de la dette, il aura le droit de poursuivre l'ancien débiteur pour une portion de la dette si la femme a payé en partie, pour la totalité de la dette si la femme ne lui a rien donné. Ainsi sous Justinien la libération du débiteur dont la femme a pris la place n'est plus définitive. SECTION VI CARACTÈRE DES INNOVATIONS DE JUSTINIEN A partir du moment où l'Empereur Justinien apporta des réformes dans la matière de l'intercession de la femme, la prohibition faite à celle-ci de s'obliger pour autrui ne reposa plus du tout sur des nécessités d'ordre public, mais bien sur des considérations d'ordre privé. Avant Justinien, en effet, le principe est que la femme ne peut valablement s'obliger pour personne. Sous Justinien, elle peut, grâce à la faculté qu'elle a de renoncer à invoquer la disposition du sénatusconsulte Velléien, s'obliger pour tous sauf pour son mari; à cette époque, son incapacité tient uniquement à sa position de femme mariée et non pas à son sexe. Le but de l'Empereur a été simplement d'assurer la conservation de la dot en mettant l'épouse à l'abri de l'influence maritale. |