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si sa créance n'est pas encore exigible, intenter l'action en déclaration d'hypothèque qui a pour but de forcer le tiers acquéreur à reconnaître en justice que l'immeuble qu'il détient est grevé d'une hypothèque au profit du subrogé.

APPENDICE

CRITIQUE DE LA DISPOSITION DE L'ARTICLE 9
DE LA LOI DU 23 MARS 1855

Il a semblé illogique à certains auteurs d'accorder à la femme une hypothèque légale contre son mari, et de lui permettre en même temps de se dépouiller de cette hypothèque dans l'intérêt de son mari avec la seule autorisation de celui-ci.

Aussi les uns ont-ils proposé de supprimer l'hypothèque légale de la femme mariée, et de proclamer son entière capacité (Wolowski, Revue de législation, XXV, de la Société conjugale), et les autres ont-ils demandé le maintien de l'hypothèque légale, mais ont-ils voulu que la femme ne pût en disposer qu'avec l'autorisation de la justice.

Les premiers font remarquer qu'il est nuisible pour le crédit public d'opposer un obstacle à la libre circulation des biens du mari sous tous les régimes matrimoniaux en les frappant d'une hypothèque au profit de la femme. Ils reconnaissent que l'hypothèque légale est inhérente au régime dotal et ne saurait en être séparée, car la loi, en rendant la dot immobile, doit aussi en assurer la conservation, mais ils prétendent que sous les régimes qui associent la femme aux affaires du mari, et lui permettent de profiter de sa bonne administration, il est juste de ne pas la protéger contre les chances de perte.

Les seconds se basent aussi sur l'intérêt public pour demander le maintien de l'hypothèque légale sous tous les régimes matrimoniaux : l'Etat, disent-ils, est intéressé à protéger contre sa propre faiblesse la femme mariée incapable par elle-même de veiller à ses intérêts pécuniaires. D'ailleurs ils sont d'avis que le fait de défendre absolument à la femme de disposer de l'hypothèque légale dans l'intérêt de son mari nuirait au crédit de celui-ci; mais, d'un autre côté, ils affirment qu'il y a de nombreux inconvénients à permettre à la femme de disposer de son hypothèque légale dans l'intérêt de son mari avec la seule autorisation de ce dernier, parce qu'ils redoutent que l'influence de l'époux sur sa femme ne pousse celle-ci à céder sa garantie hypothécaire sans réflexion et à s'imposer de gros sacrifices. Aussi demandent-ils que la femme mariée ne puisse disposer de son hypothèque légale qu'avec l'autorisation de la justice. De cette manière la femme sera protégée à la fois contre sa propre faiblesse et contre les sollicitations intéressées de son mari. L'un et l'autre de ces systèmes doivent, selon nous, être repoussés.

D'abord, l'hypothèque légale ne doit être supprimée sous aucun régime, parce que l'épouse ne pourrait jamais, dans la crainte où elle serait de troubler la paix du ménage, exiger de son mari devenu son débiteur une sûreté réelle comme elle l'exigerait de tout autre débiteur. Le législateur, pour maintenir l'union entre les époux, doit nécessairement accorder à la femme la garantie qui lui est utile. L'hypothèque légale est indispensable à l'épouse, car c'est seulement grâce à ce droit que l'égalité peut régner dans la société conjugale. Ainsi que le fait remarquer M. Gide, << l'association conjugale serait la plus inique des sociétés, >> elle serait, suivant l'expression des légistes, une société >> léonine, si le même acte, qui confère au mari avec le titre >> de chef de communauté un droit sur tous les biens de la >> femme, ne donnait à la femme en retour, dans l'hypo>> thèque légale, un droit sur tous les immeubles du >> mari. >>>

En second lieu, il n'est pas pratique d'exiger que la femme mariée ne puisse disposer de son hypothèque légale qu'avec l'autorisation de la justice. Les tribunaux se trouveraient en effet, si cette exigence se réalisait, envahis par une foule de demandes en autorisation qu'ils devraient, ou bien ne résoudre qu'au bout d'un temps assez long, ou bien n'examiner qu'à la légère s'ils voulaient les expédier promptement. Or, vu la célérité réclamée par les affaires, il est indispensable qu'une demande de cette nature soit promptement expédiée, et, d'autre part, il faut qu'elle soit examinée avec soin. Enfin, il n'est pas convenable de forcer le mari à dévoiler l'état de ses affaires, et de faire intervenir les tribunaux dans des actes qui peuvent être inspirés à la femme uniquement par des sentiments d'affection.

Nous sommes ainsi amenés à conclure: 1o que la femme mariée doit, sous tous les régimes, être protégée par une hypothèque légale sur les biens de son mari; 2° qu'elle doit pouvoir disposer de cette hypothèque dans l'intérêt de son mari; 3° qu'il serait mauvais de n'autoriser la femme à disposer de son hypothèque dans l'intérêt de son mari qu'avec l'autorisation de la justice.

L'autorisation du mari est parfaitement suffisante pour permettre à la femme de disposer de son hypothèque légale dans l'intérêt de celui-ci, du moment qu'elle n'a la possibilité d'accomplir cet acte qu'en le revêtant du caractère de l'authenticité. La femme cédera plus rarement qu'on ne le croit aux sollicitations intéressées de son mari pour consommer des sacrifices excessifs, car la présence d'un officier public et les lenteurs inhérentes à la rédaction d'un acte authentique lui assurent ordinairement la liberté et la réflexion nécessaires pour apprécier l'opportunité de ce qu'elle va faire.

Ainsi donc, nous sommes partisans de la conservation de la loi actuelle en tant qu'elle permet à la femme mariée de céder son hypothèque légale dans l'intérêt de son mari avec la seule autorisation de celui-ci, en faisant constater la cession dans un acte authentique. Mais nous croyons la disposition de l'article 9 de la loi du 23 mars 1855 incomplète à deux points de vue :

1o Une disposition spéciale prohibant les subrogations tacites mettrait un terme aux difficultés qui s'élèvent lorsqu'il s'agit de déterminer de quels faits résulte une cession de l'hypothèque légale, et éviterait les procès qui naissent à la suite d'une fausse interprétation donnée à un contrat où une femme mariée a été partie.

2o Il serait nécessaire que les actes qui, tout en n'entraînant pas subrogation à l'hypothèque légale, dépouillent cependant la femme de son droit, fussent soumis, comme les actes de subrogation, à l'authenticité et à la publicité. En effet, en premier lieu, la femme se démunissant de sa garantie hypothécaire, aussi bien dans l'hypothèse d'une renonciation purement extinctive que dans l'hypothèse d'une cession, et le législateur ayant imposé à la subrogation le caractère authentique dans le but de mettre à côté de la femme un guide chargé de l'éclairer sur les conséquences de l'abandon qu'elle réalise, la loi nous parait incomplète en ne protégeant pas la femme mariée toutes les fois qu'elle se dépouille de son hypothèque légale. En second lieu, les tiers ayant intérêt à connaître tous les contrats passés par la femme relativement à son droit d'hypothèque légale, il serait utile de soumettre les renonciations extinctives, comme les cessions, à des mesures de publicité.

Un projet de loi, adopté par la Chambre des députés en première délibération le 19 avril 1886 et en seconde délibération le 27 mai 1886 (voir les numéros du 20 avril 1886 et du 28 mai 1886 du Journal Officiel) déclare :

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