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leur mère se remarie; ils peuvent seulement le devenir dans la suite (art. 396 C. civ.).

§ 2o. - Quand y a-t-il renonciation tacite au profit de l'acquéreur d'un immeuble du mari?

Si la femme s'associe à l'aliénation d'un immeuble faite par son mari, ce concours ne s'explique en général qu'en supposant chez elle la volonté de renoncer à son droit hypothécaire au profit de l'acquéreur, « car, ainsi >> que le dit Pothier, le débiteur n'ayant pas besoin du >> consentement de son créancier pour aliéner ses héritages >> avec la charge des hypothèques, le consentement du >> créancier ne peut paraître requis et donné pour une >> autre fin que pour remettre son hypothèque. » C'est seulement dans le cas où il résulterait des circonstances que le consentement donné par la femme à l'aliénation peut recevoir une autre interprétation, que l'on ne devrait pas admettre la renonciation (Cassation, 30 juin 1856, Sirey, 57, 1, 260). — Si la femme, sans se porter covenderesse, déclare garantir solidairement avec son mari la vente que celui-ci opère, renonce-t-elle par ce seul fait à son droit hypothécaire en faveur de l'acheteur ? Oui, car garantir une vente, c'est promettre qu'elle sera exécutée, c'est s'engager à protéger l'acheteur contre tout danger d'éviction. Or, cet engagement ne serait pas tenu si la femme conservait le droit d'évincer l'acheteur, soit par elle même, soit par un ayant-cause à titre particulier, devenu cessionnaire de son hypothèque sur le bien postérieurement à la vente. En garantissant la vente, la femme renonce donc à l'hypothèque légale qu'elle possède sur l'immeuble aliéné. Peu importe d'ailleurs qu'elle se porte garante au moment où le mari aliène ou seulement après : dans l'une comme dans l'autre hypothèse, elle prend à sa charge la même obligation, et, par suite, son acte doit entraîner des conséquences identiques.

Lorsque, sous le régime de la communauté, le mari a vendu un immeuble commun, l'acceptation de la communauté par la femme a-t-elle pour conséquence de la faire considérer comme ayant concouru à la vente et, par suite, renoncé à son hypothèque légale sur le bien vendu ? La jurisprudence et la majorité des auteurs ont résolu affirmativement cette question. Mais, ainsi que le fait remarquer M. Planiol, agrégé dela Faculté de droit de Rennes (Revue critique de législation et de jurisprudence, 1886, p. 616), le motif généralement invoqué à l'appui de cette solution n'est pas exact. Ainsi la Cour de Paris (arrêt du 6 juin 1882; Sirey, 85, 2, 116) répétant ce que disait en 1870 la Cour de Bordeaux, prétend qu'en acceptant la communauté la femme se rend garante des actes de son mari. Si cela était vrai, c'est-à-dire si l'acceptation de la communauté équivalait à une ratification, la femme acceptante perdrait le droit d'attaquer les actes que son mari a pu faire au delà de ses pouvoirs; or, il n'en est pas ainsi. Nous pensons que la femme ne peut pas exercer son hypothèque légale sur les conquêts aliénés par le mari quand elle a accepté la communauté parce que son acceptation est la consolidation définitive de sa qualité d'associée. « Or, celui-ci, >> ayant pleins pouvoirs pour aliéner le bien commun, a >> agi à la fois pour son compte personnel et comme >> représentant de sa femme. Celle-ci a donc été représen>> tée par lui dans l'acte d'aliénation, et la participation >> qu'elle est réputée y avoir prise entraîne renonciation à >> son hypothèque légale » (Planiol, déjà cité).

§ 3o. - Quand la renonciation tacite à l'hypothèque légale équivaut-elle à une subrogation à cette hypothèque ?

La question que nous nous posons revient à celle-ci : quand la renonciation tacite est-elle transmissive ? Si l'on peut connaître l'intention des parties sur ce point, il faut s'y conformer, et considérer la renonciation comme transmissive quand telle a été leur volonté. S'il n'y a rien dans les circonstances de la cause qui permette de rencontrer cette volonté, il faudra donner aux renonciations tacites le même caractère qu'aux renonciations expresses : les renonciations tacites consenties à des créanciers devront être considérées comme transmissives. Quant à celles qui interviennent au profit d'acquéreurs d'immeubles du mari, nous avons dit en parlant des renonciations expresses qu'il fallait les considérer comme investitives dans tous les cas où l'acquéreur avait plus d'intérêt à ce qu'elles eussent ce caractère qu'un caractère simplement extinctif. Si nous donnons cette solution, c'est parce que nous la croyons conforme à l'intention probable de la renonçante et de l'acquéreur. Il n'est pas douteux, en effet, que celuici ait voulu être protégé aussi efficacement que possible. La femme ne pouvait évidemment pas ignorer qu'il eût ce désir. Dès lors, si elle avait entendu ne pas l'investir de son hypothèque légale, elle aurait dû le déclarer. Elle n'a rien dit à ce sujet : son silence doit donc être considéré comme entraînant son consentement à la cession de son droit hypothécaire au profit de l'acquéreur. Lorsque cet acquéreur est aussi efficacement protégé par une renonciation purement extinctive que par une renonciation transmissive, il est raisonnable de supposer qu'il n'a pas tenu à être cessionnaire du droit de la femme, et il faut alors considérer la renonciation tacite comme n'étant pas investitive. Nous croyons utile de faire de nouveau remarquer que si la renonciation consentie à l'acquéreur 'd'un immeuble du mari est transmissive, elle a pour conséquence de faire perdre à la femme et son hypothèque légale et sa créance; elle ne rentre donc pas dans la définition que nous avons donnée de la subrogation à l'hypothèque légale de la femme mariée. Au contraire, la renonciation transmissive dont le bénéficiaire est un créancier est une véritable subrogation à l'hypothèque légale, car l'hypothèque seule est transmise au créancier, et la créance reste à la femme.

CHAPITRE III

DE LA CAPACITÉ REQUISE CHEZ LA FEMME POUR SUBROGER

Nous ne trouvons dans la loi du 23 mars 1855 rien qui nous renseigne sur le point de savoir quelle doit être la capacité de la femme mariée pour subroger à son hypothèque légale. L'article 9 de cette loi nous prouve d'ailleurs que le législateur n'a pas entendu innover sur ce point, mais bien s'en rapporter au droit préexistant, puisqu'il se contente de dire : << Dans le cas où les femmes peuvent >> céder leur hypothèque ou y renoncer, etc... » La capacité de l'épouse doit donc être réglée conformément aux principes généraux de notre Code civil. Dans quels cas la femme peut-elle subroger, dans quels cas ne le peut-elle pas, telle est la question que nous avons à résoudre.

Nous devons dire tout d'abord que chaque fois que nous reconnaîtrons à la femme la capacité nécessaire pour subroger, nous sous-entendrons qu'elle doit préalablement être autorisée à le faire par son mari ou par la justice. Cette autorisation est nécessaire même sous le régime de séparation de biens, attendu que si l'article 1449 du Code civil permet à la femme d'accomplir de sa propre autorité des actes d'administration, il exige qu'elle soit autorisée à accomplir les actes de disposition; or, la subrogation à l'hypothèque doit, de l'avis de tous, être rangée au nombre des actes de disposition.

Nous sommes d'avis avec M. Merignhac (Traité des contrats relatifs à l'hypothèque légale de la femme mariée, 1882, p. 81, note 1) que « la femme mineure ne peut

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