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avait acquis le jus capiendi (7). Quoiqu'il en soit, comme nous l'avons dit, ces lois, auxquelles Théodose-le-Grand avait soustrait les décurions (8), furent complètement abolies au commencement du ve siècle de notre ère. Elles étaient en contradiction trop directe avec le christianisme qui, par un excès inverse, favorisait le célibat.

Succession ab intestat

23. J'ai à peine parlé des droits de succession ab intestat entre époux dans les deux chapitres précédents, parce qu'il m'était alors impossible de considérer ces droits autrement que comme résultant de règles établies dans un but exclusivement politique. Le premier, le préteur romain, à côté du vieux principe de dévolution héréditaire, posa un principe nouveau qui se développa peu à peu et finit par détrôner l'autre. Ce principe consiste à distribuer ab intestat les biens du défunt en prenant pour guides ses sentiments d'affection, c'est-à-dire à appliquer sa volonté présumée. Dès lors il n'y eut plus de pugilat, pour employer l'expression énergique du jurisconsulte (1), entre les successions testamentaires et ab intestat: le législateur tenta de régler la succession du défunt comme il pensa que celui-ci l'eût réglée lui-même.

A ce point de vue, nous devons dire un mot de la succession prétorienne connue sous le nom de bonorum possessio unde vir et uxor. Le préteur appela les époux à se succéder réciproquement à défaut de tous autres successeurs. Généralement, l'époux ne primait que le fisc; mais, dans le cas où le défunt avait été émancipé sans contrat de fiducie, l'époux passait avant les parents naturels de

(7) 62. D. 28. 5.

(8) C. th. XII. 1.

(1) 7. D. 50. 17.

l'étranger émancipateur. Dans tous les cas, d'ailleurs, il primait le fisc, bien qu'une constitution suppose un époux revendiquant les donations à lui faites par son conjoint, dont le fisc détient les biens. L'époux n'était pas héritier d'après le droit civil; il était loco heredis et devait demander au préteur la possession des biens. Il pouvait arriver qu'il ne le fit pas, et le fisc entrant alors en possession, l'époux pouvait avoir à lui réclamer le montant des donations qui lui étaient faites (2). Le conjoint qui avait reçu du prèteur la bonorum possessio, avait l'interdit quorum bonorum et la petitio hereditatis possessoria pour exercer ses droits (3). Le droit de succession supposait l'existence du mariage au moment du décès: le divorce le faisait évanouir. Inversement, si une affranchie divorçait avec son patron malgré lui, bien que le mariage ne fût pas dissous, elle était punie par la perte de ses droits successoraux. Il en était toujours de même en cas de divorce irrégulier, d'après la loi Julia de adulteriis (4).

La bonorum possessio unde vir et uxor, créée par le préteur sans doute vers la fin de la République quand la manus tomba en désuétude, survécut à la refonte par Justinien des droits successoraux. Cette refonte était, en effet, inspirée par la même idée qui avait donné naissance à la bonorum possessio unde vir et uxor, et Justinien put maintenir celleci dans le système nouveau qu'il organisait.

(2) Inst, de Gaïus. III. 32.

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9. C. th. 5. 1. 1. С. 5. 16. Inst. de Just. III. 9. 3. - Théophile, s. le tit. 9 du liv. III des Inst.

(3) Inst. de Gaius. VI. 144. - D. 5. 5.

(4) 1. D. 38. 11. - 11, pr. D. 24. 2.

CHAPITRE QUATRIÈME

SÉNATUSCONSULTE DE SÉVÈRE ET CARACALLA

Fin de l'époque classique.

24. Depuis Nerva et pendant un siècle l'empire romain eut la chance d'avoir à sa tête une série de grands hommes dont le génie sut remédier à l'un des vices fondamentaux du régime monarchique. Au lieu de laisser au hasard de la naissance la transmission de la couronne, ils choisirent leurs successeurs à l'aide de l'adoption pour donner le pouvoir suprême aux plus dignes. Marc-Aurèle, le dernier d'entre eux et non pas le moins illustre, eut la faiblesse de ne pas suivre l'exemple de ses prédécesseurs: il laissa l'empire à son fils. Avec Commode finit le grand siècle des Antonins. Désormais le despotisme et l'anarchie fondent sur la civilisation romaine qui va décliner avec de rares moments d'arrêt dans la chute. Déjà d'ailleurs le christianisme bat en brèche l'ancien ordre de choses; bientôt il appellera les barbares à son secours, et toute la société antique sombrera sous l'envahissement des idées nouvelles. Mais, en vertu de la vitesse acquise, la science du droit continue cependant à se développer quelque temps encore. Les plus grands jurisconsultes sont postérieurs au grand siècle. Papinien, le prince des jurisconsultes, vit sous Septime Sévère et sous Caracalla. Il est vrai, et l'on peut y voir un signe du temps, qu'il meurt préfet du prétoire, assassinė sur l'ordre de Caracalla, assassin de son frère Géta, pour avoir refusé de faire au sénat l'apologie du crime de cet empereur fratricide. Enfin, avant de s'éteindre avec Modestin, la science du droit jette une vive lueur sous Alexandre Sévère avec les célèbres émules Paul et Ulpien, amis et commentateurs de Papinien.

A ce point culminant de la législation romaine, nous avons à étudier un sénatusconsulte de confirmandis donationibus d'une importance capitale qui fut rendu par le sénat en l'an 959 de Rome. Plusieurs textes attribuent ce sénatusconsulte à Sévère (1); d'autres l'attribuent à Caracalla (2); d'autres enfin l'attribuent aux deux empereurs, et Ulpien nous explique que Caracalla, associé à l'empire par Sévère qui en était alors le chef, porta le projet au sénat (3).

Cas d'application du sénatusconsulte.

25. Ce sénatusconsulte fut inspiré par le même esprit de douceur et de bienveillance qui dominait toute notre matière. Frappé de la dureté de la règle qui permettait à la cupidité et à l'avarice des héritiers d'enlever au conjoint ce que le défunt lui avait laissé sans le réclamer, le législateur voulut qu'on respectât la volonté présumée de celui-ci et qu'on réprimât l'avidité de ceux-là. Les donations entre vifs, nulles en principe, étaient ordinairement confirmées par un acte de dernière volonté : le sénat décréta que la volonté du donateur persistante jusqu'à sa mort de maintenir la donation, équivaudrait à une confirmation expresse par testament, et il présuma cette volonté persistante par cela seul qu'il n'y avait pas eu révocation (1). Le sénatusconsulte, dont Ulpien nous a con

(1) Fragm. vat. 276. - 23. D. 24. 1. - 10. С. 5. 16.

(2) 3, pr.; 32, 1. D. 24. 1.

(3) Fragm. vat. 294. - 3. С. 5. 16. - 32: pr. et 1. D. 24. 1.

(1) 32; pr., I et 2, D. 24. 1.

servé les termes, ne visait expressément que les donations ayant reçu exécution du vivant du donateur, et les jurisconsultes contemporains l'appliquèrent sans doute à la lettre, étant donné le motif principal qui l'avait inspiré : le scandale causé par les héritiers arrachant au conjoint ce que le défunt lui avait laissé pendant sa vie. Le sénatusconsulte ne fut d'abord appliqué qu'aux donations de choses à la suite desquelles le donataire avait été mis en possession. S'il ne s'agissait que de simples promesses, les motifs qui avaient inspiré le décret nouveau n'avaient plus la même force, et nul doute que le donataire ne pût point actionner les héritiers du donateur décédé. Nous avons à cet égard un texte de Papinien qui ne peut laisser aucun doute (2).

Mais, peu de temps après, la portée du sénatusconsulte fut étendue. On en interprêta les termes dans le sens bienveillant et on l'appliqua à toutes les donations entre vifs faites entre époux. Le sénatusconsulte avait pour objet, en protégeant le donateur contre l'entraînement auquel il pourrait se laisser aller, de respecter en même temps sa volonté libre et réfléchie. Il laissait ouverte la voie du repentir, mais le prédécès du donateur sans révocation confirmait tacitement la donation. On admit cette solution, non seulement au cas de donation de choses expressément prévu par le sénatusconsulte, mais on l'étendit à tous les cas. On présuma d'une façon générale que le donateur, en faisant ce qui était interdit, avait voulu faire ce qui était permis et on appliqua aux donations entre vifs confirmées les règles des donations à cause de mort (3). Divers textes d'Ulpien nous révèlent cette nouvelle doctrine. Le jurisconsulte nous dit qu'il faut appliquer l'innovation aux obligations créées donationis causâ, comme aux donations de choses.

(2) 23; 32, 2. D. 24. 1. - Fragm, vat. 294. (3) 32: 1, 3, 23; 33. D. 24. 1.

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