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le commodum repræsentationis. S'il y avait lieu à réduction des libéralités, la réduction ne porterait dans tous les cas que sur la partie du legs qui peut être considérée comme telle d'après ce que nous venons de dire (9). Il faut appliquer sans doute ces considérations à la donatio mortis causâ de la dot (10). Outre la dot, dont le legs, prælegatum ou relegatum dotis, était dicté au mari surtout par une idée de restitution, l'habitude était qu'il léguât à sa femme tout ce qui avait été destiné à son usage. Ce legs était tellement usuel qu'il avait des règles d'interprétation particulières. D'ordinaire sa formule était détaillée (11). Les donations prohibées faites à la femme libre, comme les donations inutilement faites à la femme in manu, étaient généralement confirmées par legs et valaient à ce titre (12). Enfin le mari faisait fréquemment à sa femme un legs d'usufruit.

Quant aux fideicommis, ils sont ici en principe soumis aux règles des institutions d'héritiers ou des legs, suivant qu'ils sont universels ou particuliers. Cependant la loi Voconia ne fut pas appliquée aux fideicommis, tolérance dont on usa depuis leur apparition sous Auguste et qui finit par amener la désuétude de cette loi. Les donations à cause de mort irrégulières pouvaient, comme les legs, valoir à titre de fideicommis (13).

Depuis que la femme avait une action pour réclamer la restitution de sa dot, le legs de la dot faisait double emploi avec cette action. Un édit prétorien de alterutro força la femme à choisir entre son action rei uxoriæ et les libéralités testamentaires de son mari. (Peut-être faut-il

(9) Instit. de Just. II. 20. 15. - 1, 12. D. 33. 4. - 1: 1 et 5. C. 5. 13. (10) 1, 1. D. 33.4.

(11) 49, 4. D. 32.

(12) 10, 7. D. 30.

(13) Inst. de Gaïus, II. 274. -18, 2; 28. D. 39. 6.

étendre la règle aux donations mortis causâ et à celles confirmées par le sénatus consulte). Cet édit s'appliquait au legs de la dot d'après la règle : bis de eadem re ne sit actio. Mais il parait s'appliquer moins heureusement aux autres dispositions. Cependant, peut-on dire, le préteur voulut que la femme, qui refusait d'accepter la décision de son mari, quant à la part qu'il avait cru devoir lui faire, et qui en appelait aux tribunaux, dut se contenter de la part que la loi lui assignait. Elle avait donc à choisir entre l'action rei uxoriæ, d'une part, et, d'autre part, l'action ex testamento, la petitio hereditatis ou l'action familiæ erciscundæ, et la persecutio extraordinem, une voie excluant l'autre, même si la femme échouait dans celle qu'elle avait choisie. Le mari d'ailleurs pouvait autoriser formellement le cumul. Enfin la prohibition du cumul ne s'appliquait pas à l'action ex stipulatu de dote, sauf déclaration expresse du mari, et Justinien déclara d'une manière générale le cumul possible, décidant seulement que si le legs était fait en compensation de la dot, la femme ne pourrait en obtenir qu'une fois la valeur (14). Les libéralités testamentaires sont soumises en principe aux mêmes causes de révocation que les donations à cause de mort: elles sont révocables ad nutum et la révocation peut être formelle ou tacite. Elles deviennent caduques pour les mêmes causes. Enfin elles sont réductibles d'après les règles de la Falcidie (15) et sont soumises à l'application des lois caducaires.

22. Les lois caducaires s'appliquèrent à toutes les libéralités à cause de mort, étendues qu'elles furent des libéralités testamentaires aux donations mortis causâ et à

(14) 7. Code. th. 4.4.- 53: pr. et 1. D. 31.- 46. D. 24. 3.- 78, 4. D. 36. 1.1, 3. C. J. 5. 13. Esmien. Nouv. rev. hist. 1884, p. 1.

(15) Inst. de Just. II. 23. 5. -32, 1. D. 24. 1. - 42, 1. D. 39. 6.-2;5; 12. С. 6. 50.-64; 68, 2. D. 35. 2.- 1, 12. D. 33. 4.- 1, 10; 57; 81: 1 et 2.D. 35. 2.

l'acquisition de la dot par le mari survivant, puis, après le sénatusconsulte de Caracalla, que nous étudierons bientôt, aux donations entre vifs confirmées d'après ses dispositions. Ces lois, la loi Julia de maritandis ordinibus de l'an 757 et la loi Papia Poppæa de l'an 762 de Rome, portées sous Auguste pour encourager les mariages et la procréation des enfants, n'avaient pas pour but un intérêt privé, mais l'intérêt public de la cité. Elles tombèrent en désuétude vers le commencement du Ive siècle de notre ère et furent abolies en l'an 320 par Constantin, premier empereur chrétien. Toutefois leurs dispositions relatives aux époux, désignées plus spécialement sous le nom de lois décimaires, furent exceptées de cette abrogation et ne furent complètement abolies qu'un siècle plus tard par les empereurs Honorius et Théodose II (1).

Les lois caducaires frappaient de certaines déchéances, quant aux libéralités mortis causâ à elles faites, les personnes célibataires, les cælibes, et celles qui bien que mariées n'avaient pas d'enfants, les orbi. Entre époux, il ne pouvait être question de frapper l'un d'eux comme célibataire: on ne pouvait s'arrêter raisonnablement à cette considération que le mariage était dissous lorsqu'il venait pour prendre les avantages qui lui étaient faits dans la succession du prédécédé. Cependant les conjoints étaient atteints des peines du célibat quand leur mariage avait été contracté en dépit de certaines défenses des lois caducaires quoique la violation de ces défenses n'annulât pas le mariage : par exemple, si un sénateur épousait une affranchie, le mariage valait; mais les libéralités à cause de mort faites entre les époux ne pouvaient recevoir exécution (2).

(1) Inst. de Gaïus, II. 286.- 35, pr.; 37, pr. D. 39. 6.- Règles d'Ulpien, XVI. 4.- Fragm. vat. 294. - 1 et 2. C. 8. 58. - C. th. 8. 16.

(2) Règles d'Ulp. XIV; XVI. 2.- 16; 44, pr. D. 23. 2.

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Quant à l'orbitas, elle entraînait entre époux des déchéances toutes spéciales. Si les époux n'avaient pas eu d'enfant, ils ne pouvaient prendre qu'un dixième comme libéralités, dans la succession l'un de l'autre : ce dixième était dit à titre de mariage (matrimonii nomine). L'époux qui avait des enfants d'un premier mariage, pouvait, en outre, prendre autant de dixièmes qu'il avait de ces enfants. Les époux pouvaient de plus prendre un dixième ou deux dixièmes suivant qu'ils avaient perdu un ou deux enfants communs post nominum diem, c'est-à-dire après le jour où l'enfant recevait ses noms, le huitième jour de la naissance pour une fille, le neuvième pour un garçon. Dans tous ces cas, où les époux n'avaient droit qu'à des dixièmes, ils pouvaient prendre, en outre, l'usufruit du tiers des biens et même la pleine propriété de ce tiers s'ils avaient perdu un enfant après le jour des noms (3).

Il y avait des cas où l'époux pouvait tout prendre à titre de libéralités dans la succession de son conjoint. D'abord dans les hypothèses précédentes, si par exemple ayant perdu un enfant commun après le jour des noms, il avait cinq enfants d'un premier lit; mais aussi dans d'autres cas, en dehors de la théorie des dixièmes. Ces cas de solidi capacitas sont au nombre de dix; nous les trouvons énumérés dans les Règles d'Ulpien : Tels sont, par exemple, le cas où les époux ont un enfant commun vivant né ou simplement conçu, le cas où le mari absent pour un service public n'est pas de retour depuis plus d'un an, celui où les époux ont obtenu du sénat ou du prince le jus liberorum, celui où ils sont cognats au sixième degré et celui où les deux époux ont dépassé l'âge à partir duquel la loi n'exige plus d'enfants, cinquante ans pour les femmes et soixante pour les

(3) Règles d'Ulp. Xv.

hommes (4). Si donc les époux, s'étant mariés avant ces âges extrêmes, les dépassaient, ils échappaient à toute déchéance. Mais les lois caducaires n'avaient pas prévu le cas où ils se marieraient ayant déjà atteint ces âgés extrêmes. Le sénatusconsulte Persicien combla cette lacune et décida, par interprétation de ces lois, que le mariage ainsi contracté ne pouvait les faire échapper à aucune déchéance, parce qu'ils avaient attendu pour se marier l'âge où ils ne pouvaient plus avoir d'enfants. Deux sénatusconsulte nouveaux, le Claudien et le Calvitien, vinrent statuer sur le cas où l'un des époux seulement aurait atteint l'âge limite : on ne considéra, pour décider si le mariage contracté l'était ou non en conformité des lois caducaires et du Persicien, que si la femme avait plus ou moins de cinquante ans, âge à partir duquel elle était présumée stérile (5). Une dernière remarque à faire, c'est que le divorce donne toujours aux époux séparés une pleine capacité respective, les déchéances des lois caducaires ne s'appliquant point entre deux anciens conjoints (6).

Telles sont les dispositions des lois décimaires. Bornonsnous à signaler leur impopularité et à mentionner un des moyens le plus fréquemment employés pour échapper à leur sévérité. On admit par bienveillance, nous dit Modestin, la validité des dispositions par lesquelles le donateur ou le testateur subordonnait l'existence des libéralités qu'il faisait à cette condition: quum capere potuerit ou quum liberos habuerit. Ainsi, le dies cedens, le jour où l'on se plaçait pour apprécier la portée de la libéralité, ne pouvait arriver que lorsque l'appelé était devenu capable de la recueillir,

(4) Règles d'Ulp., XVI. 1.

(5) Règles d'Ulp., XVI: 3 et 4.

(6) Fragm. vat. 218.

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