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PREMIÈRE PARTIE

DROIT ROMAIN

Et sane non amare nec tanquam inter infestos jus prohibitæ donationis tractandum est, sed ut inter conjunctos maximo affectu et solam inopiam timentes.

(PAUL (1. 28, § 2, D. de don. int)

CHAPITRE PREMIER

LÉGISLATIONS ANCIENNES (a).

Introduction.

1. Lorsque l'on jette un coup d'œil sur la législation romaine des donations entre époux, on est frappé de l'évolution, au premier abord singulière, qu'on lui voit subir. Ces libéralités, d'abord favorisées et soustraites aux règles restrictives qui frappaient les libéralités intervenues entre toutes autres personnes, sont ensuite traitées d'une manière plus rigoureuse qu'elles ne l'eussent été d'après le droit commun. Cependant il ne faut pas conclure d'un examen superficiel, comme on pourrait être tenté de le faire, que la loi, après avoir considéré les époux comme des alliés, en soit venue à les considérer comme des ennemis. Les jurisconsultes eux-mêmes nous mettent en garde contre cette manière de voir, et Paul, dans le texte que j'ai pris pour thème, nous avertit que sainement entendue la prohibition des donations entre époux ne doit pas être traitée comme reposant sur leur antagonisme, mais comme s'appliquant entre personnes unies par la plus grande affection. D'où provient donc ce revirement dans la législation, cette rigueur telle que ceux qui l'ont jugée nécessaire, ont cru devoir en quelque sorte s'en excuser?

Si nous voulons comprendre les principes qui dominent, dans les diverses législations, la réglementation des libéralités entre époux, il nous faut avant toutes choses connaître

(a) P. Gide: Étude sur la condition privée de la femme. - Boissonnade: Histoire des droits de l'époux survivant.

comment ces législations ont envisagé et réglé l'ensemble de leurs rapports pécuniaires. Toutes, d'une façon analogue, ont considéré les époux comme unis l'un à l'autre par la plus grande affection et ont vu en eux deux alliés dans la lutte de l'existence; mais de cette union de leurs personnes, qui est d'ailleurs dans la nature des choses, elles n'ont pas déduit toutes le même système pour la réglementation des rapports de leurs patrimoines. D'abord les époux n'eurent qu'un seul patrimoine, celui du mari : la condition sociale inférieure de la femme permettait d'obtenir de la sorte unité d'intérêts entre les époux, au point de vue pécuniaire comme à tout autre point de vue. Puis, la personnalité de la femme se dégageant de celle de l'homme et s'établissant à côté d'elle, cette unité fut détruite et les conjoints eurent chacun un patrimoine distinct et séparé, avec des intérêts pécuniaires différents sinon contraires. Enfin on s'aperçut qu'on pouvait réaliser l'union des patrimoines autrement que par la suppression de l'un d'eux au profit de l'autre; on trouva qu'on pouvait les fondre l'un dans l'autre sans rompre entre eux l'équilibre, qu'on pouvait en un mot les associer, comme les époux eux-mêmes, de façon à leur donner les mêmes intérêts; et le régime de communauté parut. Nous allons voir quelles conséquences les divers peuples ont tirées, pour les libéralités entre époux, des régimes nuptiaux qu'ils adoptèrent.

Législations primitives.

2. Dans toutes les législations primitives, la situation inférieure de la femme au point de vue religieux la faisant considérer comme incapable, elle n'a pas de patrimoine distinct de celui de son père ou de celui de son mari: c'est encoresa condition chez les peuplades barbares, et même en Chine et en Georgie, où l'homme qui veut épouser une femme

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