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thèse de donation entre époux avec exécution immédiate, il y a rétroactivité dans certains cas. On n'alla donc pas jusqu'à établir, même en cas de datio, une présomption de rétroactivité, comme on avait établi entre étrangers, dans ce cas, une présomption de transfert immédiat de propriété. L'époux donateur était toujours présumé avoir voulu faire la donation sous condition suspensive; et dans le texte de Papinien que l'on invoque en sens contraire, la loi 40 au titre du Digeste de mortis causâ donationibus et capionibus, texte très court et par trop concis pour être décisif, en l'absence de tout contexte, le jurisconsulte opposait probablement les donations entre époux dans lesquelles il pouvait y avoir effet rétroactif aux donations entre étrangers pour lesquelles il n'y avait jamais rétroactivité. D'ailleurs les Basiliques, rapportant le texte d'Ulpien et celui de Papinien, déclarent formellement que la non rétroactivité est la règle (9).

Ulpien examine ensuite certaines de ces conséquences anormales qu'entraîne, en cas de donation avec datio, le principe de non rétroactivité: si, par exemple, l'un des époux fait tradition donationis causâ à son conjoint alieni juris, la donation sera cependant acquise à ce dernier pour lui-même s'il est devenu sui juris au moment de la mort de son conjoint donateur; et réciproquement si de sui juris qu'il était, il est devenu alieni juris (10). Enfin il était fort utile de distinguer si, oui ou non, il y avait exceptionnellement rétroactivité. En cas de rétroactivité le donateur restait toujours, il est vrai, propriétaire jusqu'à l'évènement de la survie du donataire; mais, cette condition s'étant réalisée, c'était le donataire qui était ensuite considéré

(9) 11: 1, 2 et 9. D. 24. 1. - 19; 40. D. 39. б. - 11. Bas. 30. 1. -40. Sc. Bas. 27.3.

(10) 11: 3 à 5. D. 24. 1. - 11: 2, 6, 7 et 8. D. 24. 1.

comme ayant été propriétaire pendente conditione (11). 20. Les donations mortis causâ entre étrangers sont par nature révocables par le repentir du donateur, mais entre époux elles le sont par essence. Le donateur ne peut renoncer au droit qu'il a de les révoquer jusqu'à sa mort. Les motifs qui faisaient prohiber la translation immédiate de propriété, s'opposaient à ce qu'il en fût autrement. On voulait assurer aux époux le libre exercice de leur droit de disposer et empêcher toute captation ou intimidation. Ulpien, dans la loi II que nous venons d'étudier, dit, il est vrai, que toute donation à cause de mort est permise; mais nous savons qu'il avait en vue la réalisation des donations sous condition suspensive avec ou sans effet rétroactif, et non leur révocabilité (1). De la révocation expresse, nous n'avons rien à dire. Pour la révocation tacite, les mêmes causes s'appliquent aux donations à cause de mort et aux legs. Il y aura révocation toutes les fois que l'intention de révoquer pourra s'induire d'un acte du donateur, tel, par exemple, que l'aliénation sans nécessité de la chose donnée ou l'institution comme héritier nécessaire de l'esclave objet de la donation (2), ou encore la signification du divorce du donateur ou donataire (3).

De la révocation, passons à la caducité. Si le donataire ne survit pas, la donation tombe. La donation à cause de mort s'évanouit, et, s'il y a eu tradition, le donateur, qui est toujours resté propriétaire, peut revendiquer l'objet donné. Il en serait ainsi même s'il avait eu l'intention d'en transférer immédiatement la propriété, ce qui eût donné lieu à rétroactivité s'il était prédécédé. Entre étrangers, il en serait différemment, au moins à notre époque, dans l'hypothèse

(11) 11,9; 20. D. 24. 1.

(1) 11, 1; 32: 2 et 3. D. 24. 1.

(2) 22. D. 24. Ι.

(3) 11, 10. D. 24. 1.

parallèle : une simple condictio serait donnée si la donation avec tradition avait été faite sous condition résolutoire (4). La donation mortis causâ devient également caduque si l'objet donné vient à périr. Enfin, la condamnation du donateur à une peine capitale faisait évanouir la donation. Le conjoint donateur mourant incapable, pas de donation possible: d'ailleurs ses biens étaient confisqués. Une constitution de Constantin, que nous retrouverons, sacrifia en notre hypothèse les droits du fisc en faveur du conjoint.

Il n'en était pas de la perte de la cité comme de la mort civile. La même constitution de Constantin, qui introduisit vraisemblablement un droit nouveau sur ce point, bien que nous ayons au Digeste un texte d'Ulpien conforme, mais remanié sans doute, fait produire à la media capitis deminutio un effet tout particulier. L'empereur sacrifie les droits du fisc en faveur de l'époux donataire, mais celui-ci, devenu propriétaire au moment de l'exil, reste sous le coup de la révocation jusqu'à la mort du donateur (5).

21 Les mêmes motifs qui firent exempter de la prohibition les donations à cause de mort, en avaient fait exempter les libéralités testamentaires entre époux. Pour l'institution d'héritier, nous n'avons à signaler qu'une restriction importante. La loi Voconia, de l'an 585 de Rome, défendit d'instituer les femmes quand la succession était de plus de. cent mille as. Le législateur craignait que les femmes n'acquissent par la fortune trop d'influence dans la cité. Cette loi devait être d'une portée absolue et s'appliquer que la femme fût instituée seule ou conjointement, la femme instituée avec d'autres ayant vocation à la totalité de la succession. Nul doute d'ailleurs que la loi Voconia s'ap

(4) 14. D. 39. 6. -4; 52, 1. D. 24. 1.

(5) 7. D. 39. 6. - 13, 1. D. 24. 1. -24, С. 5. 16. - 1. С. 5. 17.

pliquât entre époux comme entre étrangers, étant donné son motif politique. Elle était encore en vigueur sous Trajan (1).

La loi Vocania était peut-être applicable aux legs (2). Mentionnons en outre que le legs de la chose d'autrui était maintenu, même si le testateur s'était cru propriétaire: il est probable, en effet, qu'il eût fait le legs à son époux, même s'il avait su qu'il ne l'était pas.

Disons quelques mots des libéralités testamentaires usitées entre époux. Le principal legs fait par le mari à sa femme, le prælegatum dotis, portant le nom de legs préciputaire, montre que le mari instituait souvent sa femme héritière. Que s'il ne l'instituait pas, ou l'exhérédait quand elle était in manu, sauf à la faire légataire, c'était d'ordinaire pour laisser à ses fils la charge de régler sa succession.

Nous avons dit dans le chapitre précédent que les mœurs imposaient au mari des dispositions testamentaires au profit de sa femme, qu'elle fût ou non in manu. A l'époque précédente, avant que l'action en restitution de dot ait été établie, il était d'usage que le mari fît à la femme un legs pour lui tenir compte de sa dot, un legatum pro dote, legs dont l'émolument était habituellement supérieur à la valeur de la dot. Cet usage persista après qu'on eût donné à la femme une action pour réclamer sa dot. A notre époque, où les legs peuvent porter sur des corps certains (3), le mari peut employer deux formes pour y satisfaire. Il peut faire à sa femme un legatum pro dote ou un legatum dotis.

Le legatum pro dote est un legs ordinaire. C'est la forme primitivement employée. Le mari fait un legs à sa femme

(1) Aulu Gell, Nuits attiques. XX. 1. 23. Institutes de Gaïus, II. 274. (2) 10. С. 6. 37.

(3) E. Cuq: Nouv, rev, hist. 1886.

pour lui tenir compte de sa dot. Cette mention n'est qu'une simple demonstratio. Le legs est valable pour la valeur indiquée, même si aucune dot n'est due. Ce legs constitue une libéralité, si la valeur indiquée est supérieure à celle de la dot, pour la différence qui les sépare (4).

Le legatum dotis, au contraire, est le legs par lequel le mari lègue à sa femme la dot qu'il doit restituer. Ce legs se règle exactement, quant à sa portée, sur l'objet de cette restitution (5). S'il n'y avait pas de dot due, le legatum dotis était nul (6). Il en était de même en principe si la dot n'avait pas été constituée par la femme et devait faire retour au constituant; mais la femme pouvait alors prouver qu'en lui léguant sa dot, son mari avait voulu lui faire une libéralité (7). Si la femme est créancière de la dot dont elle est légataire, on peut voir une libéralité dans le legs de dot qui permet à la femme de la réclamer en exerçant l'action ex testamento au lieu de l'action rei uxoriæ ou, dans certains cas, de l'action ex stipulatu. La première présente, en effet, plusieurs avantages sur la seconde et même sur la troisième. Par l'action ex testamento la femme peut réclamer immédiatement le montant de la dot, et cela sans déduction des diverses retenues, sauf la retentio propter impensas utiles. De plus, le legs, s'il était per vendicationem, transférait immédiatement la propriété à la femme légataire et elle avait alors droit à l'envoi en possession conservatoire : avantages que ne lui procuraient pas plus l'action ex stipulatu que l'action rei uxoriæ (8). Sous Justinien le seul avantage de l'action ex testamento consiste dans le paiement intégral immédiat,

(4) 1:5 et 7. D. 33. 4.

(5) 1, pr.; 3, 3 D. 34. 3.

(6) 6. D. 33. 4.

(7) 16. D. 33.4.

(8) 1: 4 et 12; 2, pr.; 5. D. 33. 4. - D. 36: 3 et 4.

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