que décidèrent expressément les lois interprétatives du 22 ventôse (8) et du 9 fructidor an 2 (9). La loi y suppléait par la permission donnée aux époux de se faire largement des libéralités, dans la mesure que nous venons de dire, par contrat de mariage ou durant le mariage, soit par donations entre vifs ou institutions contractuelles irrévocables, soit à cause de mort par donations révocables et subordonnées au prédécès du donateur ou par dispositions testamentaires (10). La loi est muette sur le droit de succession entre époux et sur les secondes noces. Bien que l'article 61 du décret de nivôse abroge les lois antérieures sur les donations et successions, pourtant je ne puis croire, étant donné son esprit libéral quant aux dispositions entre époux, qu'il ait entendu préférer le fisc au conjoint à défaut de tout parent pouvant recueillir la succession. D'ailleurs la loi est également muette sur le droit de succession du fisc, et nous allons voir en outre que le premier projet de code civil (11), présenté le 9 août 1793 à la Convention par Cambacérès, était formel en faveur du droit de succession de l'époux survivant. Inversement, je crois qu'il faut se prononcer pour l'abrogation de l'édit des secondes noces. Outre l'article 61 précité que l'on invoque en ce sens, l'article 13 abrogeait évidemment le premier chef de l'édit, puisqu'il autorisait les dispositions entre époux à concurrence de la moitié des biens en usufruit quand il y avait des enfants d'un premier lit. Pour le second chef, l'article 62 l'abrogeait, puisqu'il portait que la loi ne reconnaissait aucune différence dans l'origine des biens pour en régler la transmissibilité. Au surplus le législateur n'était pas défavorable (8) 10 e. quest. (9) 24 e. quest. - Cour de cass. 20 octobre 1807. (10) Décr. du 22 ventose an 2: quest. 10 et 16. (11) Liv. 2. tit. 3. a. 76. aux secondes noces : par la loi du 20 septembre 1792 il avait rétabli le divorce qu'il autorisait même pour simple incompatibilité d'humeur. Projets de Code civil. 57. Telle fut en notre matière l'œuvre révolutionnaire. A plusieurs reprises la rédaction d'un code civil fut tentée pendant cette période; mais ces tentatives échouèrent par suite de la précipitation des évènements tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Dès le 9 août 1793, antérieurement à la loi de nivôse, Cambacérès présentait un premier projet à la Convention. D'après ce projet, la communauté coutumière était consacrée comme régime nuptial de droit commun pour toute la France. Mais les parties pouvaient en choisir un autre et notamment le régime dotal. La quotité disponible entre étrangers était la même que celle établie plus tard par la loi de nivôse. Les époux ne pouvaient par contrat de mariage stipuler des avantages dépassant un dixième de leurs biens, quotité réductible à l'usufruit par survenance d'enfants. Pendant le mariage l'époux pouvait donner à son conjoint un sixième en usufruit, qu'il eût ou non des héritiers en ligne directe. S'il n'y avait point d'enfants, les époux pouvaient se donner en outre un autre sixième. Les dispositions testamentaires étaient supprimées. Tout avantage réciproque était détruit par le divorce et les avantages singuliers étaient perdus par celui contre qui il avait été prononcé. Le conjoint succédait à défaut de parents. De plus, le survivant nécessiteux avait droit à l'usufruit de tout ou partie des biens du prédécédé ainsi qu'il était réglé par le conseil de famille d'après l'importance de la succession, les besoins du survivant, le nombre et la situation des enfants. Enfin les époux remariés ne pouvaient donner à leurs nouveaux conjoints que l'usufruit d'une part d'enfant, au plus d'un dixième de leurs biens. Ce projet ayant été rejeté comme trop empreint d'idées anciennes, Cambacérès en présenta un deuxième, également à la Convention, mais après la réaction thermidorienne, le 23 fructidor an 2. Le régime de communauté est toujours le régime nuptial de droit commun et les époux ont un droit égal à l'administration des biens communs. Ils peuvent d'ailleurs stipuler des conventions matrimoniales différentes. La quotité disponible ordinaire est encore la même que d'après la loi de nivôse. Adoptant le système libéral de cette loi pour les libéralités entre époux, le nouveau projet autorisait ces libéralités entre vifs ou à cause de mort pendant le mariage, n'en limitant la quotité qu'en présence d'enfants. Dans ce cas, ils ne pouvaient se donner plus de l'usufruit de la moitié de leurs biens. Le divorce détruisait tout avantage singulier ou réciproque. Ce projet, admettant largement la liberté de disposer entre époux, n'était point favorable comme le précédent à l'époux survivant en cas de silence du prédécédé. A défaut de parents, la Nation succédait à l'exclusion du conjoint survivant. S'il y avait des enfants d'un précédent mariage, l'avantage était limité à l'usufruit d'une part héréditaire. Le deuxième projet ne fut pas plus converti en loi que le premier et Cambacérès, tenace, en proposa un troisième, le 24 prairial an 4, cette fois au Conseil des CinqCents. Ce dernier projet, qui admettait également le régime de communauté pour régime nuptial de droit commun, était encore plus favorable aux libéralités entre époux que les deux précédents. Ainsi les époux pouvaient s'avantager par dispositions révocables entre vifs ou à cause de mort dans la même mesure que d'après le projet de fructidor. Le divorce par consentement mutuel anéantissait les avantages faits; si le divorce était prononcé pour cause déterminée, le demandeur conservait ses avantages; enfin, si le divorce était prononcé pour incompatibilité d'humeur, c'était le défendeur qui les conservait. Outre les libéralités faites à son conjoint, l'époux pouvait disposer envers les étrangers du dixième de ses biens en présence de parents en ligne directe, du tiers ou de la moitié suivant les cas s'il n'y en avait pas. Le testament n'était pas autorisé. Mais l'époux succédait à défaut de parents. De plus, en l'absence d'avantages à lui faits, le survivant des époux avait l'usufruit, sans charges, du tiers des immeubles de l'époux prédécédé. La quotité disponible entre époux était réduite à l'usufruit d'une part héréditaire s'il y avait des enfants antérieurs au mariage et, dans la même hypothèse, l'usufruit du survivant était limité à celui d'une part d'enfant. Cambacérès ne fut pas plus heureux la troisième fois que les deux premières. Il sortit en effet en l'an 5 du Conseil des Cinq-Cents et son dernier projet eut le sort des deux autres. Les relations politiques des Conseils devinrent de plus en plus difficiles; puis fut consommé l'attentat de brumaire et l'entreprise commencée dut être ajournée. CHAPITRE QUATRIÈME LÉGISLATION ACTUELLE Code Civil. 58. La loi du 19 brumaire an 8, qui supprimait le Directoire après le coup d'état, chargeait les Commissions des Conseils de préparer un code civil, et Jacqueminot soumettait, le 30 frimaire, un nouveau projet à la Commission du Conseil des Cinq-Cents. Le régime de la communauté régissait, sauf conventions contraires, les rapports pécuniaires des époux. La quotité disponible ordinaire était du quart en présence de descendants; de la moitié en présence d'ascendants, de frères, sœurs ou descendants d'eux ; des trois quarts en présence d'oncles, grands oncles ou cousins germains. Les dispositions en usufruit ne pouvaient excéder l'usufruit de ces quotités. En présence d'autres parents on pouvait disposer de tout le patrimoine. Entre époux la quotité disponible était plus large. S'il n'y avait pas de descendants, l'époux pouvait disposer en faveur de son conjoint, en outre du disponible ordinaire, de l'usufruit de la réserve. S'il y avait des descendants, le disponible entre époux était d'un quart en propriété et d'un quart en usufruit, ou de la moitié en usufruit seulement; c'est-à-dire qu'en outre du disponible ordinaire d'un quart en propriété, l'époux pouvait donner à son conjoint un quart en usufruit et que ses libéralités en usufruit envers lui ne pouvaient excéder l'usufruit de ces quotités, soit celui de la moitié de ses biens. Les époux pouvaient se gratifier par contrat de mariage, par |