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mère remariée devait faire nommer un tuteur. Ces dispositions en cas d'existence d'enfants d'un premier lit, furent modifiées avant la promulgation du Prochiron: d'après la novelle 31, la femme qui se remarie ayant des enfants d'un premier lit, perd à leur profit la propriété de la moitié de la dot et de l'ὑποβόλον; le mari dans le même cas ne conserve qu'un tiers de l'ὑποβόλον. D'après l'Epanagoge la mère remariée semble ne perdre, dans le droit antérieur aux Basiliques, que la moitié de l'ὑποβόλον et l'époux remarié, au lieu d'exclure, comme dans l'Ecloga, les frères et sœurs de ses enfants du premier lit prédécédés, concourt pour une part avec eux dans leurs successions.

La législation de Justinien sur les secondes noces fut rétablie intacte par Basile le Macédonien, et Léon le sage la conserva. La novelle 110, confirmant une prescription antérieure, exige un inventaire du conjoint remarié et précise les délais et les peines en cas d'omission. Enfin Léon, inspiré peut-être par le commentateur de l'Epanagoge, décida par la novelle 106 que le convol de la veuve pauvre, ayant des enfants du premier lit, lui ferait perdre son droit à la quarte, ou s'il y avait plus de trois enfants à la part d'enfant que lui avait en ce cas attribuée Justinien.

Influence du droit romain.

40. Nous avons suivi la législation romaine dans les diverses étapes qu'elle a parcourues depuis les temps les plus reculés jusque dans les temps modernes. Nous avons vu cette législation naître, grandir, briller d'une clarté sans seconde, puis s'effondrer en quelque sorte au Bas-Empire, traîner enfin pendant de longs siècles avant de disparaître presque complètement de nos jours. Cependant, si le droit romain n'a pas gardé comme droit positif l'importance capitale dont il jouissait autrefois, on peut dire que son influence n'a guère subi qu'une éclipse de quelques siècles dans l'Europe occidentale. Nous verrons dans la seconde partie de ce travail comment les textes classiques mutilés par Justinien au Digeste, mais dans lesquels on retrouve encore le souffle des Papiniens, réagirent sur les législations des Barbares établis sur les débris de l'Empire et comment la renaissance des études du droit classique romain au XIIe siècle fut la principale cause de la renaissance et du développement de la science du droit au Moyen-Age et jusque dans les temps modernes.

En notre matière, comme en tout autre, cette influence bienfaisante s'est fait sentir; mais peut-être doit-on regretter qu'elle ne s'y soit pas bornée à faire revivre l'esprit juridique et qu'elle ait été jusqu'à faire obstacle au développement des institutions de droit inconnues des Romains, même lorsqu'elles étaient supérieures aux leurs. Nous avons vu que les Romains, après avoir absorbé le patrimoine de la femme dans celui du mari et empêché par là qu'il pût être question de donations entre époux, séparérent leurs patrimoines d'une façon absolue, et pour maintenir entre eux une rigoureuse égalité leur interdirent de se faire des donations devenues possibles. Cette séparation des patrimoines, qu'ils établirent sous la forme du régime dotal, et la prohibition des donations, qui en découlait naturellement, auraient dû disparaître rapidement lorsque la coutume française créa au XIe siècle le régime de communauté qui, fusionnant par l'association les patrimoines des époux, est le seul régime rationel pouvant accompagner une union telle que le mariage. Mais l'autorité de toute institution venue de l'ancienne Rome était et est même encore tellement considérable que le régime nuptial romain s'est maintenu en face du régime de communauté et dans ce régime même dont il a empêché le complet développement. Et quoique violemment battu en brèche aujourd'hui, il est pourtant bien probable que d'ici à fort longtemps le régime dotal occupera une place importante dans la plupart des législations

modernes.

DEUXIÈME PARTIE

DROIT FRANÇAIS

C'est une coutume bien raisonnable que ceux qui se donnent l'un à l'autre ce qu'ils ont de plus excellent, c'està-dire leur corps et leur âme, mettent aussi leurs biens en commun, car la personne est bien plus précieuse que les biens. Grâce à cette coutume, on n'entend plus retentir dans un ménage cette éternelle querelle ceci est à moi, cela est à toi.

VALASCO: Praxis partit, et collat. Francof. 1608, p. 11. (Vr P. Gide: Etude sur la condition privée de la femme, p. 357).

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