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droit d'opter pour la continuation ou la cessation de l'indivision. S'il opte pour la cessation, il prend sa fortune personnelle et partage la fortune du prédécédé avec ses enfants de la manière que nous avons dite plus haut, la dot augmentée étant considérée comme faisant partie de la fortune de la mère. L'indivision pouvait durer jusqu'à la mort de l'époux survivant. La femme dans cette indivision devait faire une sorte d'inventaire, non le mari pour lequel le pacte dotal en faisait office.

Cette législation resta en vigueur jusqu'à la restauration, à la fin du IXe siècle, du droit de Justinien par Basile le Macédonien. Cet empereur, enthousiaste du droit du législateur du Digeste, commença dans ce but une vaste collection de lois, qu'on appelle les Basiliques; elle ne fut terminée que par son fils, Léon le sage ou le philosophe. En attendant, Basile promulga en 870, sous le nom de Prochiron, un abrégé des institutions qu'il voulait rétablir. Ce retour en arrière ne se fit pas sans résistance. Il résulte d'un recueil nouveau rédigé également sous Basile, mais qui ne fut sans doute pas promulgué, l'Epanagoge, que les mœurs résistèrent; et Léon le sage nous apprend que la pratique continua de suivre le droit abrogé de l'Eclaga. Aussi cet empereur dut-il dans ses novelles adopter un système mixte : le droit de Justinien en est encore la base, mais des concessions sont faites à celui de l'Eclaga. En ce qui touche la matière qui nous occupe, la prescription de la novelle 97 de Justinien sur l'égalité de la dot et de la donation propter nuptias n'est pas maintenue. Elle ne l'avait d'ailleurs pas été même par le Prochiron et les Basiliques. Léon exige seulement que l'apport du mari, Ι'ὑποβόλον soit inférieur à la dot. Rien de nouveau si le mariage est dissous par le divorce. S'il l'est par la mort de l'un des conjoints, il faut distinguer. S'il n'y a pas

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d'enfants, le mari survivant garde l'ὑποβόλον et restitue la dot, la femme survivante obtient l'ὑποβόλον avec la dot, le tout sauf conventions contraires. S'il y a des enfants, la femme survivante, outre sa dot et l'usufruit de l'ὑποβόλον, a une part d'enfant en nue propriété dans l'ὑποβόλον et les autres bien du mari: au cas où ὑποβόλον promis serait d'une valeur supérieure à la fortune du mari, la part de la femme se calculerait sur cette valeur promise. Enfin si c'est le mari qui survit, il a, outre l'usufruit de l'ὑποβόλον, une part d'enfant dans l'ὑποβόλον, la dot et les autres biens de la femme.

Ces dispositions n'ont point été modifiées en principe. Cependant, dès le milieu du XIe siècle, on considéra la constitution de l'ὑποβόλον comme obligatoire, et, dans le doute, on fixa sa quotité d'abord à la moitié, puis un siècle plus tard au tiers de la dot. Enfin, à côté de cette institution paraît pour la première fois dans une novelle de Constantin Porphyrogénète le θεώρετρον qui rappelle Ι'αναχαλυπτήρια de l'ancien droit grec. C'est une donation, analogue au don du matin des Germains, qui n'est, au moins dans le dernier état du droit byzantin, attribuée qu'à la fille, non à la veuve: elle est faite in honorem virginitatis. Elle peut être stipulée d'une valeur aussi considérable que l'on veut, mais ne peut être inférieure au douzième de la dot: c'est là son taux à défaut de stipulation expresse. Dans le dernier état du droit, Harménopoule nous apprend qu'elle comprenait un demi-aureus par chaque livre de la dot. Le droit de la femme sur le θεώρετρον n'est pas éventuel comme sur l'ὑποβόλον; elle acquiert immédiatement le θεώρετρον : c'est bien véritablement d'une donation entre fiancés, d'une sponsalitia largitas qu'il s'agit.

La législation byzantine ne disparut pas complètement lors de la chute de l'empire d'Orient. Sous la domination turque, la personnalité des lois fit que le droit byzantin continua d'être appliqué en Grèce, en Moldavie et en Valachie. Mais la coutume modifia plus ou moins le dernier état du droit avant la conquête, tel qu'on le trouve exposé dans Harménopoule. En Moldavie, le Code civil le reproduisait à peu près exactement. Mais, si dans le nouveau royaume de Grèce, une ordonnance de 1835 établit en vigueur, jusqu'à la promulgation d'un Code civil, le code d'Harménopoule, elle subordonna son application à l'inexistence de coutumes contraires, et des coutumes nombreuses dérivent presque exclusivement du droit de l'Ecloga. Enfin le Code civil valaque se rapprochait davantage des sources romaines : le conjoint survivant en concours avec ses enfants avait une part virile dans les προγαμιαία δῶρεά; à défaut d'enfants, il recevait tantôt un sixième, tantôt le tout, suivant la durée du mariage et les parents de l'époux prédécédé en présence desquels il se trouvait. Aujourd'hui les codes moldave et valaque ont été remplacés par un Code civil promulgué après que la Roumanie a été constituée par la réunion de la Moldavie et de la Valachie : nous y reviendrons dans la seconde partie de cette étude.

Libéralités entre époux

33. Les donations entre vifs qui, bien que faites entre époux, valaient exceptionnellement sans application du sénatusconsulte, ne furent pas plus soumises à l'insinuation qu'elles ne l'avaient été aux dispositions de la loi Cincia lorsque celle-ci, tombant en désuétude, Constance Chlore la remplaça par cette théorie nouvelle. Constantin abolit cette dispense, et dès lors ces donations durent être insinuées comme toutes autres donations entre vifs. Constantin avait exigé qu'elles fussent constatées par écrit, comme conséquence de l'obligation de les faire insinuer; mais, Théodose et Valentinien abrogèrent cette décision (1). Plus tard, on dispensa de l'insinuation les donations qui ne dépassaient pas deux cents sous d'or; et ce taux fut successivement élevé par Justinien en 529 à trois cents, puis en 531 à cinq cents sous d'or (2).

Quant aux donations confirmées par application du sénatusconsulte, nous avons vu qu'elles valaient comme donations à cause de mort, et qu'on leur appliquait les mêmes règles qu'à celles-ci. Par suite elles étaient dispensées de l'insinuation. Mais Justinien, par une constitution de l'an 528 les soumit à cette formalité. L'empereur, supprimant toute distinction subtile de fait ou de droit, décida que si la donation avait été insinuée ou si elle était dispensée de cette formalité à raison de sa quotité, elle vaudrait du jour de l'insinuation ou de l'acte, c'est-à-dire comme donation entre vifs; que si elle n'avait pas été insinuée dans le cas où elle aurait dû l'être, elle ne vaudrait, au moins pour le surplus du taux dispensé, que si elle avait été confirmée par acte de dernière volonté, et dans ce cas, du jour seulement du décès du disposant (3). Justinien fit encore rentrer dans la nature des donations entre vifs, les donations faites entre époux, par la décision suivante. La donation entre vifs, dans le droit de Justinien, peut être faite par simple pacte. La décision précédente ayant fait naitre des doutes sur l'assimilation des donations entre époux aux donations entre vifs, le barreau d'Illyrie demanda que l'empereur tranchât législativement la question de savoir si la donation entre époux faite par simple pacte était valable. La novelle 162 (4) répondit affirmativement.

(1) 1. C. th. 3.5.- 1; 2; 5; 6. C. th. 8. 12. - Fragm. vat. 249. 27; 29. С.

8. 53.

(2) 13. C. th. 3. 5.

(3) 25; 26. С. 5. 16.

(4) Ch. 1.

Inst. de Just. II. 7. 2. - 34, pr.; 36, 3. C. 8. 53.

Comment valent depuis Justinien les donations entre vifs intervenues entre époux? Nous savons qu'avant le sénatusconsulte elles ne pouvaient valoir qu'en vertu d'une confirmation expresse par acte de dernière volonté et seulement alors comme libéralités à cause de mort. Nous savons également que depuis le sénatusconsulte elles valaient comme donations à cause de mort par le silence du donateur. Depuis Justinien elles valent par ce silence comme donations entre vifs; à la condition toutefois qu'elles aient étéė insinuées lorsque l'insinuation est une condition essentielle des donations entre vifs, c'est-à-dire lorsqu'elles sont supérieures à cinq cents sous d'or. La confirmation expresse ou tacite, si l'insinuatian a eu lieu lorsqu'elle était nécessaire, aura le même effet que la confirmation des actes d'un gérant d'affaires (5). Que si l'insinuation n'a pas eu lieu, alors qu'elle eût été indispensable pour la validité d'une donation entre vifs, le silence du donateur ne suffira pas évidemment pour confirmer la donation entre époux. Elle restera dans ce cas sans effet comme si elle était intervenue entre n'importe quelles personnes. Il n'y a pas lieu d'appliquer le sénatusconsulte, le mariage n'étant pas la seule cause de nullité de la donation. Enfin la donation ne pouvant valoir comme donation entre vifs faute d'insinuation, pourra naturellement valoir en vertu d'une confirmation expresse par acte de dernière volonté comme libéralité à cause de mort, conformément à la législation antérieure au sénatusconsulte.

En somme, depuis Justinien les donations entre vifs sont autorisées entre époux, mais elles ne valent pendant le mariage que sous condition suspensive, avec effet rétroactif si la condition de non révocation se réalise. Cette

(5) 25. С. 5. 16.

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