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RAPPORT

AU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

SUR LES TRAVAUX

DE LA COMMISSION CENTRALE ET DES COMMISSIONS PROVINCIALES DE STATISTIQUE.

Bruxelles, le 4 février 1846.

MONSIEUR LE MINISTRE,

Nous avons eu l'honneur d'adresser à M. votre prédécesseur, en octobre 1842 et 1844, deux rapports sur les travaux de la Commission centrale et des commissions provinciales de statistique 1. Ces deux institutions, qui remontent aux années 1841 et 1843, ont donné un nouvel essor aux travaux statistiques dans ce royaume. Nous allons essayer de les énumérer succinctement.

Permettez-nous d'abord, Monsieur le Ministre, de rappeler en peu de mots, d'une part, les principes qui ont présidé à la création de la Commission centrale et à celle des commissions provinciales; d'autre part, l'organisation actuelle de la statistique dans les différents départements ministériels.

Aux termes de l'arrêté royal du 16 mars 1841, qui institue la Commission centrale, et dont les dispositions se trouvent développées dans le rapport au Roi qui l'accompagne, cette Commission est chargée d'imprimer à la statistique une direction uniforme, de lui assigner un but précis, des bases d'investigations parfaitement déterminées : le but, tracé par l'arrêté même, consiste à substituer l'unité et l'ensemble à la divergence des publications que chaque département peut faire, de signaler les lacunes et les détails superflus, de proposer les modèles des états et des tableaux destinés à recueillir et à classer les éléments des publications elles-mêmes, de diriger en un mot la statistique générale du pays en lui assignant son véritable domaine.

La statistique générale, pour être convenablement traitée dans toutes ses parties, exige une activité, un concours de connaissances étendues et variées qui embrassent tout le royaume. Telle est, Monsieur le Ministre, la pensée qui a suggéré l'institution des commissions provinciales, dont le principe a été posé dans l'arrêté royal du 20 octobre 1841, fixant le règlement d'ordre et d'attributions de la Commission centrale. Les commissions provinciales, créées par arrêté royal du 6 avril 1845, sont établies aux chefs-lieux des neuf provinces, et placées sous la présidence des Gouverneurs; elles coopèrent aux travaux de la Commission centrale, dirigent les recherches sta

Bullet., tome Ier, pages 17 et suiv., et tome II, 2 part., pages 151 et suiv.

tistiques entreprises dans les provinces, examinent et discutent la valeur des matériaux avant de les transmettre à l'administration supérieure. Leur règlement d'ordre a été fixé par arrêté ministériel du 11 octobre 1844.

Les deux premiers renouvellements par tiers de la Commission centrale, au 1er janvier des années 1845 et 1845, ont eu lieu par arrêtés royaux du 10 janvier 1843 et du 20 novembre 1844; le premier renouvellement par tiers de toutes les commissions provinciales, au 1er janvier 1845, a été fait par arrêté royal du 22 du même mois. Les fonctions de président et de secrétaire de la Commission centrale ont été déclarées permanentes par l'arrêté du 20 novembre 1844.

La Commission centrale a établi des relations avec quelques-uns des principaux corps savants, et avec des hommes éminents de l'étranger qui s'occupent des sciences morales et politiques; elle a des correspondants en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie et en Espagne, qui lui font parvenir des communications souvent importantes et toujours utiles.

La Commission centrale, dont la mission principale est de poser successivement les véritables bases de tous les travaux statistiques qui se font actuellement ou se feront par la suite dans les différents départements ministériels, n'est pas chargée d'exécuter elle-même ces travaux : elle ressortit au département de l'intérieur, sans en former un bureau ou une section. Le rapport au Roi, déjà cité, mentionne expressément que chaque département continue de publier la statistique qui le concerne.

Ainsi, le département des finances publie, tous les ans, le tableau général du commerce de la Belgique avec les pays étrangers.

Le ministère de la justice continue également de publier la statistique judiciaire, civile et criminelle. En outre, il prépare en ce moment la statistique des prisons, et a reconnu la nécessité de s'occuper de la statistique des établissements de bienfaisance, des corporations religieuses, des cultes, des fondations de bourses d'étude, des pensions, des grâces, etc.

Le ministère des travaux publics livrera prochainement à l'impression un second volume de la statistique des mines, usines minéralurgiques et machines à vapeur. Le même département consigne tous les ans, dans les comptes-rendus de l'administration des chemins de fer de l'État, une foule de renseignements statistiques sur les dépenses, les produits, les accidents, etc., du railway national.

Au ministère de la guerre, les recherches statistiques sont bornées à un seul tableau pour les travaux de reconnaissances militaires auxquels se livrent annuellement les officiers d'état-major attachés au dépôt de la guerre. Ce département a reconnu la nécessité de s'occuper ultérieurement de la statistique du recrutement de l'armée (à l'instar du compte-rendu qu'on publie en France tous les ans), de la statistique sanitaire de l'armée, de la criminalité, des délits et des contraventions à la discipline, des pensions militaires.

Un bureau spécial pour la statistique est établi aux ministères des finances et de la justice; il n'en existe pas aux ministères des travaux publics et de la guerre, où les travaux se font dans les divisions qu'ils concernent.

Le ministère des affaires étrangères seul ne fait aucun travail qui rentre directement dans le domaine de la statistique.

Le bureau de statistique générale, au ministère de l'intérieur, a pour attributions de résumer les travaux statistiques de toute espèce, de rédiger la statistique générale du royaume, dans son ensemble et dans ses détails, d'après le plan que la Commission centrale est chargée de dresser. Jusqu'à présent ce bureau s'est occupé spécialement de la population et de la statistique agricole et industrielle, dont le service a été réuni à celui de la statistique générale, par arrêté ministériel du

15 mars 1845. Nous mentionnerons plus loin les publications de ce bureau et celles de la Commission centrale.

Une autre division du ministère de l'intérieur (direction des affaires provinciales et communales) vient de publier un travail fort important sur les octrois communaux. La direction de l'instruction publique, indépendamment des rapports annuels sur l'état de l'enseignement dans les universités, a aussi publié, en 1842 et 1843, des rapports d'un grand intérêt, renfermant des statistiques détaillées de l'instruction primaire, moyenne et supérieure. Enfin la direction de l'industrie du même ministère a publié, en 1841 et 1842, les résultats de l'enquête administrative sur l'industrie linière, et prépare en ce moment une publication analogue sur la condition des classes ouvrières et sur le travail des enfants dans les manufactures.

Population, statistique agricole et industrielle.

La population, vous le savez, Monsieur le Ministre, est un des objets sur lesquels la Commission centrale a cru devoir plus particulièrement porter son attention après avoir organisé et mis en pratique un mode nouveau de constater le mouvement de l'état civil et d'en publier les résultats, de manière à pouvoir en déduire toutes les conclusions utiles pour la science comme pour l'administration, elle a mis en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour préparer et assurer la bonne exécution de l'immense opération du recensement général, le premier qui sera fait depuis que la Belgique est constituée en état indépendant. Éclairée par l'essai tenté en 1842 sur la population de la ville de Bruxelles, et aidée des lumières des commissions provinciales qui, toutes, se sont occupées de cette question avec l'attention qu'elle mérite, la Commission centrale a arrêté les projets qu'elle a eu l'honneur de vous soumettre, et à l'exécution desquels elle se fera un devoir de concourir, avec les commissions provinciales, aussitôt que le Gouvernement aura rendu ces projets définitifs. Le recensement général, si nos propositions sont adoptées, embrassera à la fois la population, l'agriculture et l'industrie; ce sera un vaste ensemble de travaux qui, pour la première fois, présentera, avec l'exactitude et l'étendue convenables, la force numérique des habitants du royaume, ainsi que l'importance de l'industrie agricole et manufacturière, dont la connaissance est indispensable au Gouvernement et à la législature pour pouvoir discuter avec fruit les nombreuses questions qui touchent aux intérêts matériels de la nation. Une première application du système proposé vient d'être faite, avec votre autorisation, dans une commune populeuse avoisinant la capitale (Molenbeek-S'-Jean), et nous avons lieu de croire que les résultats en seront des plus satisfaisants; nous comptons les publier sous peu dans le Bulletin de la Commission centrale 1. En vertu d'une instruction ministérielle, il a été procédé, pendant l'année 1845, à la vérification du numérotage des maisons dans toutes les communes du royaume, cette mesure ayant paru propre à prévenir les omissions dans le recensement général de la population.

Anciens recensements.

Nous croyons devoir compléter ici les détails renfermés dans notre dernier rapport général, au sujet des anciens recensements de la population; à la date de ce rapport, les deux Flandres n'avaient pas encore fait parvenir les renseignements qui leur avaient été demandés.

La commission de la Flandre orientale a fourni les cinq tableaux concernant les recensements des années 1801, 1806, 1811, 1816 et 1829. Un seul de ces tableaux, celui de 1829, contient toutes

1 Voir 1re partie, page 73.

TOME III.

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les indications demandées par la Commission centrale, à l'exception de la distinction des militaires, laquelle ne se trouve pas dans le travail relatif à cette année. Quant aux autres tableaux, la commission provinciale, faute de documents, a dû se borner uniquement à y faire figurer le chiffre total de la population des villes et communes de la province, en laissant en blanc les autres colonnes du modèle prescrit par la Commission centrale.

Les recherches faites dans la Flandre occidentale ont fait découvrir les éléments nécessaires à la confection des tableaux demandés relativement aux recensements généraux des années 1801, 1806, 1816 et 1829. La commission provinciale a, en même temps, acquis la conviction que le recensement de 1811 n'a pas eu lieu dans la Flandre occidentale; elle n'a rien trouvé non plus concernant les dénombrements particuliers, à moins, dit-elle dans son rapport, qu'on ne veuille considérer comme recensements particuliers les états de population qui se forment chaque année au 31 décembre, en vertu de l'article 24 de la loi du 8 janvier 1817, et qui sont destinés à fixer le contingent annuel des communes dans la milice nationale.

Toutes ces recherches, Monsieur le Ministre, ainsi que celles déjà signalées dans notre rapport antérieur, prouvent de nouveau le peu d'intérêt qu'en général on était dans l'habitude d'attacher à tout ce qui concerne la population: aussi avez-vous reconnu la nécessité de procéder au plus tôt à un recensement général, et d'exécuter cette opération avec tous les soins que son importance réclame.

Plan général.

Vous comprendrez, Monsieur le Ministre, que les travaux préparatoires du recensement et les études qu'ils exigent, n'ont pas permis à la Commission centrale d'imprimer une égale activité à tous ces travaux indistinctement. C'est ainsi qu'elle s'est trouvée dans la nécessité d'ajourner, plusieurs fois, la rédaction du plan général : cependant elle en a arrêté toutes les parties; il ne s'agit plus que d'en opérer la révision et d'en former un travail d'ensemble. Nous espérons pouvoir vous l'adresser très-prochainement.

Nomenclature des communes.

Les commissions provinciales continuent l'étude relative à la nomenclature des communes et de leurs dépendances, et à la manière d'en orthographier les noms. Ce genre de travaux exige des connaissances locales et historiques que peu d'hommes possèdent à un degré suffisant, quoiqu'en Belgique les sciences historiques soient, en général, cultivées avec une sorte de prédilection. D'ailleurs, Monsieur le Ministre, vous avez pu apprécier la nature de ce travail, par le mémoire sur les noms des communes de la Flandre orientale, inséré dans le tome II de notre Bulletin, et qui est dû à un membre de la commission de statistique de cette province (M. Willems). La Commission centrale n'a pu admettre que provisoirement le travail relatif à la province de Hainaut, aux arrondissements de Verviers et de Waremme (province de Liége) et à l'arrondissement de Nivelles (province de Brabant).

Causes de la criminalité.

La Commission centrale s'est aussi occupée d'une question d'un ordre élevé et touchant à l'état moral du pays : la recherche des causes locales qui favorisent, dans le royaume, les crimes et délits. A l'époque de notre dernier rapport, les commissions provinciales venaient d'être saisies de cette question, et, par conséquent, aucun résultat n'avait encore pu être obtenu : « Néanmoins,

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à

disions-nous, la Commission centrale espère parvenir ainsi à une connaissance assez complète des causes locales de la criminalité; le Gouvernement sera mis alors sur la voie des moyens propres les combattre avec avantage. » Nous croyons pouvoir vous annoncer, Monsieur le Ministre, que nous ne serons pas trompés dans notre attente: nos prévisions paraissent devoir se réaliser, à en juger par les travaux qui vous sont parvenus pour sept provinces 1, et dont plusieurs comprennent des mémoires raisonnés qui seront probablement insérés dans le tome III du Bulletin. Pour faciliter la solution de cette importante question, M. le Ministre de la justice a bien voulu mettre à notre disposition des tableaux indiquant : 1° les causes présumées des grands crimes, pour les années 1842 et 1843; 2o le nombre des crimes, délits et contraventions que les tribunaux ont eu à juger pendant les années 1840, 1841, 1842 et 1845. Aussitôt que la Commission centrale aura reçu les avis de toutes les provinces, elle s'empressera de les résumer, d'en former un travail aussi complet que possible, en y ajoutant ses propres réflexions et le résultat de ses propres recherches.

Exposés de la situation administrative des provinces.

Les exposés que l'article 115 de la loi provinciale du 30 avril 1836 prescrit aux députations permanentes d'adresser annuellement aux conseils provinciaux, sont une des meilleures sources qu'on puisse consulter pour la statistique générale du royaume. Les nombreux renseignements qu'ils renferment sur toutes les parties du service public en font une véritable statistique permanente et qui se complète chaque année. La Commission centrale a porté son attention sur les moyens d'introduire de l'uniformité dans ces documents, en établissant un ordre qui permette de les comparer et d'établir des rapprochements entre eux.

Nous nous sommes donc livrés à un examen approfondi des exposés des diverses provinces, et nous vous avons soumis, Monsieur le Ministre, une distribution uniforme de ces recueils, en vous priant de la recommander à MM. les Gouverneurs.

En outre, nous avons reconnu l'utilité de la publication d'un nouveau résumé quinquennal de la situation administrative des provinces, à l'instar de celui qui a été publié par un de vos prédécesseurs (M. Liedts); ce travail devrait être exécuté dans le cours de la présente année.

Statistique médicale civile.

Déjà dans notre premier rapport général, nous avons mentionné les mesures que, sur l'avis de la Commission centrale et de l'Académie royale de médecine, le Gouvernement avait prises à l'effet de recueillir des renseignements précis sur la nature et les résultats des maladies, dans les hôpitaux civils et militaires, les hospices, les cliniques des universités, les prisons, les dépôts de mendicité. Les premiers documents fournis ont été reconnus avoir été généralement dressés avec peu de soins ce n'est qu'avec une certaine répugnance que les médecins civils, attachés à ces établissements, semblent se soumettre à un travail nouveau pour eux, et auquel on ne les avait pas habitués jusque-là. Sur la proposition de la Commission centrale, M. votre prédécesseur a décidé qu'à l'avenir les renseignements recueillis seraient attentivement examinés par les commissions provinciales avant d'être transmis à l'administration centrale. Plusieurs commissions provinciales, en examinant les documents relatifs à l'année 1844, ont eu l'occasion de faire, sur ce travail, des observations importantes, sur lesquelles la Commission centrale délibérera prochainement.

1 Ces provinces sont : Limbourg, Liége, Namur, Brabant, Anvers, Hainaut et Luxembourg.

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