L'arrêté des représentants du peuple de la république française, du 25 floréal an III (12 mai 1793), ayant rompu violemment les liens qui unissaient les montsde-piété sous une administration commune, depuis l'époque de leur érection en 1618, l'isolement de chacun de ces établissements n'a pas permis de dresser une statistique complète de leurs opérations; cette difficulté s'est accrue encore par les dispositions de la loi communale de 1856, qui ont soustrait ces établissements à l'action du Gouvernement, en les plaçant dans les attributions des autorités locales. Dès lors les changements introduits, ou tolérés dans quelques villes, à l'ancien mode de comptabilité, ont occasionné de telles méprises dans les chiffres fournis par diverses administrations, que les relevés généraux qu'on en a faits offraient les disparates les plus choquantes. Il ne restait guère d'autre moyen de former une bonne statistique que de recueillir les matériaux sur les lieux mêmes; j'ai profité à cet effet de la mission que j'avais reçue de M. le Ministre de la justice, pour visiter les monts-de-piété du royaume dans tous leurs détails, et lui faire un rapport sur leur état actuel et les moyens de les améliorer. Ce rapport 1 Situation administrative et financière des monts-de-piété en Belgique, nécessité et moyens de les réorganiser; par D. Arnould. Vol. grand in-8°, 365 pages et 15 tableaux. Bruxelles, imprimerie du Moniteur belge, 1843. En vente chez Meline, Cans et compie, à Bruxelles. nistration ou d'opération de chacun des vingt-deux monts-de-piété du pays; je crois utile d'en présenter ici les résultats généraux pour cette classe nombreuse de lecteurs qui, n'ayant que peu de temps à donner aux matières étrangères à l'objet spécial de leurs études, désirent toutefois se former une idée précise de certaines institutions. Je suivrai, dans ce travail, l'ordre des chapitres de l'ouvrage, afin qu'on puisse y recourir au besoin pour les développements, et j'accompagnerai les chiffres que je vais présenter, de quelques observations propres à en faire connaître la portée ainsi que les conséquences qu'on peut en tirer; j'y joindrai en entier l'état général des opérations et des charges des monts-de-piété pendant l'année 18431: ce tableau forme à peu près le résumé de toutes les opérations. Les deux premiers chapitres de l'ouvrage, consacrés à des Considérations générales et à la Législation des monts-de-piété, sous les différentes dominations auxquelles le pays a été soumis, ne contiennent d'autres chiffres à recueillir pour la statistique que le nombre de ces établissements érigés aux diverses époques de leur histoire. Pendant la première époque, celle des maisons d'Espagne et d'Autriche, les archiducs Albert et Isabelle ont fondé de 1618 à 1635 quinze monts-de-piété, savoir: ceux de Bruxelles, Anvers, Malines, Gand, Tournay, Mons, Bruges, Courtrai, Arras, Valenciennes, Cambray, Douay et Berg-St-Winox. Les six derniers, par la cession à la France des villes où ils se trouvaient, furent forcément détachés de l'union et de la solidarité qui existaient entre les quinze monts avant les traités des Pyrénées, d'Aix-la-Chapelle et de Nimègue. Il n'en restait donc que auxquels il faut ajouter : Celui d'Ypres, érigé vers 1673, pour suppléer en partie aux pertes déjà faites à cette époque; ci. Celui de Louvain, créé par des particuliers et qui n'a fait partie de l'union qu'à partir de 1782 Celui de Termonde, qui, fondé en 1622, en vertu d'un legs charitable fait 1 Les directeurs de chaque établissement ayant maintenant une parfaite connaissance des renseignements propres à former les tableaux, et les méprises n'étant plus à craindre, il serait désirable que le Gouvernement demandât aux administrations locales de faire remplir exactement les mêmes cadres chaque année, pour former ensuite, dans ses bureaux, la statistique générale des nonts-de-piété. REPORT en 1619, n'a jamais été soumis à l'administration centrale qui régissait les autres Ce qui porte à douze le nombre des monts-de-piété qui existaient en 1795, époque de leur ruine et de la suppression de la jointe suprême dans les PaysBas autrichiens; ci. 11 1 12 Dans le pays de Liége, les princes-évêques avaient fondé, de 1621 à 1622, six monts-de-piété, savoir: ceux de S'-Trond, Tongres, Dinant, Huy, Thuin et Liége, unis aussi, dans cette principauté, par une étroite solidarité, à l'instar de ceux de Belgique, et ruinés comme eux par suite des arrêtés des représentants de la république française. La nécessité des monts-de-piété n'a jamais mieux été sentie qu'à l'époque ou le gouvernement français provoqua la loi du 16 pluviôse an XII (6 février 1804), pour mettre un terme aux honteuses spéculations et à l'infàme cupidité des prêteurs sur gage contre lesquels s'élevaient des clameurs universelles. Dix monts-de-piété furent rétablis en Belgique, en vertu des instructions du Gouvernement, de la loi du 16 pluviôse an XII et des décrets des 24 messidor suivant et 8 thermidor an XIII; ce sont ceux de Mons, Tournay, Ypres, Courtrai, Anvers, Bruges, S'-Nicolas, Malines, Bruxelles et Louvain; ci. 10 Le Gouvernement des Pays-Bas érigea en outre, de 1814 à 1829, douze monts-de-piété, savoir: ceux de Namur, Liége, Diest, Dinant, Verviers, Huy, Nivelles, Gand, Ostende, Tirlemont, S-Trond et Termonde; ci . Il existait donc en 1850 vingt-deux monts-de-piété dans notre royaume; ci. 22 12 Toutes les principales villes étant ainsi pourvues, le Gouvernement beige n'a institué depuis lors aucun nouveau mont. Ce second chapitre se termine par un résumé des actes du pouvoir, qui constate la nécessité de l'intervention tutélaire du Gouvernement dans les affaires des monts-de-piété : intervention qui ne changerait rien aux attributions des autorités locales, si elle se bornait à une sanction de plus, celle du pouvoir central; car si, comme je le disais, il ne faut ni comprimer l'action de la commune, ni donner au Gouvernement une part directe dans l'administration intérieure des monts-de-piété et le choix du personnel, il ne faut pas non plus le mettre dans l'impuissance de remédier aux abus et de prendre les dispositions générales que réclament les besoins des diverses parties du royaume. Loin de gêner la liberté c'est la servir que d'éclairer l'inexpérience, de stimuler le zèle, de pousser au beTOME III. 21 soin l'insouciance, l'esprit de routine et de localité dans les meilleures voies, et enfin, de donner une direction uniforme à des établissements qui, dans la position isolée où ils sont placés, ne peuvent atteindre le but de leur institution. Le troisième chapitre, intitulé: Etat actuel des monts-de-piété, se divise en cinq paragraphes. Le § Ier traite de l'administration; il signale la divergence d'intérêts qui règne entre les commissions des monts-de-piété et celles des hospices et des bureaux de bienfaisance, qui, au lieu de chercher à prévenir la ruine des personnes qui sont forcées de recourir à l'emprunt sur gage, augmentent leur détresse par les intérêts qu'ils exigent pour les fonds qu'ils prêtent au mont-de-piété et par les bénéfices qu'ils retirent des opérations de ces établissements, tandis que ces trois administrations devraient joindre leurs efforts pour soulager toutes les infortunes en se réunissant en un conseil général. Ce conseil arrêterait des mesures d'ensemble propres à prévenir par un prêt à un intérêt modique, la ruine de ceux qui ne sont encore que dans l'état de gêne, à secourir efficacement l'ouvrier que la maladie ou le défaut d'ouvrage plonge momentanément dans la misère et à recueillir ceux dont la vieillesse ou les infirmités réclament un asile. L'expérience démontre aussi la nécessité d'instituer, au Ministère de la justice, une commission permanente pour les affaires des monts-de-piété, qui ne peuvent être bien comprises que par des hommes spéciaux qui connaissent les détails infinis et compliqués de ces établissements étrangers aux affaires ordinaires de service général.... ainsi que l'écrivait, en 1788, le conseiller d'État de Kulberg, chargé d'exprimer l'opinion du conseil privé. Le § II fait connaître le montant de la dotation de chacun des vingt-deux monts-de-piété et l'intérêt à payer aux hospices et autres établissements de charité qui fournissent des fonds. Un tableau détaillé (n° 1) constate que les capitaux versés par ces établissements dans les caisses des monts-de-piété s'élèvent à fr. 7,817,361 45 c3, à un intérêt qui, dans la plupart des localités et pour les sommes les plus élevées, est de 5 p. %, et varie dans d'autres, de 3 à 4 1/2 p. 0. Le montant de ces intérêts payés par les monts, déduction faite du produit des placements étrangers au prêt, s'élève à fr. 167,650 09 c3. La dernière colonne de ce tableau prouve qu'un capital de 3,624,000 francs suffirait pour former la dotation des monts-de-piété, si on les autorisait à rèmbourser les capitaux qu'ils ne peuvent utiliser pour le prêt et qu'ils sont obligés d'employer à des opérations étrangères à leur destination, et souvent à un intérêt moindre que celui qu'ils payent aux hospices. N'est-il pas odieux d'exiger 5 p. % |