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LETTRE

DU C. FAUJAS-SAINT-FOND,

A SON AMI FORTIS.

Vous devez me croire en route, mon cher bon ami, d'après ce que je vous mandois dans ma dernière lettre, et je suis retenu ici par un accident dont vous êtes indirectement la cause, sans que vous puissiez vous en douter.

Je crus appercevoir dans votre lettre où il étoit question de belles plantes que j'ai découvertes sous une épaisseur de douze cents pieds de lave basaltique, et autres laves, que le mot plantes européennes vous faisoit froncer le sourcil, et comme je ne cherche, ainsi que vous, que la vérité dans les objets de mes études favorites, je me dis à moi-même Voyons encore pour la dixième fois, les lieux où ce beau fait géologique existe; recueillons encore, s'il est possible, quelques nouvelles espèces de plantes, et si nous nous sommes trompés, rétractons-nous noblement et loyalement, la science ne pourra qu'y gagner. Votre doute, quelque déguisé qu'il fût, me donna des scrupules, parce que j'ai beaucoup de confiance en vos lumières et à la justesse de votre tact. J'avois, il est vrai, d'un autre côté, sous les des feuilles de chataigner, des feuilles de chêne, un cône de pin sylvestre, si bien caractérisés que je ne savois que penser ; mais aussi cette même collection m'offroit de grandes feuilles, dont le facies avoit un peu la figure indienne, et je comptois bien sur la sagacité de Jussieu, de Desfontaines et de la Mark pour débrouiller cette antique énigme; lorsque je dis à mon cher et bon Alexandre, qui a pris la passion de la géologie, et qui dessine avec un grand talent, partons; allons faire encore une tournée dans les champs de Vulcain, qui s'est permis de détruire les jardins de Flore: et allons ramasser de nouveaux débris de cette antique dévastation, et nous partons.

yeux,

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Le voyage nous a valu cinq espèces de plantes nouvelles trèsembarrassantes, des fruits qui ressemblent à des noisettes, et qui peut-être n'en sont pas ; des cucules qui ressemblent à celles des glands; et une espèce de grosse mouche qui ressemble à

une

une abeille. Ce n'est ici ni un jeu de la nature, ni les mousses de Daubenton, dans les agathes; ici les feuilles sont, pour ainsi dire, encore en nature, et simplement charbonisées; toutes leurs fibres se distinguent; quelques unes restent adhérentes au schiste argileux, d'autres s'en détachent, et alors elles peuvent brûler à la flamme d'une bougie, avec une odeur bitumineuse. La matière dans laquelle elles ont été saisies et comprimées est si fine, si atténuée, quoique la terre du quartz y domine, que l'empreinte des feuilles les plus délicates s'y distingue : cette matrice est la même que celle trouvée en Toscane, mais sans plante, par Fabroni, avec laquelle, à l'exemple des anciens, il a fait des briques qui surnagent l'eau ; j'en ai fait aussi de semblables que j'apporterai avec moi.

Je connoissois bien les impressions, et même les momics de plantes de Vestena, dans un schiste calcaire bitumineux, et elles sont sans doute très-curieuses; mais les miennes sont plus parfaites, et le botaniste pourra plus facilement les rapporter à des espèces connues on inconnues. Celles de Vestena, sont aussi au-dessous des laves, mais les miennes sont non-seulement dans le même cas, mais la lave repose directement sur elles, et a même souvent pénétré et soulevé les couches fissiles dans lesquelles elles se trouvent : et j'ai des échantillons remarquables, que vous verrez, où la lave est entre deux lits de schistes couverts sur chaque face de feuilles de plantes.

J'ai fait faire un beau plan du loca! par Alexandre, sur une échelle quadruple de celle de Cassini, où non seulement la distinction des terreins volcaniques et des terreins calcaires est trèsbien sentie, mais où la route à suivre est tracée, afin que le naturaliste puisse se rendre facilement sur les lieux avec cette seule indication. Croiriez-vous que ce lieu remarquable n'est éloigné que de quatre lieues de mon habitation de St.-Fond? Et si vous me demandez pourquoi j'ai tant tardé à faire cette découverte, je vous dirai que je connoissois parfaitement cette montagne volcanique, mais que je n'avois trouvé encore que quelques empreintes isolées que j'avois apportées à Paris et fait voir à Desfontaines il y a plusieurs années; je crois même vous en avoir montré quelques-unes à vous-même, mais je n'avois pas encore reconnu le véritable nid, ce qui n'est pas étonnant; car aussi-tôt que le soleil frappe subitement ces schistes, ils se réduisent en mille éclats, et les feuilles disparoissent. Mais j'ai trouvé le moyen de les conserver, et elles sont mille fois mieux caractérisées que celles que j'avois apportées à Paris, où il n'y Tome LI. THERMIDOR an 8.

V

avoit que l'empreinte et quelques fibres. Celles que vous verrez à présent sont presqu'entières, et j'en ai au moins une vingtaine d'espèces, où le parenchyme se remarque encore. L'art de les conserver ainsi est de faire en sorte que la dessication se fasse très-lentement, et c'est en les pliant dans du papier qu'on change de trois en trois jours; et avec de la dextérité et du temps on peut en venir à bout. On en perd à la vérité beaucoup, et quelquefois des plus belles; mais j'en ai assez pour exercer la sagacité des botanistes, et je les maudirai si leur savoir, n'est pas une fois utile à la géologie.

Mais l'histoire naturelle me fait oublier mes maux. Au retour de cette dernière tournée, je voulus escalader un pic volcani-. que très-escarpé, et en m'accrochant à une colonne de basalte que je croyois très-solide et inébranlable, une articulation pesant plus de trois cents livres, se détacha, et faillit à m'écraser, ainsi qu'Alexandre; je n'eus que le temps de sauver mon corps, mais non mon pied gauche dont la moitié a été écrasé par cette dure et lourde masse. Dès que je pourrai supporter la voiture je partirai, parce que je trouverai à Paris plus de ressources pour me guérir qu'ici. Voilà ce que les pauvres naturalistes voyageurs gagnent, tandis que les naturalistes sédentaires ont tous les profits et tous les honneurs; mais c'est en tout la même chose dans la loterie de ce monde. J'en suis consolé si vous m'aimez un peu et rendez justice aux sentimens que je vous ai voués pour la vie. FAUJAS.

NOTE

De B. G. SAGE, directeur de la première école des mines.

Citoyen Thenard, puisque vous vous établissez juge entre Vauquelin et moi, relativement aux analyses de mines rouges d'argent et de plomb, je dois vous mettre au courant de ce qui s'est passé; lorsque Vauquelin, auquel personne ne rend plus de justice que moi, a confirmé la présence de l'antimoine dans la mine rouge d'argent, et a annoncé qu'il n'y avoit pas sensiblement d'arsenic, je lui ai fait passer de la mine rouge d'argent de Sainte Marie, où l'arsenic domine de beaucoup sur l'argent et l'antimoine; il pourra vous le certifier. Quant à moi

qui ai traité en grand la mine rouge d'argent du Pérou, et d'autres, j'ai trouvé dans toutes de l'arsenic. La quantité d'argent que produit cette mine varie suivant le pays d'où elle est extraite; peut-être pourroit-on en dire autant de la proportion d'arsenic.

Vous dites, citoyen, que j'ai publié un mémoire sur l'analyse du plomb rouge; comme il n'y a pas de plomb rouge, mais une mine rouge de plomb, mon mémoire a eu pour but cette dernière.

Vous me supposez, citoyen, d'avoir avancé faussement que Vauquelin avoit indiqué le fer comme partie intégrante de la mine rouge de plomb; voyez l'analyse qu'il a publiée, conjointement avec Macquart, il y annonce que cette mine contient par quintal,

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Dans les analyses postérieures il a trouvé le chrôme. Mais il est spécialement question ici de la présence de l'antimoine dans la mine rouge de plomb cristallisée; j'ai fait les expériences publiquement dans mon cours : j'envoie au conseil des mines de ces mêmes cristaux que j'ai désignés sous le nom de mine rouge de plomb. J'engage Vauquelin à reprendre sur elle et sur celle que le citoyen le Lieure peut lui fournir, les expériences dont j'ai rendu compte, il y verra, j'espère, l'antimoine.

Quant à vous, citoyen, citoyen, les chimistes vous doivent reconnoissance pour avoir trouvé de l'antimoine dans une partie de gangue de la mine rouge de plomb.

la

SUR DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHAUX EMPLOYÉES DANS L'AGRICULTURE;

Par SMITHSON-TENNANT, écuyer, membre de la société royale de Londres. Lu devant ladite société, le 6 Juin 1799.

Extrait des Transactions philosophiques.

J'appris l'été dernier, qu'aux environs de Doncaster on faisoit usage pour l'agriculture de deux espèces de chaux considérablement différentes, quant à leurs effets. L'une tirée près de la ville s'emploie en petite quantité, et on l'étend très-uniformément sur la terre, parce qu'une trop grande quantité diminue la fertilité au lieu de l'augmenter; dans les places où on en fait des tas, toute végétation est suspendue durant plusieurs années; 50 ou 60 boisseaux sur un acre, sont autant qu'on en peut répandre avec profit. L'autre, faite dans un village près de Ferry-Bridge, quoique beaucoup plus chère, à cause des voitures, est plus fréquemment employée, parce que sa qualité est bien supérieure. De grandes quantités ne font jamais de mal, et les endroits qui en sont entièrement couverts, au lieu d'être rendus stériles, acquièrent une fertilité remarquable. Des propriétés si bien circonstanciées ne pouvant guère être imaginaires, on voulut découvrir, s'il étoit possible, quelle étoit la nature des ingrédiens qui pouvoient les produire.

Pour cet effet je me procurai quelques morceaux des pierres calcaires des deux espèces, pour essayer d'abord quels seroient leurs effets sur les végétaux, dans leur état naturel; je les réduisis donc en poudre grossière et y semai des graines de différentes plantes; dans les deux espèces les graines montèrent également, et à-peu-près comme elles auroient pu le faire dans du sable, ou toute autre substance qui ne donne point de nourriture aux végétaux. Des morceaux de chaque espèce de pierre furent ensuite calcinés et réduits en chaux, dans laquelle (après avoir été exposée quelques semaines à l'air afin de diminuer sa

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