Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

ANCIEN MINISTRE D'HAÏTI PRÈS LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS,
ANCIEN SECRÉTAIRE D'ÉTAT DE LA JUSTICE,

DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES.

[blocks in formation]

Reference. Sto Laurent 12-20-41 4359,5

Livres 1-3 qv. 1

PRÉFACE

Allons-nous assister à une renaissance des études historiques?

Ces temps derniers diverses manifestations fort intéressantes se sont produites qui nous le feraient espérer.

La plus significative est, sans contredit, la fondation de la Société d'Histoire et de Géographie d'Haïti dont le succès -nous prenons plaisir à le noter a été particulièrement vif auprès des jeunes générations.

La jeunesse haïtienne est inquiète. Les événements tragiques qui, depuis dix ans, troublent si profondément l'existence de notre pays ont creusé sous ses pas comme un abîme. Elle sent que pour aller vers l'avenir d'un pas plus ferme il lui faut renouer la chaîne qui relie le présent au passé. Un sûr instinct l'avertit qu'elle ne pourra retrouver sa force et sa foi qu'en les retrempant dans les eaux vives de l'histoire nationale.

[ocr errors]

N'ayant vécu jusqu'ici que de la vie des livres, la jeunesse cultivée celle qui entre à son tour dans l'arène a été prise d'une véritable épouvante en voyant le spectacle qui se déroule à ses yeux. Elle a vu l'effort d'un siècle aboutir à la plus honteuse des capitulations. Et ayant mesuré avec effroi le fossé qui sépare son rêve de la réalité, elle en a éprouvé une tristesse profonde. Tristesse, mais non découragement. C'est pourquoi elle veut se ressaisir en remontant au passé, non pas pour s'y confiner, mais pour y chercher

les leçons de volonté et de sacrifice que le présent ne lui offre point. Elle sait aussi que les tentatives parfois généreuses de beaucoup de ses devanciers ont misérablement avorté parce qu'ils n'ont pas toujours eu le sens de la «continuité sociale » ce qui ne peut s'acquérir sans une étude sérieuse des origines et la connaissance des faits par où se révèle la logique de l'histoire nationale.

Mais les éléments de cette étude manquent. Pas de bibliothèques, pas d'archives, pas de musées. Nous nous ignorons d'une génération à l'autre. Les gens du dernier bateau ne connaissent pas ceux de l'avant dernier. Nous passons à côté d'un homme qui a eu une carrière mouvementée, et rien ne nous renseigne sur le rôle brillant ou néfaste qu'il a joué dans notre histoire, Des légendes malveillantes ou flatteuses, se forment que la passion inspire et que la crédulité publique perpétue: il devient difficile de les détruire après qu'elles se sont fortifiées en sc transmettant de génération en génération.

S'il nous arrive souvent d'avoir à blâmer les actes de nos aînés, il serait d'une suprême injustice de les condamner tous en masse. Il y a eu de nobles tentatives, de beaux rêves ébauchés, des élars grandioses, des efforts généreux, dont le souvenir même s'est évanoui. Des idées ont été émises avant nous que nous croyons avoir inventées, comme autrefois Dumas père découvrait après tant d'autres la Méditerranée. Que de projets dorment dans les archives des ministères, protégés contre toute curiosité par la poussière vénérable des ans! Et ces archives elles-mêmes existent-elles? Les vieux papiers où palpite notre histoire, qui les recueille, qui les sauve de la destruction?

C'est par la tradition o ale que nous sommes mis au courant de beaucoup de faits importants du passé. Est-il besoin de dire quelle prudente défiance doit inspirer cette source de l'histoire? Les hommes ne sont pas toujours justes les uns envers les autres: accorder une absolue créance aux récits transmis de bouche en bouche, c'est s'exposer à commettre de graves injustices ou à excuser des actes répréhensibles. Les écrits présentent cette garantie que l'auteur, s'a

dressant au public qui le juge, est astreint par une sorte de délicatesse morale, à plus d'impartialité dans l'appréciation des fails et à plus d'exactitude dans la narration des événements.

Combien plus difficile devient la tàche quand il s'agit, non d'un simple exposé de faits qui, après tout, peuvent être contrôlés, mais de l'histoire des idées sur lesquelles a vécu la société hai'ienne! Le terrain ici est mouvant et l'on risque à chaque instant d'y perdre pied. Rien ne nous renseigne sur l'état d'esprit des générations antérieures. Rien ne nous permet d'éclairer d'une lumière franche et nette les replis de cette âme nationale où dorment à côté de quelques vices tant de belles qualités et de vertueuses énergies qui, nous en sommes sûr, se manifesteront en des œuvres durables quand notre instinct de conservation sociale, devenu plus conscient et plus impérieux, les aura disciplinées et coordonnées pour une action commune.

Montrer, à travers le flot mouvant des événements, la filiation des idées dont nous avons fait, bon gré ou mal gré, l'axe de l'existence nationale; chercher dans les faits du présent la trace des sentiments et des préjugés anciens; déterminer les répercussions de l'état économique sur l'évolution morale du peuple; fixer enfin la part de l'idée dans la formation du caractère social haïtien voilà l'œuvre qui sollicite nos historiens,— œuvre de haut intérêt philosophique et qui aurait en outre comme résultat pratique de détruire au milieu de nous bien des malentendus

***

Si les regrets que nous venons d'exprimer s'appliquent parfaitement à la période comprise entre 1814 et les jours présents, il nous est agréable de rendre hommage à l'équipe brillante qui prit soin de débrouiller les premiers temps de notre histoire. Quelques réserves que puisse provoquer le fond ou la forme de leurs écrits, il faut reconnaitre que les EMILE NAU (Histoire des Caciques,) les BEAUVAIS LESPINASSE

« PreviousContinue »