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de Luxembourg et son fils Charles IV imitèrent souvent la politique des rois de France, et, à leur exemple, favorisèrent l'affranchissement des communes autant que les résistances des seigneurs féodaux le leur permirent. BOHÉMIENS, nom que l'on donne, en France, à des troupes de vagabonds à demi sauvages, qui, depuis le quinzième siècle, parcourent l'Europe sans se mêler aux autres peuples, dont ils savent exploiter la crédulité et les passions. Toutes les langues de l'Europe ont, pour les désigner, une dénomination particulière; c'est ainsi qu'on les appelle Heidenen (idolâtres) en Hollande; Tartares, en Suède et en Danemark; Pharaohites, en Hongrie; Egyptiens (Gypsies) en Angleterre; Gitanos, en Espagne; Zingari, en Italie et en Dalmatie; Tchinganes, en Turquie; Cigaies, en Valachie et en Moldavie. Ils se donnent à eux-mêmes le nom de Zigeuner, et c'est celui sous lequel ils sont maintenant le plus généralement désignés.

C'est en 1427 que l'on vit arriver à Paris les premières troupes de Bohémiens. Ils se disaient originaires de la petite Egypte, convertis une première fois à la foi chrétienne, puis retombés dans le mahométisme, et enfin reçus à résipiscence par le pape Martin V, qui leur avait ordonné, disaient-ils, de courir le monde pendant sept ans, sans se coucher sur un lit, la terre étant la seule couche qui leur fût permise. Ils firent leur entrée à Paris, le dimanche 17 août, au nombre de douze; un duc, un comte, et dix hommes à cheval. Le reste de la troupe, qui était de cent vingt personnes, en y comprenant les femmes et les enfants, n'arriva que douze jours après. Mais on leur défendit d'entrer dans la ville, et ils s'établirent à la Chapelle Saint-Denis. Les hommes avaient le teint noir, les cheveux crépus, les oreilles percées et garnies de boucles d'argent. Les femmes, outre leur visage noir, avaient deux longues tresses de cheveux qui retombaient sur leurs épaules. Leur vêtement était une robe liée d'une corde, et, par-dessus, une espèce de

corset d'une étoffe grossière. L'arrivée de ces singuliers personnages excita au plus haut point la curiosité du peuple de Paris; et comme les femmes avaient la prétention de découvrir les secrets de l'avenir dans les lignes de la main, une foule de gens allaient leur demander leur bonne aventure, et perdaient le plus souvent auprès d'eux leur bourse et leurs bijoux. Cependant l'évêque de Paris, instruit de ces désordres, se rendit enfin lui-même au village de la Chapelle, y fit faire un sermon par un religieux, et excommunia tous les curieux qui avaient été consulter les Bohémiens. Dès lors les pauvres nomades ne reçurent plus aucune visite, et ne gagnant plus rien, ils furent forcés de quitter le pays.

D'où venaient-ils ? D'où venaient les bandes beaucoup plus nombreuses qui se répandirent, à la même époque, dans les autres contrées de l'Europe (*)? Les savants qui se sont posé ces questions les ont résolues de différentes manières; mais l'opinion la plus générale aujourd'hui donne aux Zigeuner une origine indienne. Suivant Grellmann (**), ils auraient fait partie de la caste des sudra ou paria, et auraient quitté l'Inde à l'époque des conquêtes de Timour, vers la fin du quatorzième siècle ou au commencement du quinzième. D'autres savants (***) font remonter à une époque beaucoup plus ancienne les premières migrations des Zigeuner. Ils s'appuient sur ce qu'un peuple de ce nom est signalé

(*) Il en vint, dit-on, en Suisse, plus de quatorze mille, vers 1418. On évalue à sept cent mille le nombre des Bohémiens actuellement en Europe. Sur ce nombre, il y en a environ dix-huit mille en Angleterre ; la Hongrie, la Moldavie et la Valachie en possèdent près de deux cent mille. Enfin, c'est dans la Turquie, la Bessarabie, la Crimée, qu'il s'en trouve le plus.

(**) Histoire des Bohémiens, p. 284 et suiv. de la traduction française. Voyez aussi l'Océanie de l'Univers pittoresque, tom. I, p. 263.

(***) Voyez Malte-Brun, Précis de géographie universelle, t. VI, première édit.

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même par les historiens de l'antiquité, comme habitant les bords de la mer Noire; et ils expliquent, par l'existence d'une ville nommée Aigypsos, dans le delta du Danube (*), l'origine égyptienne que se donnaient les premiers Bohémiens qui vinrent dans l'Europe occidentale.

Quoi qu'il en soit de l'origine de ces nomades, et de l'époque précise de leur première apparition en Europe, le séjour qu'une de leurs bandes avait fait à Paris, en 1427, avait été trop lucratif pour qu'ils ne cherchassent pas à y revenir bientôt. Ils parvinrent même à pénétrer dans l'enceinte de la cité; mais, cette fois, l'autorité ecclésiastique ne fut plus la seule à s'inquiéter de leur voisinage; et une ordonnance des états généraux tenus à Orléans, en 1560, prescrivit aux gouverneurs des provinces de les exterminer par le fer et le feu. Cependant il paraît que cette ordonnance fut mal exécutée, ou qu'ils parvinrent à se soustraire aux poursuites de l'autorité, puisqu'en 1612 on fut obligé de lancer contre eux un nouvel édit d'expulsion, en prononçant la peine des galères contre ceux qui seraient, à l'avenir, trouvés sur le territoire du royaume.

Ces édits contribuèrent, sans doute, à diminuer, en France, le nombre des Bohémiens; mais ils ne purent les expulser entièrement. Les forêts et les pays de montagnes en recélèrent toujours quelques troupes plus ou moins considérables. Suivant Greellmann (**), vers le milieu du dix - huitième siècle, on en rencontrait beaucoup en Alsace et en Lorraine. On en trouve encore actuellement quelques-uns dans cette dernière province, où le peuple leur donne indifféremment les noms de Hüngar, Hongres, Honcks, Hnidns et Zigenners.

«(***) Cette race, complétement diffé

(*) Strabon, et après lui, Étienne de Byzance, font mention de cette ville.

(**) Histoire des Bohémiens, p. 40. (***) Le passage suivant, où l'on trouve des détails curieux sur ces Bohémiens de France, est extrait de l'Essai sur les inva

rente de celle qui habite la Lorraine, et dont le langage, inintelligible pour les gens du pays, indique l'origine étrangère, est répandue dans les villages de Berenthal, Philipsbourg et VerrieSophie (canton de Bitche). Elle compte une quarantaine d'individus. Avant 1803, ils vivaient dans les bois, sous la domination de l'un d'eux, qui était leur chef, et qui avait sur ses subordonnés le droit de vie et de mort. Plusieurs d'entre eux ayant commis des crimes, leurs compagnons n'attendirent pas les recherches de la justice, ils les fusillèrent eux-mêmes. En 1803, les agents forestiers les forcèrent à rentrer dans les villages. Ces hommes vivent du produit de leur chasse, de leurs vols et de quelques aumônes. Quelques-uns jouent de certains instruments dans les fêtes de villages; d'autres se sont faits colporteurs, et vendent de la menue verroterie et de la faïence fabriquée dans les environs. Ils ont une danse extrêmement bizarre et tout à fait caractérisée. La peau des Hnidns est basanée; dès leur plus tendre enfance, ils s'enduisent le corps de lard, et s'exposent nus à l'ardeur du soleil.

« Les Hnidns sont agiles et robustes; les hommes sont trapus, ils ont les yeux et les cheveux très-noirs, et quelquefois les traits distingués. Les jeunes filles de dix-huit ou vingt ans offrent, sous leurs haillons, une perfection de formes qu'il est rare de rencontrer chez des gens adonnés à un travail pénible. Elles sont très-belles, leur nez est légèrement aquilin, leurs yeux sont noirs, leurs sourcils arqués, leurs cheveux noirs sont d'une longueur démesurée. Une teinte de mélancolie est répandue sur la physionomie de toutes les femmes, sans exception, ce qui leur donne un caractère de tête analogue à celui des femmes de Léopold Robert, dans son tableau des pêcheurs et de la madone de l'arc. »

D'autres parties de la France contiennent encore quelques débris des

sions des Hongrois en Europe, par M. Dussieux, p. 73 et 74.

anciennes troupes de Bohémiens; on en rencontre dans les Cévennes; mais c'est dans le Languedoc et dans la Provence qu'ils sont le plus nombreux. « Dans les mois d'août et de septembre, aux fêtes de Saint-Roch et de Saint-Michel, on voit arriver à Nîmes, entassés sur de mauvaises charrettes traînées par des mules, ou chassant devant eux des troupes d'ânes ou de petits mulets qu'ils vont vendre dans les foires, ces demi-sauvages, vrais enfants perdus de la Providence. Ils couchent à la belle étoile, ordinairement sous les ponts; leur quartier général est le Cadreau, petit pont jeté sur un ravin qui descend d'une des collines, et sert de voirie publique. C'est là qu'on peut les voir demi-nus, sales, accroupis sur de la paille ou de vieilles hardes, et mangeant, avec leurs doigts, les chiens et les chats qu'ils ont tués dans leurs excursions crépusculaires. Dans les jours de foire, ils sont tour à tour marchands, maquignons, mendiants et saltimbanques. Les jeunes filles, aux grands yeux bruns et lascifs, au visage cuivré, pieds nus, la robe coupée ou plutôt déchirée jusqu'aux genoux, dansent devant la foule, en s'accompagnant d'un bruit de castagnettes qu'elles font avec leur menton. Ces filles, dont quelques-unes ont à peine seize ans, n'ont jamais eu d'innocence. Venues au monde dans la corruption, elles sont flétries avant même de s'être données, et prostituées avant la puberté. Ces Bohémiens parlent un espagnol corrompu. L'hiver, on ne les voit pas où vont-ils, d'où viennent-ils ?

« L'hirondelle, d'où vient-elle ? » · (*) BOHIER (Nicolas), en latin Boerius, savant jurisconsulte, naquit à Montpellier vers 1470. Il fut successivement avocat à Bourges, où il enseigna le droit, conseiller au grand conseil, et président à mortier au parlement de Bordeaux. Il mourut dans cette ville en 1579. Il a publié en un latin assez barbare plusieurs ouvrages de droit

(*) Nizard, Histoire de Nimes, p. 157.

public et privé, qui prouvent qu'il avait plus d'érudition que de logique.

BOICEAU (Jean), seigneur de la Borderie, gentilhomme poitevin, cultivait les muses latines, françaises et poitevines. La plus remarquable de ses œuvres est le Monologue de Robin, lequel a perdu son procès, traduit de grec en françois, de françois en latin, et enfin de latin en poitevin, imprimé à Poitiers, à l'enseigne de la Fontaine, en 1555. C'est une satire vive et pleine d'esprit contre les plaideurs. Jean Boiceau a aussi publié quelques traités de jurisprudence qui furent bien accueillis, et qui montrent en lui un jurisconsulte d'un esprit solide et méthodique.

BOICHOT (Jean), statuaire du roi, membre de l'ancienne Académie de peinture, correspondant de l'Institut, né à Châlons-sur-Saône en 1738, mort à Paris, en 1814. Parmi les ouvrages remarquables de Boichot, on distingue la statue colossale de l'Hercule assis, qui figurait autrefois sous le portique du Panthéon; le groupe colossal de Saint-Michel; la statue de Saint-Roch; les bas-reliefs des fleuves de l'arc de triomphe du Carrousel. Les connaisseurs attachent également du prix aux dessins des estampes qui ornent plusieurs traductions de M. Gail. Boichot est mort le 9 décembre 1814.

BOIELDIEU (François-Adrien), compositeur, naquit à Rouen, le 16 dé cembre 1775. Son premier maître fut l'organiste de la cathédrale. Il avait à peine vingt ans qu'un opéra de sa composition, joué sur le théâtre de Rouen, eut un succès immense. Il vint à Paris en 1795. Boieldieu ne comprit pas la révolution et ne mit pas son talent au service de la liberté. Toutefois, de charmantes romances le firent bientôt connaître; il fit représenter à Feydeau, en 1797, son premier opéra, la Famille suisse, et deux ans après, en 1799, il se plaça, par son Calife de Bagdad, au niveau des plus grands compositeurs de l'époque. Toutefois, ce succès ne l'empêcha point de travailler à perfectionner encore son talent; et c'est alors qu'il reçut des le

çons de Cherubini. En 1802, il donna ma Tante Aurore, dont l'instrumentation, plus soignée que celle de ses précédents ouvrages, est une preuve des progrès que faisait son talent. On chantera toujours le fameux quatuor du premier acte de cet opéra. En 1803, à la suite de chagrins domestiques, Boieldieu prit la résolution d'aller à Saint-Pétersbourg, où il fut reçu par l'empereur Alexandre de la manière la plus flatteuse. Ce fut pendant son séjour en Russie qu'il composa, entre autres partitions, Aline, reine de Golconde, Télémaque, et la musique des Choeurs d'Athalie; il y fit aussi des marches pour la garde impériale. En 1811, il revint en France. Il y trouva Nicolo en possession de l'Opéra-Comique; mais il partagea bientôt avec lui l'exploitation de ce théâtre, et donna, l'année suivante, Jean de Paris, l'un de ses meilleurs ouvrages. Le Nouveau seigneur de village parut en 1813. En 1814, au moment où les alliés envahissaient la France, Boieldieu s'unit, avec Cherubini, Catel et Nicolo, pour composer Bayard à Mézières, œuvre patriotique que nous aimons à signaler ici, et qui prouve que Boieldieu savait comprendre la plus noble mission de l'art. En 1817, Boieldieu remplaça Méhul à l'Institut. L'année suivante, il produisit son Petit chaperon rouge; en 1820, les Voitures versées, enfin, en 1825, il fit représenter son chef-d'œuvre, la Dame Blanche. Il mourut à la suite d'une longue maladie, le 8 octobre 1834.

Boieldieu, comme compositeur, appartient à l'école mélodique. Pour lui, la musique c'est le chant, c'est la mélodie. L'harmonie n'est qu'un moyen et non un but; aussi ne fait-il pas de bruit. Secondant de tout son pouvoir la réaction opérée par Della Maria, et qui contribua si efficacement au retour de la mélodie, il sut, par ses charmants opéras, prouver qu'on pouvait être à la fois savant, ainable et harmonieux sans vacarme.

BOII, peuple de la Gaule celtique, habitant entre l'Allier et la Loire; vers le confluent de ces deux rivières.

Un grand nombre de Boiens se trouvaient parmi les Gaulois qui envahirent l'Italie à la suite de Bellovèse (voyez ce mot); d'autres, qui tentèrent de pénétrer de nouveau en Italie, quatre cents ans après la fondation de Rome, furent repoussés par les Romains, et allèrent s'établir en Germanie.

BOILEAU (Charles), abbé de Beaulieu, membre de l'Académie française, prédicateur de Louis XIV, né à Beauvais, mort à Paris, en 1704, a publié des Homélies, des Sermons, des Panégyriques et des Pensées extraites de ses sermons. La Champmêlé demandant un jour à Racine pourquoi la Judith de Boyer, qui avait obtenu quelque succès pendant le carême de 1695, n'avait pu se soutenir après la rentrée de Pâques « C'est, répondit Racine, que pendant le carême, les sifflets étaient à Versailles aux sermons de l'abbé Boileau. » Ces sermons n'étaient pourtant point sans mérite, et d'Alembert, dans son Histoire des membres de l'Académie française, dit qu'on y trouve, sinon de l'éloquence, au moins de l'esprit.

BOILEAU (Étienne), Stephanus Boileue, Steph. Bibens aquam, Steph. Boitleaue, prévôt de Paris, devenu célèbre pour avoir donné son nom au premier recueil connu des règlements de police de cette ville.

C'est en 1258 qu'Étienne Boileau fut élevé à la charge de prévôt. Voici en quels termes Joinville raconte cet événement: «< Sachez que du temps « passé l'office de la prévosté de Paris « se vendoit au plus offrant. Les pré

vosts étoient alors prévosts-fermiers, << dont il advenoit que plusieurs pille«ries et maléfices s'en faisoient, et « étoit totalement justice corrompue « par faveur d'amys et par dons ou « promesses, dont le commun n'osoit << habiter au royaume de France, et « étoit lors presque vague, et sou<< ventes fois n'y avoit-il aux plaids de «< la prévosté de Paris que dix per« sonnes pour les injustices et abusions « qui s'y faisoient, et fist enquerir le roi partout ce pays là où il trouve«<roit quelque grant sage homme qui

a

« fust bon justicier, et qui punist étroia tement les malfaicteurs, sans avoir égard au riche plus que au pauvre, « et lui fut amené ung qu'on appeloit «Estienne Boyleaüe, auquel il donna « l'office de prévost de Paris, lequel « depuis fit merveilles de soy mainte«nir audit office. Tellement que désor<< mais n'y avoit larron, meurtrier ni « autre malfaicteur qui osast demeurer « à Paris, que tantost il en avoit con<< noissance, qui ne fust pendu ou puni « à rigueur de justice, selon la qualité « du malfaict, et n'y avoit faveur de parenté, ni d'amys, ni d'or, ni d'argent qui l'en eust pu garantir, et grandement fit bonne justice.

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On ne sait d'ailleurs que peu de détails sur la vie de ce magistrat, « ‹ qui justifia la confiance qu'il avait inspirée à son souverain. Louis IX venant quelquefois s'asseoir à ses côtés, quand ce prévôt rendait la justice au Châtelet, prouva combien il honorait les fonctions dont il l'avait revêtu. On lit dans un ouvrage, composé deux siècles après le règne de ce prince, que Boileau maintint une police si sévère, qu'il fit pendre même son filleul coupable de vol, et un de ses compères, convaincu d'avoir nié un dépôt d'argent qui lui avait été confié (*).

« Ce qui est mieux avéré, c'est l'influence qu'Étienne Boileau exerça sur les corporations: c'est du temps de sa prévôté que datent les règlements d'arts et métiers de la ville de Paris. Il faut détruire d'abord une erreur généralement répandue, et journellement reproduite. On représente ce prévôt comme l'auteur de règlements parfaits, et même comme le fondateur et l'organisateur des communautés d'artisans (**). Ce n'est pas là le mérite qui recommande son nom à la postérité. Les communautés existaient avant Louis IX, et elles avaient des règlements, des us et coutumes auxquels leurs mem

(*) Mer des histoires, édit. de 1501, in-fo., 6e age, fo. cc, vo.

(**) Voy. Lamare, Traité de police, t. I, lir. I, tit. ix, et l'art. BOYLEAUX de la Biographie universelle.

bres se conformaient; d'ailleurs la législation du moyen âge consistait moins à prescrire des règles nouvelles qu'à donner une sanction légale aux usages pratiqués depuis longtemps, et éprouvés par l'expérience.

« Voilà ce que fit Etienne Boileau à l'égard des communautés d'arts et métiers de Paris: il établit au Châtelet des registres pour y inscrire les règles pratiquées habituellement pour les maîtrises des artisans, puis les tarifs, des droits prélevés, au nom du roi, sur l'entrée des denrées et marchandises; puis les titres sur lesquels les abbés et autres seigneurs fondaient des priviléges dont ils jouissaient dans l'intérieur de Paris. Les corporations d'artisans, représentées par leurs maîtres - jurés ou prud'hommes, comparurent l'une après l'autre devant lui, au Châtelet, pour déclarer les us et coutumes pratiqués depuis un temps immémorial dans leur communauté, et pour les faire enregistrer dans le livre qui désormais devait servir de régulateur, de cartulaire de l'industrie ouvrière. Un clerc tenait la plume, et enregistrait sous les yeux du prévôt les dispositions des traditions et pratiques du métier. Aussi, dans la plupart des règlements, on déclare au début qu'on va exposer les us et coutumes; et plusieurs se terminent par une adresse au prévôt pour lui signaler des abus à redresser ou des vocux à exaucer. Tous ces règlements sont brefs et dégagés du verbiage qui enveloppe et embrouille les règlements des temps postérieurs. A Étienne Boileau est peut-être due la forme de ces règlements; en magistrat habile, il a pu veiller à ce qu'ils fussent rédigés d'une manière claire et précise, et à peu près uniforme. Ce type est si prononcé qu'il n'est pas difficile de distinguer un règlement des registres d'Étienne Boileau de ceux qui ont été faits sous la prévôté de ses successeurs.

<< Boileau a donc le mérite incontestable d'avoir rassemblé les us et coutumes des métiers, tels qu'on les suivait à Paris, et tels qu'ils lui étaient déclarés par les notables de chaque

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