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Ainsi, en ayant l'air de combattre pour l'équilibre, il ne marchait que plus sûrement à la dictature, et mettait, pour ainsi dire, la conquête en permanence; toujours prêt, suivant l'opportunité des circonstances, abaisser la main sur telle ou telle pièce de l'échiquier européen.

à

Ce plan lui réussit dans le principe; comme nous l'avons déjà dit, il lui fournit une occasion d'envahir la Hollande, les villes anséatiques, la Poméranie suédoise, le duché d'Oldenbourg, les États pontificaux, la Toscane, le Portugal, et de placer des membres de sa famille sur les trônes de Naples et d'Espagne, avec l'intention de leur faire subir plus tard le même sort qu'au roi de Hollande. Les exigences du blocus continental lui donnèrent la haute main dans les affaires de la Prusse, de l'Autriche, de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie, et enchaînèrent la Russie à son alliance. La Turquie elle-même reçut le mot d'ordre, et s'y conforma un moment. Pendant près de six années, de 1806 à 1812, c'est-à-dire du décret de Berlin à la campagne de Russie, le blocus continental servit de base à toutes les négociations, de prétexte à toutes les guerres. En 1810, lorsque la Suède, entraînée la dernière, déclara enfin la guerre aux Anglais, Napoléon, toujours en vertu de son système continental, régnait déjà réellement sur la plus grande partie de l'Europe. Vainement l'Espagne protestait encore à main armée contre son omnipotence, dès 1811 l'heure de la monarchie universelle semblait arrivée. Pour arracher le continent aux serres de l'aigle impériale, il fallut quelque chose de plus fort que les hommes: l'intempérie des éléments. Il fallut surtout que l'Angleterre, la Russie, la Prusse et l'Autriche, bien qu'à regret et avec des intentions perfides, déplaçant la question politique, et la ramenant du terrain matériel dans le domaine moral, fissent un appel à tous les peuples, au nom de la liberté, partout expirante, Mais cela même ne démontre-t-il pas combien était savamment

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ordonné le réseau que, sous le nom de blocus continental, Napoléon avait étendu sur l'Europe?

En faisant la part de ce qu'a eu d'imprévu et comme de surhumain l'issue de la guerre de Russie, et en supposant que les cabinets de SaintPétersbourg et de Saint-James n'eussent pas brusquement transformé les termes du problème, il y a des raisons de croire que l'empereur aurait pu arriver à ses fins. La Russie, tenue en respect du côté de l'occident par le duché de Varsovie et l'Allemagne, se serait sans doute enfin décidée à diriger son énergie militaire vers les contrées orientales, où Napoléon aurait consenti sans peine au partage de la Turquie et des Indes. Quant à l'Angleterre, elle aurait vu s'élever tout à coup et comme par enchantement, sur les côtes de l'Europe française, de nouvelles flottes auxquelles n'auraient certes pas manqué de bons marins. Au besoin, l'empereur se serait souvenu de Fulton et de ses expériences, confirmées par de nouveaux progrès; n'étant plus absorbée comme auparavant par des préoccupations d'une autre nature, cette fois sa pensée n’aurait pu se refuser à l'évidence. Attaquée de toutes parts, ayant à se défendre contre des descentes multipliées en Irlande et à Londres, la Grande-Bretagne aurait succombé en peu de temps. Sa dictature maritime, le fruit d'un siècle d'efforts et de rapines, Napoléon en aurait hérité en quelques jours, et l'aurait ajoutée à sa dictature continentale. Telles étaient sans doute les illusions du grand homme, qui n'avait dû abandonner, sans plus de résistance, le champ de la mer à sa rivale que dans l'espoir qu'elle travaillait pour lui sur les flots, tandis qu'il habituait le continent à son joug. Mais, dans son mépris pour les idées philosophiques, Napoléon oubliait que si vastes, si séduisants qu'ils fussent, tous ces projets n'étaient que des rêves. Façonné sur le moule des héros de Plutarque, comme disait Paoli, Napoléon, à la fin de sa carrière, n'était plus, pour ainsi dire, de son

temps, il croyait vivre dans l'antiquité. Il ne savait pas que l'unité de la conquête, œuvre civilisatrice à l'époque des Romains, n'était plus qu'un fait rétrograde dans l'ère moderne, où le sentiment de la nationalité est inviolable, parce qu'il est nécessaire au développement général du monde. Oui, l'Europe gravite de nouveau vers l'unité; mais ce n'est plus par la force brutale, c'est par les alliances, c'est, par l'association fédérative qu'elle s'y élève. Pour l'apprendre à Napoléon, la Providence a permis qu'il fût vaincu par le principe de la liberté et de l'égalité qu'il avait pour mission de faire triompher et non de détruire.

Ainsi donc, moyen d'attaque contre l'Angleterre et instrument de conquête à l'égard de l'Europe, le système continental a échoué sous ce double rapport. Est-ce à dire qu'il n'en est rien resté, et qu'il a passé sur le monde sans y laisser de traces? Non, sans aucun doute. Ce système, fondé sur des intérêts réels, a eu aussi d'heureuses conséquences; ce qu'il avait de bon a survécu à sa ruine. Le blocus continental a mis un terme, en Europe, à cette espèce de vassalité dans laquelle le monopole de l'Angleterre retenait l'industrie des autres nations. Si l'Allemagne et la Russie ont maintenant des fabriques en état de soutenir, sous quelques rapports, la concurrence anglaise, c'est au système continental, à Napoléon qu'elles le doivent. L'exemple de l'Espagne en est une preuve incontestable; ce pays a payé l'amitié de l'Angleterre au prix de la destruction de ses usines et de ses établissements manufacturiers. La Russie est demeurée quatre ans à peu près fidèle à l'alliance de Tilsitt, parce que l'exclusion de l'Angleterre était indispensable à l'existence de son industrie nationale. Cela est si vrai, que, ne possédant pas de colonies à épices, elle a toujours admis les denrées coloniales de l'Angleterre, en même temps qu'elle repoussait ses produits manufacturés. L'Autriche, la Prusse, toute l'Allemagne et l'Italie, patientaient en songeant qu'elles je

taient les bases de leur indépendance industrielle. Sans cela, comment comprendre qu'à partir de la paix de Vienne, signée en 1809, jusqu'à la campagne de 1812, l'Angleterre ait été impuissante à monter de nouvelles coalitions contre la France? Au nombre des résultats du système continental, il faut aussi ranger la fabrication du sucre de betterave, découverte française, à laquelle le haut prix du sucre colonial, frappé d'une taxe de 60 pour 100, avait donné une grande importance, mais qui, depuis la levée du blocus, a été nuisible à notre marine, sans avoir encore beaucoup profité à la classe malheureuse.

Quant à la question maritime, elle est toujours pendante. La dictature de l'Angleterre subsiste; mais la France s'est refait une marine; la flotte russe, que les Anglais, d'après leur manière de voir, ont eu l'imprudence de ne pas anéantir pendant qu'ils étaient en train, a considérablement augmenté; le nombre des vaisseaux américains s'accroît aussi tous les jours; le Danemark et la Hollande ont réparé en partie leurs pertes; l'Autriche, la Sardaigne, le royaume des Deux-Siciles, l'Égypte et d'autres pays, pourraient, s'il était nécessaire, entrer en ligne. En un mot, les principes proclamés par Napoléon sur les droits des neutres, dans ses décrets de Berlin et de Milan, ont aujourd'hui pour se faire respecter des ressources plus que suffisantes. Sur ce point encore, le temps a donné raison au grand homme. Bientôt, il faut l'espérer, l'Angleterre reconnaîtra elle-même que le pavillon couvre la marchandise, et se désistera de ses prétentions à la tyrannie des

mers.

BLOIS, Blesis ou Blesensis civitas, capitale de l'ancien Blaisois, sur la rive droite de la Loire, à vingt-deux myriamètres de Paris, aujourd'hui cheflieu du département de Loir-et-Cher et d'un évêché fondé par Louis XIV en 1697. Cette ville remonte probablement à la plus haute antiquité, quoique son nom ne se trouve ni sur la table de Peutinger, ni dans les Itiné

lorsque les armées ennemies menacérent Paris, l'impératrice Marie-Louise s'y retira momentanément, et y transporta le siége du gouvernement impérial et de la régence, dont les derniers actes furent datés et expédiés de cette ville.

Blois, dont la population est aujourd'hui de onze mille quatre cents habitants, possède un assez grand nombre de monuments remarquables. Le

raires anciens. Les débris de constructions antiques qu'on y a découverts, une route romaine qui la traverse, en allant d'Avaricum (Bourges) à Autricum (Chartres), tout porte à croire que Blois existait sous la domination romaine. Quoi qu'il en soit, son nom est prononcé pour la première fois par Grégoire de Tours, qui la nomme deux fois du temps de Gontran et de Chilpéric. C'était à cette époque un cas-plus curieux est le château, transformé trum, ou lieu fortifié, gouverné par un comte. Le pays dont cette ville était la capitale avait assez d'étendue. Quant à la ville elle-même, elle se composait d'un château fort, résidence du seigneur, situé à l'endroit où s'élève le château actuel, et de plusieurs bourgades groupées à l'entour. Les principales étaient le bourg de Foix, de Fisco, le bourg Moyen, le bourg Saint-Jean, et Vienne. Ce dernier quartier était situé dans une île de la Loire; il est nommé dans les anciens titres Evenna, et paraît avoir été le premier quartier habité de la ville de Blois. Quoique liés ensemble aujourd'hui, ces divers quartiers ont conservé les mêmes noms. Mais Vienne n'est plus maintenant qu'un faubourg situé de l'autre côté de la Loire.

Rien de bien important ne se passa à Blois sous la première race. Grégoire de Tours ne parle de cette ville qu'à propos d'une querelle qui s'était élevée entre ses habitants et ceux de Chartres. Sous les carlovingiens, pendant les divisions qui éclatèrent entre Louis le Débonnaire et ses fils, ce fut aux environs de Blois, à Chousy, que Lothaire et son père se trouvèrent en présence l'un de l'autre, et conclurent un de ces accords passagers, comme ils en conclurent tant. Plus tard, Blois fut plusieurs fois pillé par les Normands, dont les barques remontaient la Loire jusque-là. Sous la troisième race, Blois devint le cheflieu d'un comté considérable; et au seizième siècle, plusieurs rois de France y établirent quelquefois leur résidence. Blois fut, à cette époque, deux fois le siége des états généraux, en 1577 et 1588. (Voyez BLOIS états de.) En 1814,

aujourd'hui en caserne, et dont quelques parties remontent au treizième siècle, comme, par exemple, la salle des états. D'autres ont été bâties par Louis XII (façade de l'est); par François Ier (façade du nord); par Gaston d'Orléans (façade du nord, œuvre de Mansard). La halle, située sous le Palais de Justice, date du treizième siècle; l'église de Saint-Nicolas et SaintLaumer est du douzième et du treizième siècle. On remarque encore à Blois l'évêché (aujourd'hui la préfecture), bâti par Gabriel, sous Louis XIV, auprès de la cathédrale. Cette ville possède en outre de vieilles maisons fort curieuses, parmi lesquelles il faut citer l'hôtel d'Alluye et celui de Poutances, commentateur de la coutume de Blois. C'est la patrie de Denis Papin et de Jean Morin, célèbre oratorien du dix-septième siècle; de Pierre de Blois, du medecin Jean Bernier, historien de sa patrie; de Louis XII, du marquis de Favras, etc.

BLOIS (maison de). La maison de Blois, qui a donné des rois à l'Angleterre, à Jérusalem, à la Navarre, des ducs à la Bretagne, et des comtes à la Champagne, se divise en deux races; la première a la même origine que les rois Capétiens. Théodebert, quatrième aïeul de Hugues Capet, eut trois fils, dont le second, Guillaume commence la série des comtes de Blois. 1o Guillaume, tué vers 834.

2o Eudes, son fils, mort en 865, sans enfants.

3° Robert le Fort, son cousin, mort en 866.

4° Thibaut Ier, dit le Vieux et le Tricheur, son petit-fils. Il possédait, outre le comté de Blois, les villes de

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