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renseignements de personnes sur lesquelles ils n'avaient point d'autorité.

Quoique cet édit renfermât certainement des améliorations, des remontrances eurent lieu; mais il fut passé outre, et, le 21 janvier 1560, des lettres de jussion en ordonnèrent l'enregistrement (1).

François II mourut en 1560, et cette loi n'eut pas une longue durée.

Charles IX prohiba d'abord l'exportation d'une manière absolue par l'édit du 8 juin 1565, motivé par la mauvaise apparence de la récolte de l'année. Puis, par le règlement du 4 février 1567, il défendit d'exporter sans sa permission, qu'il déclara ne vouloir accorder qu'après avoir été renseigné sur l'état des récoltes, par le rapport des gouverneurs, baillis, sénéchaux des provinces, et officiers des corps communs des principales villes.

Il publia ensuite l'édit général du mois de juin 1571.

Aux termes de cet édit, la faculté d'accorder des permissions d'exportation hors du royaume fut déclarée droit royal et domanial.

Défense fut faite d'exporter sans en avoir obtenu la permission du roi.

Les baillis et sénéchaux durent commettre les juges subalternes de leur ressort pour mander aux maires, échevins, consuls et autres administrateurs de s'adjoindre les principaux et plus notables bourgeois, et de s'informer de l'état de la récolte.

Les baillis et sénéchaux étaient tenus de transmettre leurs rapports, avec leurs avis, sur la quantité de grains que l'on pouvait exporter sans priver les provinces de leur approvisionnement de l'année.

Les trésoriers de France, dans chacune des généralités, devaient, de leur côté, prendre les mêmes informations, et transmettre aussi leurs rapports et avis.

(1) V. Forbonnais, Recherches sur les Finances, t. 1er, p. 68.

Des lettres royales répartissaient ensuite entre les provinces et généralités la quantité de grains que chacune d'elles pouvait exporter.

Les baillis et sénéchaux étaient chargés, chacun dans son ressort, de mettre les traites permises en adjudication aux enchères, selon les formes requises pour les fermes, et de délivrer, en conséquence, les permissions nécessaires.

Outre le prix d'adjudication, l'adjudicataire devait payer pour le droit de traite trois livres dix sous par tonneau de froment, et une somme proportionnelle par tonneau d'autres grains (1).

Le même édit déterminait les ports, hâvres et passages par lesquels l'exportation aurait lieu, et nommait un contrôleur général des traites, dans les attributions duquel les intérêts du trésor semblent occuper le premier rang.

Cet édit passablement fiscal, révèle bien comme les édits de 1559 et de 1567, l'intention de prendre en considération l'état des récoltes, et témoigne ainsi d'une plus grande prévoyance que les ordonnances antérieures; mais l'enquête prescrite pour fixer les quantités de grains à exporter chaque année ne devait procurer que des renseignements fort incertains. Est-ce que de nos jours même on n'en est pas encore à se demander quel serait le meilleur moyen pour établir, chaque année, une statistique exacte et complète de la production agricole ?

Enfin, la mise en adjudication prescrite par l'édit érigeait la faculté d'exportation, le commerce extérieur des céréales, en véritable monopole.

De nouveaux droits à la sortie furent ensuite décrétés par Henri III (2).

Sous le même règne, les traites foraines furent défendues

(1) Le tonneau était de neuf setiers.

(2) Voy. lettres patentes de février 1577, rappelées dans l'édit de novembre de la même année.

sous peine de confiscation des deurées, et même sous peine de mort (1).

Les lettres de Henri IV, du 12 mars 1595, prohibèrent aussi l'exportation hors du royaume, sous peine, en cas de contravention, d'être puni comme criminel de lèze-majesté.

Il est vrai que les guerres étrangères et civiles avaient tellement troublé les travaux de l'agriculture et épuisé la France, que l'on redoutait la disette et la famine, ainsi que le porte le préambule des lettres précitées.

Cependant, tout en décrétant le remède traditionnel de la prohibition, le législateur inscrivait au frontispice de son ordonnance ces paroles remarquables : « Combien que l'expérience nous enseigne que la liberté du trafic que les peuples et sujets des royaumes font avec leurs voisins et étrangers, est un des principaux moyens de les rendre aisés, riches et opulents, et qu'en cette considération nous ne voulions empêcher que chacun fasse son profit de ce qu'il a par le moyen et bénéfice du commerce, néanmoins...>>

、 Ce préambule rappelle le passage des Economics royales de Sully, souvent cité en faveur du principe de la liberté commerciale (2). Doit-on attribuer à l'influence de ce grand ministre les lettres de 1595? quelques écrivains semblent en douter.

Quoique la charge de surintendant des finances n'ait été rétablic en faveur de Sully que dans l'année 1599 (3), il entra dans le conseil des finances dès l'année 1595 (4). La guerre

(1) Edit du 19 septembre 1587.

(2)« Autant qu'il y a de divers climats, régions et contrées, autant semble-t-il que Dieu les aye voulu diversement faire abonder en certaines propriétés, commodités, denrées, matières, arts et métiers spéciaux et particuliers qui ne sont point communs, ou pour le moins de telle beauté aux autres lieux, afin que, pour le trafic des choses (dont les uns ont abondance et les autres disette), la fréquentation, conversation et société humaine soient entretenues entre les nations, tant éloignées fussent-elles les unes des autres. >>

(3) Voy. Forbonnais, Recherches sur les Finances, t. 1er, p. 39. (4) Forbonnais, loc. cit., p. 19.

fut déclarée à l'Espagne par le manifeste du 17 janvier de cette dernière année. Henri IV ne partit de Paris que le 30 mai, et c'est avant son départ qu'il établit un nouveau conseil dans lequel Sully entra. Or, c'est dans l'intervalle entre le 17 janvier et le 30 mai, c'est-à-dire le 12 mars, que les lettres de 1595 furent publiées. On peut donc présumer que si ces lettres sont l'œuvre du nouveau conseil, Sully y participa.

D'un autre côté, ces lettres ne furent révoquées par aucune loi postérieure et pendant tout le temps que Sully fut au pouvoir.

Si l'édit du 20 février 1601 permit l'exportation, ce ne fut que pendant l'année, et grâce à l'abondance qui régna en France après la paix de Vervins et la cessation des troubles civils.

Il faut bien le reconnaître, si les Mémoires de Sully prouvent que ses principes étaient favorables à la liberté du commerce extérieur, néanmoins les lois rendues pendant son ministère consacrèrent en règle générale le régime de la prohibition.

Du reste, on le sait, ce n'est pas seulement en cette matière que Sully se montra peu conséquent avec ses doctrines pendant la durée de son administration (1).

Sous Louis XIII, et après la mauvaise récolte de 1625, des lettres patentes du 26 mai 1626 défendirent les traites foraines, et l'arrêt du 11 décembre de la même année édicta la peine de mort contre les personnes qui contreviendraient à ces défenses.

Un édit de janvier 1629 renouvela quelques dispositions des édits de Charles IX et de Henri III. La traite des grains ne fut affermée que sous la condition que le roi pourrait défendre ou permettre l'exportation quand bon lui semblerait. Les officiers, maires et échevins durent lui faire parvenir

(1) Voy. sur ce dernier point M. Blanqui, Hist. de l'Econ. polit.. t. 18a, p. 357.

leurs rapports sur l'état des récoltes avant que la permission d'exportation fût accordée.

Puis, les lettres patentes du 30 septembre 1631 défendirent, sous des peines corporelles, la sortie sans la permission royale.

La liberté d'exportation fut rétablie en 1639, dans l'espérance, porte l'édit, que la vente des bleds... soulagerait le peuple. «Cette déclaration, dit Forbonnais, n'est-elle pas un aveu de la faute commise en suspendant cette vente? » (1)

Environ trois ans après, un arrêt du 9 avril 1643 prohibait la sortie sous peine de mort.

C'est, on le voit, toujours le même système, les mêmes alternatives de prohibition, de liberté exceptionnelle et de rigueurs excessives.

Toutefois, l'assemblée de 1627 semblait, dans ses réponses sur les diverses propositions qui lui furent faites de la part du roi, considérer la libre exportation comme la loi la plus favorable à la prospérité du royaume, car elle ne sollicitait la prohibition qu'à l'égard des provinces menacées de disette ou environnantes (2).

Les mêmes cahiers suppliaient le roi de n'accorder aucun passeport à la faveur, et de défendre expressément aux gouverneurs de faire la traite lorsqu'elle était prohibée (3). Ces vœux ne firent pas cesser les monopoles et les abus.

Nous passerons sous silence quelques autres documents, pour nous livrer à l'examen des actes du plus éminent ministre du règne de Louis XIV, de l'infatigable Colbert, dont l'habileté a été tour à tour exaltée ou ravalée par les opinions. Ce sera l'objet de la section suivante.

(1) Rech. sur les Fin., t. 1er, p. 232.

(2) Forbonnais, loc. cit., p. 205.

(3) Id., p. 206.

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