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ration, sous l'influence d'une Chambre où dominait l'élément foncier, et maintenu provisoirement, pendant dix-huit années, par le gouvernement de 1830, qui rencontra à peu près les mêmes obstacles que celui de la Restauration; abrogé temporairement depuis 1853, le principe de la protection en matière de céréales est un épisode de notre législation que le législateur aura sans doute bientôt à apprécier.

Bientôt il aura à se demander si la loi de l'échelle mobile a rempli le but que toute loi doit atteindre, c'est-à-dire si elle a donné satisfaction à l'intérêt général, à l'intérêt du consommateur, aussi bien qu'à celui du producteur; il aura à examiner si les inconvénients qui résultent évidemment de ce système ont été compensés par les avantages qu'on en a retirés.

Trop éloigné, dans notre modeste et chère solitude, des hautes régions où s'élaborent ces graves questions, nous ne pouvons rien présager, et, cependant, un certain pressentiment nous fait espérer que des réformes sérieuses seront introduites dans le sens du principe que nous avons embrassé.

Lorsque le régime réglementaire et prohibitif était en vigueur, le gouvernement intervenait souvent dans les approvisionnements pendant les années de disette ou de cherté.

L'expérience avait déjà démontré les funestes effets de ce système.

Plus tard, Turgot exposa, dans une de ces remarquables dissertations qui servent de préambule aux édits rendus pendant son ministère, les inconvénients, les conséquences désastreuses de l'intervention de l'Etat.

Les lois de la période révolutionnaire, les mesures prises pendant les disettes de 1811, 1812, 1816, 1817 sont venues depuis confirmer, par leurs tristes résultats, la thèse que le célèbre ministre de Louis XVI avait soutenue et développée avec une dialectique et un bon sens admirables.

Le régime interventionniste, réprouvé par la science, condamné par l'expérience, est aussi repoussé par le gouvernement actuel; nous lisons dans le Moniteur du 17 novembre 1853 «La substitution de l'Etat à l'action de l'industrie se

rait une mesure à la fois matériellement impossible, financièrement ruineuse, politiquement insensée. »>

Dans une lettre du 5 septembre 1855 adressée à M. le préfet de la Gironde, M. le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics disait aussi : « Veuillez faire connaître à la chambre de commerce de Bordeaux, en réponse à sa lettre du 31 août, que le gouvernement ne s'occupe ni directement ni indirectement d'assurer par lui-même à la France les approvisionnements de grains qui pourraient lui être nécessaires. Il laisse ce soin au commerce, qui n'a nullement à redouter les effets d'une telle concurrence, et il désire que sa déclaration soit connue. >>

Enfin, le maximum, la suspension des travaux dans les brasseries ou les distilleries, les achats de grains faits par le gouvernement, les primes, les réserves, sont des remèdes qui sont, les uns dangereux, les autres inefficaces ou impuissants.

En somme, une loi qui supprimerait les dernières entraves qui s'opposent encore à l'activité et au développement du commerce intérieur des céréales, et qui bannirait le système 'économique de la Restauration et du gouvernement de 1830, en appliquant largement le principe de la liberté commerciale au commerce extérieur, et en remplaçant les droits mobiles par de simples droits fixes excessivement modérés, serait, à notre sens, une loi sage, une loi de progrès, une loi conforme à l'intérêt de tous, aux vues de la Providence et à la tendance évidente de notre législation.

Sans doute, le temps dont Smith parlait par hypothèse, où toutes les nations suivraient le noble système de la liberté des exportations et des importations, n'est pas encore arrivé (1);

(1) Richesse des Nations, t. 2, p. 144, édit. Guillaumin. « De même, dit Smith, que parmi les provinces d'un grand empire, suivant les témoignages réunis de la raison et de l'expérience, la liberté du commerce intérieur est non-seulement le meilleur palliatif des inconvénients d'une cherté, mais encore le plus sûr préservatif contre la famine; de même la liberté des importations et des exportations le serait entre les différents Etats qui composent un vaste continent. Plus le continent serait vaste, plus la com

mais peut-être n'est-il pas impossible d'entrevoir un avenir plus favorable au principe impérissable qui prescrit la liberté des échanges.

munication entre toutes ses différentes parties serait facile tant par terre que par eau, et moins alors aucune de ces parties en particulier pourrait jamais se voir exposée à l'une ou à l'autre de ces calamités, car il serait alors d'autant plus probable que la disette d'un des pays serait soulagée par l'abondance de quelque autre. »>

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APPENDICE

I

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Ordonnance du prévôt de Paris du 10 juin 1391.

Premièrement, que toutes personnes, de quelque estat ou condition qu'elles soient, qui auront bleds, farines, avoines et autres grains, en la ville de Paris ou ailleurs, en la prévosté et vicomté de Paris, les exposent et mettent en vente de marché en marché tantost et sans délai après ce cry, retenu et réservé tant seulement ce qui leur conviendra pour le vivre et gouvernement d'eux, de leurs gens et chevaux jusques à deux mois prochains venans, et les mettent à juste et raisonnable prix loyalement et sans fraude, sans en rien masser ni recéler, et sans les vendre à marchans grossiers ou autres, pour revendre ailleurs, sur peine de perdre corps et avoir. Item, que nuls marchans grossiers ni autres, de quelque estat qu'ils soient, ne soient tant osez ni si hardis, sur ladite peine, d'acheter aucuns grains ou farines pour revendre en gros, fors seulement pour leur user et leur nécessité, jusques audit temps de deux mois. - Item, que nuls marchans en détail ou revendans ne soient tant osez ni si hardis d'acheter en plein marché ou en greniers, aucuns grains ou farines pour revendre plustôt et jusques à ce que les bonnes gens qui seront au marché, qui en auront affaire pour leur vivre ou nécessité, en auront pris et acheté ce qui

leur en faudra, et jusques à ce que heure de midy soit passée, et encore que lesdits regrattiers n'en puissent acheter que ce qui leur en faudra pour leur user et détailler jusques à huit jours au plus, sur ladite peine. Item, que tous marchans et voituriers amenant grains à Paris pour vendre ne les puissent descendre ni vendre ailleurs qu'en plein marché ès places et heures accoustumées, sous peine de forfaire les denrées et d'amende volontaire. Item, que nuls marchans grossiers, détailleurs ou autres, ne voisent au-devant des grains et farines que l'on amène à Paris pour vendre, et qu'ils ne les puissent acheter, si ce n'est en plein marché, sur ladite peine.

II

B. — P. 75.

Préambule de l'arrêt du Conseil d'Etat
du 13 septembre 1774.

Le roi s'étant fait rendre compte du prix des grains dans les différentes parties de son royaume, des lois rendues successivement sur le commerce de cette denrée, et des mesures qui ont été prises pour assurer la subsistance des peuples et prévenir la cherté, Sa Majesté a reconnu que ces mesures n'ont point eu le succès qu'on s'en était promis.

Persuadée que rien ne mérite de sa part une attention plus prompte, elle a ordonné que cette matière fût de nouveau discutée en sa présence, afin de ne se décider qu'après l'examen le plus mûr et le plus réfléchi. Elle a vu avec la plus grande satisfaction que les plans les plus propres à rendre la subsistance de ses sujets moins dépendante des vicissitudes des saisons se réduisent à observer l'exacte justice, à maintenir les droits de la propriété et la liberté légitime de ses sujets.

En conséquence, elle s'est résolue à rendre au commerce des grains dans l'intérieur de son royaume, la liberté qu'elle regarde comme l'unique moyen de prévenir, autant qu'il est

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