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« Celui du 12 octobre décide que, jusqu'au 31 juillet 1854, les bâtiments étrangers pourront, comme les navires français, concourir au transport, par cabotage, des denrées alimentaires d'une mer à l'autre. (Le décret du 17 janvier 1854 étend cet avantage au petit cabotage.)

« Le Moniteur du 17 novembre publiait un article pour exposer de nouveau les vues du gouvernement dans la question des subsistances, les mesures prises et les résultats obtenus.

<< Enfin, deux décrets du 3 décembre ont prorogé jusqu'au 31 juillet 1854, l'un l'exemption des droits de navigation, l'autre la réduction des tarifs des chemins de fer pour le transport des subsistances.

« A ces mesures il faut ajouter les décrets des 21 et 22 novembre, qui mettent à la disposition des ministres de l'intérieur et de l'instruction publique une somme de 4 millions pour concourir aux travaux utiles des communes pendant la cherté des grains.

« Il faut y ajouter, enfin, tout ce que les villes et les départements ont fait, sous l'impulsion du gouvernement, pour assurer aux populations nécessiteuses le pain à prix réduit et le travail qui leur permet de le gagner. L'établissement récent de la caisse de la boulangerie à Paris, qui est appelée à rendre de si grands services, n'est que la conséquence et une sorte de complément de ce vaste ensemble de mesures destinées à remédier efficacement aux inconvénients de la crise que nous traversons. >>

La caisse de la boulangerie de Paris instituée par le décret du 27 décembre 1853 avance, en temps de cherté, aux boulangers le montant de la différence en moins existant entre le prix de vente du pain d'après la taxe et le prix résultant de la mercuriale, et en temps de bon marché, pour se couvrir de ses avances, elle reçoit les différences en plus (1).

Quant aux autres mesures prises pendant les années 1853

(1) Voy. art. 5, décret 27 décembre 1853,

à 1856, on peut se reporter à ce que nous avons dit sous la section II du chapitre IV, au sujet de l'importation et de l'exportation,

T

Nous rappelons aussi le décret du 26 octobre 1854 sur la suspension du travail dans les distilleries, dont nous avons parlé sous la section précédente.

CONCLUSION

Les principes sur la circulation, sur le commerce intérieur et extérieur des céréales ont été lentement, mais successivement modifiés par les nombreuses lois qui, depuis des siècles, ont été publiées en France sur cette matière.

Dans l'origine, la circulation intérieure était souvent entravée, interceptée par la ceinture de douanes dont chaque province était entourée, par les permissions particulières, par les droits, les péages, les impôts de toute espèce. Une province avait souvent du superflu qu'elle prodiguait, tandis que sa voisine était dans la disette. La royauté fit pendant bien des années d'inutiles efforts pour dominer les prétentions, vaincre le mauvais vouloir des gouverneurs ou autres officiers, et rétablir d'une manière égale l'approvisionnement entre les différentes parties de la France. Les prescriptions des ordonnances, souvent renouvelées, et quelquefois sévères, ne mettaient pas toujours un terme aux abus.

Le principe de la libre circulation intérieure, qui était déjà proclamé par les ordonnances des rois de l'ancienne monarchie, reçut une consécration nouvelle dans les lois rendues à la suite de la révolution de 1789, qui brisèrent enfin les trop nombreuses entraves existant encore à cette époque.

Si quelques lois de la période révolutionnaire méconnu

rent cette précieuse règle, elle fut bientôt inscrite de nouveau dans la législation, et toujours respectée depuis par les législateurs.

Les anciennes lois de la France, comme presque toute la vieille législation européenne, tendaient à déconsidérer le commerce des grains, à le décourager, à l'anéantir. Il fallut que plusieurs siècles s'écoulassent avant de comprendre que c'était par l'action du commerce que l'on pouvait pourvoir d'une manière prompte, sûre et économique aux besoins de la nation.

C'est seulement dans le XVIIIe siècle que cette vérité a été mise dans tout son jour. Mais au moyen âge et pendant le XVI siècle et le XVII, la législation porte l'empreinte de l'idée qui consiste à voir dans les marchands de grains des intermédiaires inutiles, souvent nuisibles et dangereux. De là toutes ces dispositions réglementaires, restrictives, prohibitives, coercitives, qui se succédaient dans la législation; toutes ces règles iniques, contradictoires, que nous avons analysées, et qui opprimaient le commerce, déshonoraient les commerçants, favorisaient le monopole en diminuant la concurrence, encourageaient la haine et les préjugés populaires.

L'école physiocratique et son éminent disciple Turgot prouvèrent jusqu'à l'évidence que de telles lois étaient contraires à la raison et aux intérêts de la France. Ils démontrèrent tous les avantages d'un commerce libre, animé et étendu. A plusieurs reprises les législateurs reconnurent et consacrèrent solennellement ces principes.

La règle de la liberté du commerce intérieur fut cependant méconnue ensuite par plusieurs actes de la législation. Mais elle a triomphé de toutes ces atteintes, et elle est devenue une disposition fondamentale de notre droit moderne. Si quelques restrictions se rencontrent encore dans la législation, la science les désapprouve, les combat par de puissants raisonnements, et on peut espérer qu'un jour le bon sens de nos législateurs fera disparaître ces derniers vestiges d'un régime qui n'est plus...

Ici encore le progrès n'est point douteux.

Le commerce extérieur fut peut-être soumis à plus de vicissitudes. Abandonnée, dans l'origine, à l'arbitraire de plusieurs, sans autre règle que le caprice ou la cupidité, l'exportation dut ensuite être permise par le souverain seul. C'était une première amélioration. Mais si l'anarchie était moins grande, les règles de cette branche importante du commerce extérieur étaient encore bien imparfaites. Non-seulement, pendant un grand nombre d'années, les permissions d'exportation furent octroyées sans aucune connaissance possible de l'état des récoltes, mais plus d'une lettre patente fut dictée par l'esprit de fiscalité et eut pour résultat de consacrer le monopole. Plus d'une convulsion dans le commerce fut la conséquence de la législation, et plus d'une fois aussi les exportations furent suivies de cherté ou de disette.

L'édit de 1764, qui permit l'exportation par une disposition permanente, réalisait donc, même en fixant un prix au-delà duquel elle était interdite, un progrès certain, évident.

Successivement modifié et même abrogé par des lois postérieures, le principe de 1764 fut rétabli en 1814, et adopté par les législateurs de 1819 et de 1821, avec plusieurs modifications. C'était toujours, en effet, la liberté d'exportation limitée par la règle d'une prohibition éventuelle.

Cette dernière règle fut abolie par la loi de 1832.

La tendance de la législation était encore, on le voit, dans le sens de la liberté.

Quant à l'importation, les anciens édits, à l'exception de ceux de 1664 et de 1764, ne s'en occupent pas, n'avaient point à s'en occuper; s'ils en parlent, ce n'est guère que pour la permettre en franchise de tous droits.

Les règles de l'importation et les droits protecteurs sont d'une date récente.

Dicté par la situation exceptionnelle dans laquelle notre agriculture se trouvait après les guerres de l'Empire, deux disettes, et l'accroissement des blés dans les provinces russes de la mer Noire; conservé par le gouvernement de la Restau

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