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Ce projet, auquel la commission avait proposé d'ajouter une disposition pour restituer à Marseille son entrepôt fictif, devint la loi des 20-25 octobre 1830.

Entre autres dispositions, cette loi portait que le maximum du droit variable à l'importation des grains serait de 3 francs l'hectolitre, et le minimum de 25 centimes; que ces droits et les degrés intermédiaires de 2 francs et 1 franc continueraient d'être appliqués suivant le prix légal des grains, conformément aux lois des 16 juillet 1819 et 4 juillet 1821. Ils devaient être perçus sans distinction de provenance, et avec la seule surtaxe de 1 franc pour les grains arrivant par mer sous pavillon étranger (1).

L'entrepôt fictif était restitué à la ville de Marseille.

Cette loi ne devait rester en vigueur que jusqu'au 30 juin 1831 pour certains départements, et jusqu'au 31 juillet suivant pour d'autres régions (2).

Enfin, le 17 octobre 1831, le gouvernement présentait à la Chambre un nouveau projet de loi sur l'importation et l'exportation des céréales.

On critiquait la législation de 1821, qui favorisait plus les exportations que les importations; qui, dans l'intérêt de la marine, rendait plus chère une chose de première nécessité.

On considérait comme mauvaises les bases des tarifs, et la classification qui attribuait à des sections différentes des départements limitrophes. On critiquait également le choix des marchés régulateurs. Mais le vice radical du système, disait-on, réside dans la perpétuelle alternative d'admissions et de prohibitions consacrée par la loi.

(1) Le maximum de 3 fr. était appliqué aux seigles et mais quand le prix de ces grains atteignait 16, 14, 12 et 10 fr., selon les classes. - Il n'y avait lieu qu'à la perception du minimum de 25 c. quand les prix dépassaient 18, 16, 14 et 12 fr. Le minimum du droit sur les farines importées parnavires français était de 50 c. par 100 kilog., et de 2 fr. 50 c. lorsque l'importation avait lieu sous pavillon étranger.

(2) Voy. aussi ord. du 2-11 juin 1831 sur les marchés régulateurs, l'entrepôt fictif et le droit d'importation des grains arrivant par navires français.

Ce régime rend précaire la faculté d'importer, sans en laisser prévoir ni le commencement ni la fin. Quand l'importation est possible, l'étranger se hâte d'importer des grains et le commerçant français d'en aller chercher à l'étranger. Il y a concurrence et renchérissement aux achats, concurrence dans les moyens de transport, et surhaussement du frêt et des faux frais. Alors il arrive, ou qu'il y a une prompte surcharge du marché et que la baisse trop rapide ramène la prohibition avant qu'on ait pu recevoir tout le secours désirable, ou que la demande, soutenant le prix, prolonge le temps de l'importation au-delà des véritables besoins, et produit un surcroît d'approvisionnement dont le producteur national éprouve plus de préjudice qu'il n'en aurait ressenti d'une concurrence régulière et dont toutes les chances auraient été soumises au calcul (1).

C'est pour répondre à ces critiques que le gouvernement proposait: 1o de substituer deux grandes divisions aux quatre zônes établies par la loi de 1821; 2o de supprimer entièrement les prohibitions à l'entrée et à la sortie, et de créer un tarif mobile gradué sur la proportion entre la production et la consommation, et sur les prix à garantir aux producteurs; 3o de prendre pour régulateur le prix moyen du pain au lieu du prix moyen du blé; 4° de ne plus percevoir, passé une certaine limite, la surtaxe établie sur les arrivages par navires étrangers; 5o de réduire à quinze jours la durée des cours régulateurs.

Mais la commission, à laquelle le projet fut renvoyé, y apporta de notables changements. M. Ch. Dupin avait été nommé rapporteur.

Le rapport de M. Ch. Dupin exposait que, des renseignements pris sur la production des céréales en Europe, il résultait que les mêmes dangers qui menaçaient l'agriculture française en 1821 existaient aussi imminents en 1832 (2); que

(1) Voy. l'Exposé des motifs de la loi du 15 avril 1832.

(2) Voy. le Rapport de M. Ch. Dupin. M. de Molinari démontre,

l'expérience résultant de l'application faite pendant dix années de la loi de 1821 prouvait que les prohibitions étaient fâcheuses, les prix rémunérateurs établis par cette loi trop élevés, les marchés régulateurs mal choisis.

Le rapport ajoutait que, depuis 1821, les années malheureus es avaient été plus facilement traversées, ce qui constatait l'excellence d'une législation permanente; que tous les points du territoire avaient été suffisamment approvisionnés, ce qui légitimait la division de la France en quatre régions.

Enfin, selon le rapport, la substitution du prix du pain aux mercuriales des céréales, comme base servant à déterminer les prix moyens, outre de nombreuses difficultés d'application, faisait craindre que l'action du régulateur ne fût trop lente. C'est sous l'influence de ces idées que la loi du 15 avril 1832 fut votée.

Cette loi abolit les prohibitions éventuelles, soit à l'importation, soit à l'exportation, prononcées par les lois de 1819 et de 1821 (1);

Elle maintient la division en quatre zônes créée par la loi de 1821;

Lorsque le prix régulateur dépasse 28 francs dans la première classe, 26 francs dans la deuxième, 24 francs dans la troisième, 22 francs dans la quatrième, l'importation n'est soumise qu'au simple droit de balance de 25 centimes par hectolitre (2);

Au-dessous du prix rémunérateur, fixé pour chacune des quatre classes, comme dans la loi de 1821 (3), les blés im

comme on l'avait déjà prouvé dans la discusion, l'inexactitude de cette considération, en reproduisant les observations recueillies par M. Jacobs sur les blés de la Russie septentrionale et de la Pologne, desquelles il résulte que les blés dans le Nord ne descendaient pas au-dessous de 10 fr. 03 c. et 12 fr. 04 c., et qu'arrivés dans les ports d'Angleterre ils ne revenaient pas à moins de 18 fr. 50 c. et 20 fr. 64 c. Les renseignements sur les blés d'Odessa n'étaient pas moins rassurants pour les agriculteurs français. Voy. M. de Molinari, loc. cit., p. 32.

(1) Art. 1er et 7.

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(2) Art. 2, 1. 15 avril 1834; art. 1er, l. 16 juillet 1819.

(3) C'est-à-dire au-dessous de 26, 24, 22 et 20 fr.

portés paient 1 franc de surtaxe par chaque franc de baisse, outre le droit de balance (1); et si les prix des grains indigènes fléchissent de 3 francs au-dessous du même point de départ, la surtaxe s'élève alors à 1 franc 50 centimes par hectolitre pour chaque franc de baisse (2).

En outre, un droit différentiel de 1 franc 25 centimes par hectolitre est établi dans l'intérêt de la marine nationale sur les importations par navires étrangers. Ce droit n'est pas perçu quand les prix s'élèvent au-dessus du prix nécessaire, c'est-à-dire au-dessus de 28, 26, 24 et 22 francs, selon les elasses (3).

L'exportation est permise, au droit de balance, jusqu'à ce que le prix ait atteint 25, 23, 21 et 19 francs, selon les classes. Au-dessus de ces limites, un droit de 2 francs est perçu par chaque franc de hausse (4).

Cette loi ne devait demeurer en vigueur que jusqu'au 1er juillet 1833; mais la loi du 26 avril 1833 différa indéfiniment le terme assigné pour la révision.

Telles sont les différentes phases qu'a traversées en France le célèbre système de l'échelle mobile, emprunté aux anciennes lois de l'Angleterre, et successivement consacré ou modifié par les lois de 1819, 1821 et 1832.

Nous n'apprécierons pas ici la légitimité de ce système. Nous laissons à d'autres le soin d'examiner si la législation crée un impôt sur le blé au profit des propriétaires fonciers; si cet impôt est, par suite du mécanisme de l'échelle mobile, inégalement réparti entre les quatre grandes régions de la France.

(1) Art. 2, § 1er, l. 15 avril 1832. (2) Art. 2, § 1er, l. 15 avril 1832.

(3) Art. 4, l. 15 avril 1832.

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(4) Art. 7, I. 15 avril 1832 et tableau A. Les farines paient à l'importation le triple environ des droits sur le blé par hectolitre et le double à l'exportation. (Art. 2 et 7,1. 15 avril 1832.) - Voy., pour les droits à l'importation et à l'exportation des grains inférieurs, art. 3 et 7, 1. 15 avril 1832.

Nous ne pourrions nous livrer à ces appréciations sans excéder les limites de ce Précis.

Nous ne nous demanderons pas non plus si le régime de la libre concurrence ne serait pas de nature à ruiner totalement ou partiellement notre agriculture, et à porter atteinte à l'indépendance nationale.

Cet argument, que les partisans de la protection ont souvent mis en avant, et dont le mérite est fort contestable, est plutôt du domaine de la politique que de celui de l'économie. Nous ne pensons pas, d'ailleurs, qu'il soit destiné à produire une bien grande impression sur l'esprit du législateur actuel.

Voyons seulement quelle est l'efficacité du régime de l'échelle mobile, et si la somme des inconvénients qui en résultent est compensée par celle des avantages que, dans la pensée des législateurs, ce régime devait procurer à notre pays.

Il semble que, grâce au double jeu de l'échelle mobile, on vienne en aide aux agriculteurs dans les années de surabondance, en mettant des entraves à l'importation des grains étrangers.

Il semble aussi que, dans les années de disette, la législation soit favorable aux consommateurs par la facilité de l'importation et au moyen des obstacles mis à l'exportation.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, en 1832, M. le ministre du commerce, parlant des résultats du système, disait : « Par là, les cours conserveront plus de fixité, et nos marchés ne seront plus affectés par des alternatives de surabondance et de disette. »

Ainsi, selon les rédacteurs de la loi, le but du régime de l'échelle mobile était de prévenir les trop grands écarts des prix en hausse et en baisse, et de les maintenir au niveau du prix normal ou rémunérateur.

Or, combien n'avons-nous pas vu d'années où les prix ont été soit élevés, soit bas, depuis que nous vivons sous l'empire de l'échelle mobile! Le but n'a donc pas été atteint; la

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